« Si vous m’avez bien suivi jusqu’ici, nous avons donc affaire à un monde de rats.
Il en existe bien sûr de nombreuses espèces du commun surmulot ou rat des champs à l’exotique rat kangourou en passant par le sournois rat taupier.
Et le rat noir, ah … le rat noir ! et la terrible peste bubonique ! Frayeurs, répulsion, peur millénaire, de la cave au grenier il hante encore nos cauchemars.
Mais il faut se rendre à l’évidence, les rats pullulent et se moquent bien de nos inquiétudes, il faut donc faire face.
Qu’en est-il exactement de leurs effectifs, répartitions et spécialités ? C’est la question du jour.
1. Effectifs en augmentation exponentielle nous dit-on. Nous constatons en effet une brutale inflexion de la courbe de mesure de leur densité au kilomètre carré à compter de la décennie 1980-1990. Il convient toutefois de remarquer une très nette concentration à la pointe occidentale du continent eurasiatique, ainsi que sur les côtes est et ouest du continent nord américain. Quelques souches actives sont également décelables, disséminées dès les premières années, autour du golfe persique et dans l’extrême sud est asiatique. On relève enfin des traces de population endémiques à hautes densités mais à faible dispersion à peu près partout ailleurs. Pour toutes ces zones, le seuil de surpopulation est très rapidement dépassé, particulièrement en Europe occidentale, sans pour autant que l’on puisse constater une quelconque dégénérescence, ni de leur potentiel génétique, ni du biotope. Au contraire il semblerait même que cette augmentation apparemment incohérente de leur population, s’accompagne d’une optimisation pour le moins surprenante des conditions de son propre développement. Plus il y a de rats, plus il y a semble-t-il de bonnes raisons qu’il y en est encore plus. Nous sommes en fait placés devant un cas exceptionnel, dérogatoire aux lois naturelles d’apparition et de disparition des espèces, le rat n’épuise pas les ressources qu’il consomme, au contraire il les produit.
2. Nous trouverons les raisons de cet hallucinant phénomène dans l’organisation sociale du rat. Il faut donc pénétrer cette organisation pour en comprendre l’extraordinaire efficacité. Et constater d’emblée l’extrême diversification des ratitudes. Depuis l’apprenti rat, jusqu’au rat expert (nous y reviendrons), la gamme est incroyablement fournie, du fond des bas quartiers les plus populaires, jusqu’au sommet des hiérarchies les plus élitistes. Ainsi, le rat infiltre et prend possession des sociétés qu’il infecte jusque dans tous leurs recoins, rien ne lui échappe. Il gangrène peu à peu toutes les couches, toutes les sous couches, et se fait surtout spécialiste des fonctions managériales, de prospective, d’ingénierie et d’entremise, dont il prend le contrôle pour devenir celui par lequel tout devient possible, le squelette, l’os à moelle, le génie, l’infatigable soutier, l’omniprésent, le grand horloger, la main invisible, qui fait tenir l’édifice qu’il ronge. Remarquable, à vrai dire inégalé.
3. Pour ce faire, le rat bénéficie d’une caractéristique peu commune au sein du règne animal : au lieu de s’adapter à son environnement, c’est lui qui adapte son environnement à ses désirs et besoins à l’aide d’une aptitude très particulière, la perversion par contamination. La perversion est c’est art consommé, sous les applaudissements esbaudis de la foule incrédule, de désigner pour lanternes de simples vessies qui deviennent aussitôt d’authentiques lanternes. A l’examen, tous les rats s’avèrent doués de cette qualité, à des degrés divers bien évidemment, mais pour la plus grande réussite il faut bien en convenir de leur entreprise collective. Nous trouvons donc des rats à tous les étages et dans tous les secteurs, avec toutefois un degré de concentration d’autant plus élevé que nous nous élevons dans les étages. Cette particularité mérite notre attention car elle est révélatrice du mode de propagation du rat. En effet on ne peut pas s’agissant du rat, parler simplement de son mode de reproduction par fornication classique suivie de gestation toute aussi classique comme facteur de son impressionnante progression démographique. Il faut pour comprendre cette dernière, faire appel au deuxième mécanisme qui est celui de la contamination.
