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"Où l'esprit ne déracine plus mais replante et soigne, je nais. Où commence l'enfance du peuple, j'aime." René Char

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Billet de blog 10 janvier 2009

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Patrick Cockburn, son témoignage à Gaza, le 8 septembre 2006 : Gaza se meurt

Gaza se meurt. Le siège de l'enclave palestinienne par Israël est tellement rigoureux que son peuple est au bord de la famine. Ici, sur les rives de la Méditerranée, se déroule une grande tragédie que le monde ignore, parce que son attention a été détournée par les guerres au Liban et en Irak.

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Gaza se meurt. Le siège de l'enclave palestinienne par Israël est tellement rigoureux que son peuple est au bord de la famine. Ici, sur les rives de la Méditerranée, se déroule une grande tragédie que le monde ignore, parce que son attention a été détournée par les guerres au Liban et en Irak.


Une société tout entière est en cours de destruction. Dans cette zone la plus dense du monde, 1,5 millions de Palestiniens y sont emprisonnés. Israël [seul débouché direct pour les marchandises] a cessé tout commerce [avec Gaza]. Israël a même interdit aux pêcheurs d'aller un peu au large ; alors, ces derniers barbotent dans les vagues pour essayer en vain d'attraper du poisson avec des filets lancés à la main.

Beaucoup de gens se font tuer lors des incursions israéliennes, terrestres et aériennes, qui ont lieu chaque jour. Le Dr Jouma al-Saqa, directeur de l'hôpital al-Shifa à Gaza (qui va bientôt se retrouver à cours de médicaments), m'explique que depuis le 25 juin, ce sont 262 personnes qui ont été tuées et 1.200 qui ont été blessées. Parmi ces dernières, 60 ont dû être amputées des bras ou des jambes. Parmi les victimes on compte 64 enfants et 26 femmes. Le conflit sanglant qui se déroule à Gaza n'a reçu, jusqu'à présent, qu'une [toute petite] fraction de l'attention accordée par les médias à la guerre au Liban.

Le 25 juin, des militants palestiniens, utilisant un tunnel pour sortir de la Bande de Gaza, ont tué deux soldats israéliens et capturé un troisième (Gilad Shalit). À la suite de quoi, écrit Gideon Levy [1] dans le quotidien Haaretz, les Forces de Défense d'Israël "saccagent tout dans Gaza - il n'y a aucun autre mot pour le décrire - tuent, démolissent, bombardent et pilonnent, sans discrimination". En gros, Gaza a été réoccupée, puisque les soldats et les chars israéliens vont et viennent comme ils veulent. La semaine dernière, dans le district de Shajhayeh, au nord, ils ont investi plusieurs maison et y sont restés cinq jours. Le temps qu'ils se retirent, 22 Palestiniens avaient été tués, trois maisons avaient été détruites et les oliveraies, les vergers de citronniers et d'amandiers avaient été rasés par les bulldozers [israéliens].

Voici ce que Fouad al-Touba, un fermier de 61 ans qui y possédait une ferme, a déclaré : "Ils ont même détruit 22 de mes ruches et tué quatre moutons". Il me montre un champ avec tristesse, sa propre terre brune sablonneuse, labourée par les sillons des bulldozers, où les souches des arbres et les branches cassées aux feuilles fanées forment des tas. À proximité, une voiture jaune est dressée sur le nez au milieu d'un tas de blocs de béton. Ce sont les restes d'une petite maison.

Son fils, Baher al-Touba, décrit comment des soldats israéliens l'avaient confiné dans une pièce de sa maison pendant cinq jours avec des membres de sa famille. Ils ont survécu en buvant l'eau d'un aquarium. "Les snipers ont pris position aux fenêtres et ont tiré sur tous ceux qui s'approchaient", raconte-t-il. "Ils ont tué l'un de mes voisins, Fathi Abou Goumbouz qui avait 56 ans. Il était juste sorti pour aller chercher de l'eau".


Parfois, l'armée israélienne prévient avant de détruite une maison. Le son que redoutent le plus les Palestiniens est cette voix inconnue sur leur téléphone cellulaire qui leur signifie qu'ils ont une demi-heure pour quitter leur maison avant qu'elle ne soit touchée par des bombes ou des missiles. On ne peut jamais faire appel.

