Le 7 Juin prochain nous serons tous, nous citoyens européens de France, conviés à nous exprimer à nouveau sur l’Europe, 4 ans après le référendum par lequel nous avons majoritairement rejeté le Traité Constitutionnel.
Mais ce sera aussi la première consultation des Français au suffrage universel :
- Après le déclenchement de LA crise,
- et depuis l’élection de Nicolas Sarkozy (et de sa majorité parlementaire).
C’est dire si ce scrutin qui s’amène, quasi à la sauvette, sera chargé de sens, encore faudra-t-il ne pas se tromper une fois de plus.
Le fait même qu’à deux mois à peine de son échéance il n’en ait encore quasiment jamais été question (y compris ici, sur Médiapart) dans notre actualité nationale doit nous faire craindre hélas que nous n’y échapperons pas.
Pourtant le droit communautaire irrigue, sans partage ou presque, les ordres juridiques nationaux et détermine notre quotidien, bien plus que nos querelles franco-franchouillardes. Plus de 80% de nos lois et règlements, a-t-on coutume de lire ou t’entendre, sont désormais déterminés par la législation supranationale. Il est donc urgent qu’une Europe politique, dotée des moyens de décider et des outils de l’action collective, s’affirme enfin selon les règles d’une démocratie représentative légitime.
Dans le contexte de crise avancée que nous connaissons, il est donc peut-être temps de rééchelonner enfin nos analyses et nos débats sur les perspectives que pourrait ouvrir cet horizon sans cesse repoussé, pour tous les motifs, des plus cyniques aux plus naïfs.
J’espère et je pense que d’autres contributions plus expertes et avisées que la mienne viendront y contribuer (voir déjà Les européennes ? Quelle européennes ? billet de Charpie d’hier).
Mais pour l’immédiat, il ne me paraît pas envisageable que ce travail essentiel puisse être accompli sans que soit simultanément purgée « l’impasse de 2005 ».
Non qu’il soit question de réécrire l’histoire, bien sûr cela n’aurait aucun sens, mais tout simplement pour éviter qu’elle bégaie. Car en dépit de toutes les grandes déclarations des uns ou des autres, ce sont toujours et fort logiquement nos élus qui feront notre Europe, selon les règles existantes et quoi que nous pensions d’elles. De sorte que cette Europe en devenir dépendra effectivement, au delà des positions théoriques et des choix doctrinaux que nous exprimerons le 7 Juin de notre intelligence stratégique de gauche, du moment qui vient.
Je reste encore convaincu à cet égard que 2005 fut une erreur, je pense que le contexte de crise nous « interdit » de la renouveler, mais je veux aussi la controverse et n’hésiterai nullement à changer d’avis pour peu qu’un avis différent soit plus convainquant encore.
Hier, Philippe RIES et Stéphane ALLIES publiaient sur Médiapart l’interview que leur a accordée Daniel COHN BENDIT, ce fut l’occasion pour moi d’engager le débat.
Comme promis à cette occasion, voici en guise d’introduction, les textes des 2 derniers messages que j’adressais les 2 et 10 Juin 2005 en conclusion d’un échange qui en compta 6 de ma part, avec une amie membre d’ATTAC.
"Traité constitutionnel J+2, le scénario infernal"
58 à 59 % des français sont satisfaits de la nomination de Villepin et Sarkozy.
C’est le début de la confirmation de toutes les craintes qui justifiaient le OUI de gauche.
Mais il est trop tard.
La machine infernale lancée par le NON de gauche est en marche.
Elle va broyer dans un premier temps l’hypothèse d’une alternance social-démocrate en 2007 en plongeant le P.S. dans les affres d’une improbable recomposition ; avec à la clef au minimum un effondrement de son audience, probablement un éclatement en chapelles rivales.
Puis elle va se retourner contre ses propres instigateurs qu’elle va diviser à leur tour.
Les uns s’arc-bouteront sur leur manichéisme traditionnel, boutiquier et bien confortable tout compte fait. Il est leur propre raison d’être, leur seule justification.
Les autres seront renvoyés à leurs études politiques alors que la quasi totalité de leurs motifs de mobilisation étaient légitimes mais auraient justifié pour le moins une stratégie un peu plus fine.
Finalement de ce côté là, le seul enjeu maintenant c’est le leadership que se disputent sournoisement les premiers : Marie-Georges et le postier, qui vont imperturbablement, et avec leur cynisme achevé, continuer à nous bassiner avec leurs sempiternelles rengaines.
En réalité ils ont joué leur survie sur le dos de ceux qui vont trinquer une fois de plus, toujours les mêmes : ceux qu’ils prétendent défendre. Bravo ils ont gagné mais à quel prix. » Rodez le 2 Juin.
« Le contresens anachronique du 29 MaiTes interventions, sont exemplaires du contresens politique que représente d’un point de vue de gauche le résultat du 29 Mai.
Ce contresens devient évident si l’on veut bien creuser l’analyse des 55% au delà des contradictions premières qu’ils contiennent.
