A dix jours des législatives l’UMP est vent debout sur tous les dossiers du gouvernement, sauf un. Vent debout sur le remplacement de trois hauts responsables de la police, vent debout contre la hausse de l’allocation rentrée scolaire, vent debout contre Christiane Taubira, vent debout sur les retraites...
Mais curieusement pas vent debout du tout sur l’encadrement des salaires des patrons des entreprises publiques, et même vent assis, voir carrément couché.
Sur le plan juridique l’UMP aurait pourtant du grain à moudre. La mesure de limitation des hauts salaires portera sur les contrats en cours, et sera donc rétroactive, ce qui est limite sur le plan constitutionnel. De même, le versement de 400 000 euros à l’ancien PDG d’Air France pouvait paraître inévitable, puisque l’état est actionnaire minoritaire, mais l’argent ne sera sans doute pas versé à Pierre-Henri Gourgeon.
Or personne n’a grimpé au rideau… Aucun communiqué vengeur n’a déploré ce passage en force, ni le fait que le salaire d’Henri Proglio, patron d’EDF et très proche de l’ancien Président, puisse passer de 130 000 à 30 000 euros par mois, soit une baisse de 100 000 euros mensuels, tout de même...
Jean-François Copé, qu’on a connu plus combattif, s’est contenté de lâcher : « C’est de la com », et Laurence Parisot, la Présidente du Medef a même admis que « la moralisation des hauts revenus est une idée juste parce que c’est le lien social qui est en jeu ».
Pourquoi ce ton pastel ?
Simplement, parce que ces salaires sont indécents, indéfendables, injustifiables, et dénoncés comme tels depuis des années, y compris par la droite, au point que le Medef a publié, il y a deux ans, un ensemble de recommandations destinées à les combattre, en prônant « mesure et équilibre ».
Mais ces condamnations morales, qui ont fait les grandes heures d’un fameux discours prononcé à Toulon sont restées lettre morte. Quant à la charte du Medef elle n’a rien changé du tout.
Si bien qu’un débat, longtemps contenu, a fini par s’ouvrir avec l’accession d’un socialiste à l’Elysée. Pas un débat économique, ou pas seulement, pas un débat purement moral, mais un débat totalement politique.
Est-il plus efficace, au nom de la liberté, et de la souplesse économique, de laisser chaque entreprise fixer elle-même ses règles et ses limites, ou faut-il que l’état intervienne en édictant une loi autoritaire ?
La droite, par principe, est plutôt pour la première solution, puisqu’elle est libérale, et la gauche pour la seconde, puisqu’elle est étatiste, mais les faits ont tranché. Les abus insatiables des grands patrons livrés à leur seule volonté, prouvent au fond que l’autogestion d’en haut ne marche pas mieux que l’autogestion d’en bas, et que la loi doit s’imposer à tous. Chacun l’admet à peu près, mais c’est une révision déchirante à droite, aussi radicale, et aussi silencieuse que celle des socialistes en 1983, mais à l’envers. Mitterrand avait admis le primat des marchés. Trente ans plus tard, la droite française doit se résigner au retour de la loi.
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