Mais ce ne sont pas que les incursions israéliennes qui détruisent Gaza et son peuple. Dans la prose d'une rare élégance d'un rapport de la Banque Mondiale, publié le mois dernier, la Cisjordanie et Gaza font face à "une année de récession économique sans précédent. Les revenus réels pourraient se contracter d'au moins un tiers en 2006 et la pauvreté affecter les deux-tiers de la population". Dans ce cas, pauvreté signifie un revenu par habitant de moins de 2 dollars (1,57 €) par jour.

Le désespoir se voit partout. La criminalité augmente. Les gens font n'importe quoi pour nourrir leurs familles. Les soldats israéliens, à la recherche de tunnels, sont entrés dans la zone industrielle de Gaza et y ont éjecté la police palestinienne. Un jour de cette semaine, trois charrettes tirées par des ânes emportaient de la ferraille tordue - les restes des usines qui employaient autrefois des milliers de personnes.

"Pour nous, c'est la pire année depuis 1948 [lorsque les réfugiés palestiniens se sont déversés pour la première fois à Gaza]", dit le Dr Maged Abou-Ramadan, un ancien ophtalmo qui est le maire de la ville de Gaza. "Gaza est une prison. Ni les gens, ni les marchandises ne sont autorisés à sortir. Les gens sont déjà affamés. Ils essayent de survivre avec du pain et des falafels et quelques tomates et concombres qu'ils cultivent eux-mêmes".
Les quelques jours pendant lesquels les Gazéens pouvaient gagner un peu d'argent ont disparu. Le Dr Abou-Ramadan dit que les Israéliens "ont détruit 70% de nos orangeraies afin de créer des zones de sécurité". Les œillets et les fraises, deux des principales exportations de Gaza, ont été jetés ou ont pourri sur pieds. Une frappe aérienne israélienne a détruit la centrale électrique et 55% de l'énergie est perdue. La fourniture d'électricité est à présent devenue aussi intermittente qu'à Bagdad.

L'attaque israélienne qui dure depuis deux mois a frappé une société déjà touchée par le retrait des subventions européennes après l'élection du Hamas, qui a formé un gouvernement en mars. Israël retient les taxes payées sur les biens entrant à Gaza. Sous la pression étasunienne, les banques arabes à l'étranger ne transfèreront pas de fonds au gouvernement.

Les deux-tiers de la population sont au chômage et le tiers restant qui travaille surtout pour l'Etat n'est pas payé. Gaza est désormais, de loin, la région la plus pauvre de la Méditerranée. Le revenu annuel par habitant est de 700 dollars (550 €), à comparer aux 20.000 dollars (16.600 €) en Israël. Les conditions sont bien pires qu'au Liban, où le Hezbollah indemnise de façon libérale les victimes de la guerre pour la perte de leur maison. Comme si Gaza n'avait pas assez de problèmes cette semaine, la grève et les manifestations des soldats, des policiers et des personnels de sécurité sont venus compléter le tableau. Ces manifestations étaient organisées par le Fatah, le mouvement du président palestinien, Mahmoud Abbas (Abou Mazen), qui a perdu les élections contre le Hamas en janvier dernier. Ses militants ont manifesté dans les rues en brandissant en l'air leurs kalachnikovs. "Abou Mazen, tu es courageux", scandaient-ils. "Sauve-nous du désastre !". Des hommes en armes du Hamas, à l'air revêche, adoptaient un profil bas pendant la manifestation mais les deux camps ne sont pas loin d'en découdre dans la rue.
Le siège israélien et le boycott européen sont des punitions collectives infligées aux Gazéens. Cela ne risque pas de dissuader les hommes en armes. Un jeune homme robuste, Ala Hejaïri, occupe un lit de l'hôpital Shifa. Il porte des blessures au cou, aux jambes, à la poitrine et au ventre. "Je déposais une mine antichars à Shajhayeh, la semaine dernière, lorsque j'ai été touché par le tir d'un drone israélien", dit-il. "Je retournerai dans la résistance lorsque j'irai mieux. Pourquoi devrais-je être inquiet ? Si je meurs, je mourrai en martyr et j'irai au Paradis".

Son père, Adel, a dit qu'il était fier de ce que son fils avait fait, ajoutant que trois de ses neveux étaient déjà des martyrs. Il a soutenu le gouvernement du Hamas : "Les pays arabes et occidentaux veulent détruire ce gouvernement parce que c'est le gouvernement de la résistance".