Il s’agit en réalité de décrypter les prises de position des partisans du NON, et l’on s’aperçoit immédiatement qu’il n’y a en fait quasiment aucune contradiction.
Que ce soit par conviction (d’un point de vue idéologique) ou que ce soit par calcul stratégique (dans presque tous les cas c’était pour les deux, car il y avait circonstanciellement convergence), chacun des protagonistes du NON a été en l’occurrence cohérent avec lui-même, idéologiquement et dans son intérêt particulier.
Sauf un et non des moindres : le mouvement social militant (la société civile militante) qui s’est solidarisé autour de l’engagement d’Attac (à l’exception de la CGT qui comme le PC et la LCR a fait en l’occurrence, œuvre manipulatoire).
Il faut à ce point revenir à la fois sur la déclaration de victoire d’Attac du 29 Mai à 22h (en ligne sur le site) et sur tes interventions.
A la fin du communiqué de victoire il est dit : « Attac est un mouvement d’éducation populaire …les recompositions politiques ne sont pas de son ressort … ».
Cela fait effectivement écho aux textes fondateurs … cela fait aussi écho à toute la stratégie argumentaire utilisée par les militants pendant la campagne dont tes interventions sont la plus parfaite illustration. Attac a utilisé l’opportunité de ce référendum pour faire acte de pédagogie et à 90 ou 95% sur des positions que je trouve pour ma part intéressantes si ce n’est justes.
SAUF QUE !
1- Nous n’étions plus dans le temps de la pédagogie, nous étions dans le temps de l’acte politique Nous n’étions pas en situation d’acquisition de compétences mais en situation d’exercice des compétences, en situation de « poser » un acte politique - 1ère incohérence.
2- Il y a eu erreur d’interprétation de cet acte politique : il a été banalisé par l’occultation de son enjeu essentiel, historique, qui était de faire enfin le 1er pas concret vers une citoyenneté européenne, de franchir enfin le Rubicon des nationalismes avec de réelles chances de non retour. Tout le reste n’était déjà qu’une question de mobilisations et de rapports de forces ultérieurs exactement comme aujourd’hui, le 29 Mai n’a fait que détériorer les conditions de ces mobilisations. La seule alternative à la mondialisation néo libérale, c’est l’émergence d’une citoyenneté mondialisée. Là est tout le sens du combat éducatif d’Attac, tout l’enjeu des forums sociaux auxquels il appelle à participer. Dans cette perspective, l’intégration politique européenne était une chance à saisir, une étape stratégique fondamentale. Attac a répondu en se piégeant dans une position manichéiste et anachronique – 2ème incohérence
Alors on pourrait d’une certaine façon être tentés de conclure : ils ont voulu en réalité faire comme les autres, ils ont instrumentalisé la situation pour en tirer un profit partisan.
Je ne le crois pas et c’est ce qui me fait dire qu’il y a eu un dramatique contresens fondé sur une analyse anachronique et traduit par un engagement à contretemps.
Attac a vraisemblablement déplacé vers le NON entre 5 et 6% des voix (suffisamment en tout cas pour faire la différence). Ces voix ont été sensibles à l’acte pédagogique et elles ont suivi sur le contresens ; mais ce faisant elles ont perdu de vue elles aussi l’essentiel : l’acte politique, sa signification, ses conséquences.
Et cela est lisible très vite, dès la déclaration du Conseil d’Administration d’Attac du 5 Juin.
Pour « rattraper le coup » (la manœuvre est hélas dramatiquement et désespérément vaine) Attac n’a d’autre alternative que la fuite en avant à travers un appel à la mobilisation qui est d’avance condamné à compter les pertes par rapport aux 15 à 20% des voix de gauche captées par le NON lors du scrutin.
Et c’est là, que l’alliance objective avec le PC et la LCR va révéler sa perversité, car contrairement à eux, Attac ne tire ni sa dynamique ni sa légitimité d’un projet politique, mais du besoin partagé par un nombre sans cesse plus grand de citoyens de se réapproprier le politique.
Ce n’est pas la même chose.
Eduquer le citoyen, faire de l’Education Populaire ce n’est pas mobiliser l’électeur sur un mot d’ordre de vote, c’est exactement le contraire.
C’est certainement beaucoup plus long, complexe et difficile, ça ne s’évalue pas sur un feu de paille.
Non, contrairement à ce que disait Attac au soir du 29 Mai, la victoire du NON n’est pas celle « d’un peuple debout et informé ». Cette victoire appartient à tous ceux qui en ont été les artisans, de l’extrême gauche à l’extrême droite.
En le niant Attac s’enferme dans la contradiction, commence déjà à hypothéquer son ambition de mouvement d’éducation populaire, entame sa crédibilité et c’est bien dommage.
Attac fait aussi partie des sinistrés du 29 Mai. » Rodez le 10 Juin
Mise à jour du 10/04 : Voilà, ces messages de Juin 2005 étaient la suite de quelques précédents rédigés avant le 29 Mai et rapportés ici : EUROPE : quelles questions ?