4. La contamination procède de la promiscuité, ce qui explique les extrêmes densités atteintes dans certains vases clos, aux sommets des hiérarchies, dans les étages supérieurs des immeubles servant de nids à ces hiérarchies ou encore dans les laboratoires d’incubation de ces hiérarchies, au sein des unités de formation les plus prestigieuses. C’est également ce mécanisme de la contamination qui explique la diffusion de la ratitude aux étages inférieurs. Séminaires managériaux, rounds de négociations sociales, voyages d’étude et autres escapades touristiques de gratification sous les cocotiers sont parmi d’autres, autant d’occasions pour elle de se transmettre du haut vers le bas et d’infester ainsi de proche en proche l’ensemble sociétal. Si bien que l’on retrouve la ratitude en des lieux où on ne l’attend point, même devrais-je dire dans ceux où on l’attend le moins. Mais il faut remarquer qu’il y a de la déperdition en chemin. Sauf à de rares exceptions, la ratitude en effet perd en intensité à mesure que l’on s’éloigne de ses centres névralgiques.
5. On peut donc distinguer une infinie variété de ratitudes. Depuis le rat occasionnel, voire accidentel ou même involontairement complice, jusqu’au rat obsessionnel, névrotique ou même hystérique, depuis le rat petit chef jusqu’au rat grand manitou, du rat occulte au rat 1er de la classe, du rat semi clandestin au rat de haute lignée, du rat mutique et sournois jusqu’au rat bavard et décomplexé, du rat soudoyé au rat corrupteur, du rat en Smart et à I Phone au rat à Rolex et en Versace, des bas fonds jusque sous les feux de la rampe, le rat est présent partout. C’est donc bien une société de rats qui s’offre en spectacle à nos yeux incrédules, en ces dernières années qui précédèrent le grand basculement.
Il me reste donc à conclure, et pour ce faire à vous dire quelques mots sur la fin des rats, coincés dans les siphons.
Comme son nom ne l’indique pas, et en dépit de son remarquable potentiel génétique, le rat souffre.
Et il souffre doublement :
- En premier lieu, d’une tare rédhibitoire, il ignore le verbe « descendre » ou plutôt l’exècre, même s’il feint parfois l’humilité et se résigne alors, mais à reculons,
- Et ensuite d’une deuxième, bien que sachant nager, surtout en eaux troubles, il a peur de l’eau … en vérité de la noyade.
C’est pourquoi, confronté à l’inéluctable débordement de ses propres excès, en dépit des tentatives désespérées de ses plus audacieux congénères, réunis en conclaves multiples au chevet d’un monde définitivement submergé et incapable de résister plus longtemps aux lois de ce bon vieil Archimède, les rats soudain pris de panique se mirent à fuir, fébrilement, et dans le désordre. Et c’est ainsi qu’ils précipitèrent leur perte, car le rat, dans l’adversité, et ce seront mes derniers mots pour le qualifier, est fourbe et cupide.
Incapable de résister à cette fourberie et cette cupidité naturelles, saisi de panique, il met en place dans sa fuite éperdue les stratégies et circuits de siphonage les plus sophistiqués dans lesquels il s’engouffre frénétiquement dans l’espoir de sauver sa peau mais aussi les biens qu’il convoite, qu’il gloutonne et dans lesquels il aime se vautrer (retraites chapeau et autres parachutes dorés étant parmi les plus savoureux). Sans concevoir, hélas pour lui, qu’obsédé par l’appât, il entre en fait dans une souricière sans autre issue qu’une fin tragique, dévoré par le destop, ou qu’une déportation définitive dans l’enfer concentrationnaire des paradis fiscaux. »
Chers abonnés de MEDIATOUT (l’agence qui vous dit tout) vous venez de prendre connaissance en léger différé, traduit de l'aléatoire septentrional, de la 3ème conférence du professeur archéologue I.TROUVEBIEN, donnée le 7 Avril 501.
Nous vous rappelons les titres de ces précédentes interventions :
- Les RATS
Vous pourrez constater ainsi la progression et l’excellence des recherches menées par le professeur et son équipe, qui nous promettent de nouvelles avancées sur le chemin de la vérité, au cours des prochaines semaines.
MEDIATOUT (l’agence qui vous dit tout) se fera bien sûr un devoir et un plaisir de vous les relater.