Tandis que l'économie s'effondre, ils seront nombreux, les jeunes hommes de Gaza, à se porter volontaires pour prendre la place de Hejaïri. Non entraînés et mal armés, ils se feront tuer, pour la plupart. Mais la destruction en cours de Gaza assurera qu'aucune paix ne sera possible au Proche-Orient pour les générations à venir.

Le décompte des morts

· À la suite de la capture par les Palestiniens, le 25 juin, du caporal Gilad Shalit, Israël a lancé une offensive massive et instauré le blocus de Gaza avec l'opération "Pluies d'Eté".

· Cela fait 74 jours que les 1,3 millions d'habitants de la Bande de Gaza, dont 33% vivent dans des camps de réfugiés, sont attaqués. · Depuis le 25 juin, plus de 260 Palestiniens - dont 64 enfants et 26 femmes - ont été tués. Un mort sur cinq est un enfant. Un soldat israélien a été tué et 26 d'entre eux ont été blessés.

· 1.200 Palestiniens ont été blessés, dont jusqu'à 60 ont dû être amputés. Un tiers des victimes conduites à l'hôpital sont des enfants. · Les avions de guerre israéliens ont lancé plus de 250 raids sur Gaza, touchant les deux centrales électriques et les ministères des affaires étrangères et de l'information.

· Au moins 120 structures palestiniennes, dont des maisons, des ateliers et des serres, ont été détruites par les Israéliens et 160 autres ont été sérieusement endommagées.

· L'Onu a critiqué le bombardement par Israël, qui a causé 1,8 Mds (estimation) de dollars [1,4 Mds d'euro] de dommages au réseau électrique et laissant plus d'un million de personnes sans accès régulier à l'eau potable.


· Le groupe israélien des droits de l'homme, B'Tselem, déclare que 76 Palestiniens, dont 19 enfants, ont été tués par les Forces israéliennes au seul mois d'août. Des preuves montrent qu'au moins 53% des victimes ne participaient pas aux hostilités.


· Lors de la dernière éruption de violence, hier, trois Palestiniens ont été tués, lorsque les soldats israéliens ont attaqué une ville de Cisjordanie pour mettre la main sur des militants recherchés.


Traduit de l'anglais par Jean-François Goulon
__________________
Note :
[1] Lire cet article : Les Ténèbres de Gaza

A noter également :

Mon expulsion d’Israël
Par Richard Falk

Richard Falk, professeur de droit international à l'Université de Princeton et rapporteur spécial sur les territoires palestiniens de l'ONU a été expulsé par l'état Israël le 14 décembre 2008 dans des conditions humiliantes. Il témoigne.

[extrait]

J'ai été traité non pas comme un représentant de l'ONU, mais comme une sorte de menace pour la sécurité, soumis à une fouille corporelle et à une inspection des bagages la plus minutieuse que j'aie jamais vue .
J'ai été séparé de mes deux compagnons de l'ONU qui ont été autorisés à entrer en Israël et j’ai été emmené au centre de détention de l'aéroport situé à 1 kilomètre. On m’a demandé de mettre tous mes sacs et mon téléphone portable dans une pièce et j’ai été emmené dans une pièce minuscule fermée à clé qui sentait l'urine et la saleté. Elle contenait cinq autres détenus et était une mauvaise invitation à la claustrophobie.
J'ai passé les 15 heures suivantes ainsi confiné, ce qui équivaut à un cours intensif sur les misères de la vie carcérale, y compris les draps sales, les aliments non comestibles et les lumières trop vives ou l’obscurité qui étaient contrôlées par un garde du bureau.
Bien sûr, ma déception et mon dur confinement étaient des choses insignifiantes, et par elles-mêmes pas dignes d’y prêter attention, étant donné le genre de graves difficultés que des millions de gens dans le monde subissent chaque jour. Leur importance est largement symbolique. Je suis une personne qui n'avait rien fait de mal sauf exprimer une forte désapprobation des politiques d'un État souverain. Plus important encore, l'intention évidente était de m’humilier en tant que représentant de l'ONU et ainsi d'envoyer un message de mépris aux Nations Unies .
Israël m’a depuis le début accusé de parti pris et de faire des accusations inflammatoires au sujet de l'occupation des territoires palestiniens. Je nie être partial, mais plutôt j’insiste sur le fait que j'ai essayé d'être honnête dans l'évaluation des faits et des lois appropriées. C’est la nature de l'occupation qui donne lieu à de vives critiques de l'approche d'Israël, en particulier de son blocus sévère de la bande de Gaza, entraînant la punition collective de 1,5 million d'habitants. En attaquant l'observateur plutôt que ce qui est observé, Israël joue un habile jeu de l'esprit. Il éloigne l'attention de la réalité de l'occupation, en pratiquant en fait une politique de distraction.
Le blocus de la bande de Gaza n'a pas de fonction valable pour les Israéliens. Il est censé être imposé en représailles de quelques roquettes du Hamas et du Jihad islamique tirées de l’autre côté de la frontière sur la ville israélienne de Sderot. L'illicéité de ces tirs de roquettes est incontestable, mais cela ne justifie nullement des représailles israéliennes aveugles contre l'ensemble de la population civile de Gaza.

Aussi sur le site Alternatives internationales

Comprendre la catastrophe de Gaza

jeudi 8 janvier 2009 par Richard Falk [extrait]

Ce que ce contexte nous suggère avec force, c’est qu’Israël n’a pas lancé ses attaques dévastatrices, le 27 décembre, seulement pour arrêter les roquettes, ou en représailles, mais aussi pour toute une série de raisons non reconnues officiellement.


Une société tout entière est en cours de destruction. Dans cette zone la plus dense du monde, 1,5 millions de Palestiniens y sont emprisonnés. Israël [seul débouché direct pour les marchandises] a cessé tout commerce [avec Gaza]. Israël a même interdit aux pêcheurs d'aller un peu au large ; alors, ces derniers barbotent dans les vagues pour essayer en vain d'attraper du poisson avec des filets lancés à la main.

Beaucoup de gens se font tuer lors des incursions israéliennes, terrestres et aériennes, qui ont lieu chaque jour. Le Dr Jouma al-Saqa, directeur de l'hôpital al-Shifa à Gaza (qui va bientôt se retrouver à cours de médicaments), m'explique que depuis le 25 juin, ce sont 262 personnes qui ont été tuées et 1.200 qui ont été blessées. Parmi ces dernières, 60 ont dû être amputées des bras ou des jambes. Parmi les victimes on compte 64 enfants et 26 femmes. Le conflit sanglant qui se déroule à Gaza n'a reçu, jusqu'à présent, qu'une [toute petite] fraction de l'attention accordée par les médias à la guerre au Liban.

Le 25 juin, des militants palestiniens, utilisant un tunnel pour sortir de la Bande de Gaza, ont tué deux soldats israéliens et capturé un troisième (Gilad Shalit). À la suite de quoi, écrit Gideon Levy [1] dans le quotidien Haaretz, les Forces de Défense d'Israël "saccagent tout dans Gaza - il n'y a aucun autre mot pour le décrire - tuent, démolissent, bombardent et pilonnent, sans discrimination". En gros, Gaza a été réoccupée, puisque les soldats et les chars israéliens vont et viennent comme ils veulent. La semaine dernière, dans le district de Shajhayeh, au nord, ils ont investi plusieurs maison et y sont restés cinq jours. Le temps qu'ils se retirent, 22 Palestiniens avaient été tués, trois maisons avaient été détruites et les oliveraies, les vergers de citronniers et d'amandiers avaient été rasés par les bulldozers [israéliens].

Voici ce que Fouad al-Touba, un fermier de 61 ans qui y possédait une ferme, a déclaré : "Ils ont même détruit 22 de mes ruches et tué quatre moutons". Il me montre un champ avec tristesse, sa propre terre brune sablonneuse, labourée par les sillons des bulldozers, où les souches des arbres et les branches cassées aux feuilles fanées forment des tas. À proximité, une voiture jaune est dressée sur le nez au milieu d'un tas de blocs de béton. Ce sont les restes d'une petite maison.

Son fils, Baher al-Touba, décrit comment des soldats israéliens l'avaient confiné dans une pièce de sa maison pendant cinq jours avec des membres de sa famille. Ils ont survécu en buvant l'eau d'un aquarium. "Les snipers ont pris position aux fenêtres et ont tiré sur tous ceux qui s'approchaient", raconte-t-il. "Ils ont tué l'un de mes voisins, Fathi Abou Goumbouz qui avait 56 ans. Il était juste sorti pour aller chercher de l'eau".


Parfois, l'armée israélienne prévient avant de détruite une maison. Le son que redoutent le plus les Palestiniens est cette voix inconnue sur leur téléphone cellulaire qui leur signifie qu'ils ont une demi-heure pour quitter leur maison avant qu'elle ne soit touchée par des bombes ou des missiles. On ne peut jamais faire appel.

Mais ce ne sont pas que les incursions israéliennes qui détruisent Gaza et son peuple. Dans la prose d'une rare élégance d'un rapport de la Banque Mondiale, publié le mois dernier, la Cisjordanie et Gaza font face à "une année de récession économique sans précédent. Les revenus réels pourraient se contracter d'au moins un tiers en 2006 et la pauvreté affecter les deux-tiers de la population". Dans ce cas, pauvreté signifie un revenu par habitant de moins de 2 dollars (1,57 €) par jour.

Le désespoir se voit partout. La criminalité augmente. Les gens font n'importe quoi pour nourrir leurs familles. Les soldats israéliens, à la recherche de tunnels, sont entrés dans la zone industrielle de Gaza et y ont éjecté la police palestinienne. Un jour de cette semaine, trois charrettes tirées par des ânes emportaient de la ferraille tordue - les restes des usines qui employaient autrefois des milliers de personnes.

"Pour nous, c'est la pire année depuis 1948 [lorsque les réfugiés palestiniens se sont déversés pour la première fois à Gaza]", dit le Dr Maged Abou-Ramadan, un ancien ophtalmo qui est le maire de la ville de Gaza. "Gaza est une prison. Ni les gens, ni les marchandises ne sont autorisés à sortir. Les gens sont déjà affamés. Ils essayent de survivre avec du pain et des falafels et quelques tomates et concombres qu'ils cultivent eux-mêmes".
Les quelques jours pendant lesquels les Gazéens pouvaient gagner un peu d'argent ont disparu. Le Dr Abou-Ramadan dit que les Israéliens "ont détruit 70% de nos orangeraies afin de créer des zones de sécurité". Les œillets et les fraises, deux des principales exportations de Gaza, ont été jetés ou ont pourri sur pieds. Une frappe aérienne israélienne a détruit la centrale électrique et 55% de l'énergie est perdue. La fourniture d'électricité est à présent devenue aussi intermittente qu'à Bagdad.

L'attaque israélienne qui dure depuis deux mois a frappé une société déjà touchée par le retrait des subventions européennes après l'élection du Hamas, qui a formé un gouvernement en mars. Israël retient les taxes payées sur les biens entrant à Gaza. Sous la pression étasunienne, les banques arabes à l'étranger ne transfèreront pas de fonds au gouvernement.

Les deux-tiers de la population sont au chômage et le tiers restant qui travaille surtout pour l'Etat n'est pas payé. Gaza est désormais, de loin, la région la plus pauvre de la Méditerranée. Le revenu annuel par habitant est de 700 dollars (550 €), à comparer aux 20.000 dollars (16.600 €) en Israël. Les conditions sont bien pires qu'au Liban, où le Hezbollah indemnise de façon libérale les victimes de la guerre pour la perte de leur maison. Comme si Gaza n'avait pas assez de problèmes cette semaine, la grève et les manifestations des soldats, des policiers et des personnels de sécurité sont venus compléter le tableau. Ces manifestations étaient organisées par le Fatah, le mouvement du président palestinien, Mahmoud Abbas (Abou Mazen), qui a perdu les élections contre le Hamas en janvier dernier. Ses militants ont manifesté dans les rues en brandissant en l'air leurs kalachnikovs. "Abou Mazen, tu es courageux", scandaient-ils. "Sauve-nous du désastre !". Des hommes en armes du Hamas, à l'air revêche, adoptaient un profil bas pendant la manifestation mais les deux camps ne sont pas loin d'en découdre dans la rue.
Le siège israélien et le boycott européen sont des punitions collectives infligées aux Gazéens. Cela ne risque pas de dissuader les hommes en armes. Un jeune homme robuste, Ala Hejaïri, occupe un lit de l'hôpital Shifa. Il porte des blessures au cou, aux jambes, à la poitrine et au ventre. "Je déposais une mine antichars à Shajhayeh, la semaine dernière, lorsque j'ai été touché par le tir d'un drone israélien", dit-il. "Je retournerai dans la résistance lorsque j'irai mieux. Pourquoi devrais-je être inquiet ? Si je meurs, je mourrai en martyr et j'irai au Paradis".

Son père, Adel, a dit qu'il était fier de ce que son fils avait fait, ajoutant que trois de ses neveux étaient déjà des martyrs. Il a soutenu le gouvernement du Hamas : "Les pays arabes et occidentaux veulent détruire ce gouvernement parce que c'est le gouvernement de la résistance".

Tandis que l'économie s'effondre, ils seront nombreux, les jeunes hommes de Gaza, à se porter volontaires pour prendre la place de Hejaïri. Non entraînés et mal armés, ils se feront tuer, pour la plupart. Mais la destruction en cours de Gaza assurera qu'aucune paix ne sera possible au Proche-Orient pour les générations à venir.

Le décompte des morts

· À la suite de la capture par les Palestiniens, le 25 juin, du caporal Gilad Shalit, Israël a lancé une offensive massive et instauré le blocus de Gaza avec l'opération "Pluies d'Eté".

· Cela fait 74 jours que les 1,3 millions d'habitants de la Bande de Gaza, dont 33% vivent dans des camps de réfugiés, sont attaqués. · Depuis le 25 juin, plus de 260 Palestiniens - dont 64 enfants et 26 femmes - ont été tués. Un mort sur cinq est un enfant. Un soldat israélien a été tué et 26 d'entre eux ont été blessés.

· 1.200 Palestiniens ont été blessés, dont jusqu'à 60 ont dû être amputés. Un tiers des victimes conduites à l'hôpital sont des enfants. · Les avions de guerre israéliens ont lancé plus de 250 raids sur Gaza, touchant les deux centrales électriques et les ministères des affaires étrangères et de l'information.

· Au moins 120 structures palestiniennes, dont des maisons, des ateliers et des serres, ont été détruites par les Israéliens et 160 autres ont été sérieusement endommagées.

· L'Onu a critiqué le bombardement par Israël, qui a causé 1,8 Mds (estimation) de dollars [1,4 Mds d'euro] de dommages au réseau électrique et laissant plus d'un million de personnes sans accès régulier à l'eau potable.


· Le groupe israélien des droits de l'homme, B'Tselem, déclare que 76 Palestiniens, dont 19 enfants, ont été tués par les Forces israéliennes au seul mois d'août. Des preuves montrent qu'au moins 53% des victimes ne participaient pas aux hostilités.


· Lors de la dernière éruption de violence, hier, trois Palestiniens ont été tués, lorsque les soldats israéliens ont attaqué une ville de Cisjordanie pour mettre la main sur des militants recherchés.


Traduit de l'anglais par Jean-François Goulon
__________________
Note :
[1] Lire cet article : Les Ténèbres de Gaza

A noter également :

Mon expulsion d’Israël
Par Richard Falk

Richard Falk, professeur de droit international à l'Université de Princeton et rapporteur spécial sur les territoires palestiniens de l'ONU a été expulsé par l'état Israël le 14 décembre 2008 dans des conditions humiliantes. Il témoigne.

[extrait]

J'ai été traité non pas comme un représentant de l'ONU, mais comme une sorte de menace pour la sécurité, soumis à une fouille corporelle et à une inspection des bagages la plus minutieuse que j'aie jamais vue .
J'ai été séparé de mes deux compagnons de l'ONU qui ont été autorisés à entrer en Israël et j’ai été emmené au centre de détention de l'aéroport situé à 1 kilomètre. On m’a demandé de mettre tous mes sacs et mon téléphone portable dans une pièce et j’ai été emmené dans une pièce minuscule fermée à clé qui sentait l'urine et la saleté. Elle contenait cinq autres détenus et était une mauvaise invitation à la claustrophobie.
J'ai passé les 15 heures suivantes ainsi confiné, ce qui équivaut à un cours intensif sur les misères de la vie carcérale, y compris les draps sales, les aliments non comestibles et les lumières trop vives ou l’obscurité qui étaient contrôlées par un garde du bureau.
Bien sûr, ma déception et mon dur confinement étaient des choses insignifiantes, et par elles-mêmes pas dignes d’y prêter attention, étant donné le genre de graves difficultés que des millions de gens dans le monde subissent chaque jour. Leur importance est largement symbolique. Je suis une personne qui n'avait rien fait de mal sauf exprimer une forte désapprobation des politiques d'un État souverain. Plus important encore, l'intention évidente était de m’humilier en tant que représentant de l'ONU et ainsi d'envoyer un message de mépris aux Nations Unies .
Israël m’a depuis le début accusé de parti pris et de faire des accusations inflammatoires au sujet de l'occupation des territoires palestiniens. Je nie être partial, mais plutôt j’insiste sur le fait que j'ai essayé d'être honnête dans l'évaluation des faits et des lois appropriées. C’est la nature de l'occupation qui donne lieu à de vives critiques de l'approche d'Israël, en particulier de son blocus sévère de la bande de Gaza, entraînant la punition collective de 1,5 million d'habitants. En attaquant l'observateur plutôt que ce qui est observé, Israël joue un habile jeu de l'esprit. Il éloigne l'attention de la réalité de l'occupation, en pratiquant en fait une politique de distraction.
Le blocus de la bande de Gaza n'a pas de fonction valable pour les Israéliens. Il est censé être imposé en représailles de quelques roquettes du Hamas et du Jihad islamique tirées de l’autre côté de la frontière sur la ville israélienne de Sderot. L'illicéité de ces tirs de roquettes est incontestable, mais cela ne justifie nullement des représailles israéliennes aveugles contre l'ensemble de la population civile de Gaza.

Aussi sur le site Alternatives internationales

Comprendre la catastrophe de Gaza

jeudi 8 janvier 2009 par Richard Falk

[extrait]

Ce que ce contexte nous suggère avec force, c’est qu’Israël n’a pas lancé ses attaques dévastatrices, le 27 décembre, seulement pour arrêter les roquettes, ou en représailles, mais aussi pour toute une série de raisons non reconnues officiellement.

Le peuple de Gaza est gravement persécuté pour des raisons éloignées des questions de roquettes et de sécurité à la frontière...

Pendant 18 mois, l’ensemble du million et demi d’habitants de Gaza a été soumis à un blocus punitif imposé par Israël, et à de multiples et traumatisants défis à la normalité d’une vie quotidienne. Une lueur d’espoir était apparue il y a six mois quand une trêve négociée avec les Egyptiens a permis un réel cessez-le-feu qui a réduit les victimes israéliennes à zéro, malgré des tirs périodiques inoffensifs de roquettes artisanales tombant près du territoire israélien, et suscitant sans aucun doute une inquiétude dans la ville frontalière de Sderot. Pendant ce cessez-le-feu, la direction du Hamas à Gaza a proposé à maintes reprises de prolonger la trêve, proposant même une trêve pour une période de dix ans, et elle s’est déclarée réceptive pour une solution politique basée sur l’acceptation des frontières d’Israël de 1967. Israël a ignoré ses initiatives diplomatiques et n’a pas, de son côté, respecté l’accord de cessez-le-feu qui impliquait des assouplissements au blocus qui réduisait à une quantité infime les produits alimentaires, les médicaments et le carburant qui pouvaient entrer dans Gaza.

Israël a également refusé le visa de sortie à des étudiants détenteurs d’une bourse étrangère, à des journalistes gazaouis comme à des représentants estimés d’ONG. En même temps, Israël rendait de plus en plus difficile l’accès de Gaza aux journalistes, et j’ai moi-même été expulsé il y a quinze jours alors que je venais en Israël pour remplir ma mission d’observateur des Nations unies pour le respect des droits humains en Palestine occupée, c’est-à-dire, en Cisjordanie et Jérusalem-Est, ainsi qu’à Gaza. Il est clair qu’avant la crise en cours Israël a usé de son autorité pour empêcher des observateurs crédibles de rédiger des rapports justes et véridiques sur une situation humanitaire désespérée et déjà révélée, crise qui provoquait de graves dégradations dans les conditions physiques et la santé mentale de la population gazaouie, à noter plus particulièrement la malnutrition chez les enfants et l’absence d’établissements de soins pour ceux qui souffrent de diverses maladies. Les attaques israéliennes visaient déjà une société qui connaissait une situation grave après un blocus maintenu pendant 18 mois.


Sur ce journaliste irlandais : http://en.wikipedia.org/wiki/Patrick_Cockburn

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.