« Je vous mets deux rustines... ou une seule ? »
ou,
autre version,
« - Une ou deux injections docteur ?
- Attention... ! pas de surdose... faudrait pas leur filer la nausée.
- Aucun risque... ils sont accoutumés. »
***
De toute façon, le « débat » sur les retraites est une grande arnaque, de A à Z.
***
Comme toujours, la difficulté c’est la décontextualisation ; parler des retraites comme si le dossier (ou la question) était là, en suspens, autonome, bien délimitée, en attente et disponible... « tiens..., aujourd’hui on va parler des retraites... ».
Moyennant quoi, les spécialistes s’affaires, les soutiers retroussent leurs manches, et en avant joyeuse troupe... c’est parti pour l’enfumage.
***
L’avantage qu’ont les riches (outre le fait de l’être, encore que ce soit une évidence qui mériterait quelque examen) c’est qu’ils ont eu la capacité de le devenir et pour les vrais, la capacité de le rester. L’avantage en réalité c’est cette capacité.
Et il me semble qu’elle peut se résumer à, une aptitude certaine à l’anticipation.
De là à dire qu’ils analysent et projettent mieux et plus vite, il n’y a qu’un pas... que je franchis.
La réforme des retraites voulue par les commanditaires de N. Sarkozy est certes injuste, anti sociale, régressive etc. etc. ; elle est avant tout un acte d’anticipation.
Ces gens là savent que demain la situation économique de nos pays européens va se dégrader encore et qu’elle deviendra probablement catastrophique.
Pour des raisons « exogènes » relatives à la logique du marché et à la bascule des flux de richesse vers l’Est, déjà observée et qui va certainement s’intensifier.
Mais, ils le savent surtout pour des raisons « endogènes ».
L’écueil démographique n’est pas une invention (et il aura des répercussions macro économiques et sociales au moins aussi importantes à travers l’explosion des frais de santé, qu’à propos des retraites, à niveau de prise en charge constant).
Mais ce n’est vraisemblablement pas la raison la plus importante.
Non, la raison la plus importante, qui fait que les riches savent, c’est qu’ils savent (et pour cause) que ce sont eux qui seront, qui sont déjà, les agents de la catastrophe.
Pour rester riches (c’est leur unique préoccupation, leur obsession, selon la loi de rationalité des agents économiques qu’ils vénèrent), ils n’ont pas d’autre choix. Ils doivent et devront de plus en plus désengager leurs capitaux du vieux continent et les réinvestir dans les nouveaux eldorados. C’est une course... au plus rapide, au plus réactif, au plus avide... c’est, une tendance auto réalisatrice et auto accélératrice.
Et dans le même temps, car un riche, pour l’être, ne lâche jamais rien ; il faut tondre, racler au maximum, jusqu’à l’os, tirer tout ce qu’on peut, valoriser le moindre lambeau avant d’abandonner la charogne.
« Nicolas... voyez ce que vous pouvez faire mon brave... et faite le vite je vous prie, le temps presse. »
Et Nicolas s’y colle.
Avec le tube de pommade démago 2 en 1 qui va bien, « la croissance verte, l’économie du savoir et de l’intelligence... ! » comme si...
Donc, et pour conclure sur ce côté ci de « l’affrontement », les riches savent qu’ils ont raison.
Et ils ont raison parce qu’ils ont un coup d’avance, et qu’ils le savent.
***
De l’autre côté... on rame.
On est surtout coincé par l’inavouable.
D’abord se préserver, préserver sa place, préserver son avenir. Tout ça repose sur l’élection (politique ou syndicale).
Ici on n’est pas riche, pas vraiment, la seule richesse c’est la confiance qu’on inspire.
Denrée fragile... ne pas déplaire... communiquer... mais ne pas prendre de risques immodérés...
Le court terme et la peur de perdre.
On est coincés par les compromissions antérieurs, les promesses, les clientèles... et tout ça est bien imbriqué... une vraie seringue.
On commence par ne pas tout dire, par flatter, puis on se recroqueville sur un dossier ou sur son fief, puis on fait allégeance au caïd du dessus, puis on fait écurie et on commence à raconter des histoires, des trucs que les gens ont envie d’entendre. On fait semblant d’y croire, et puis on finit par y croire pour oublier la vérité, tellement elle est laide. Ou alors on s’enfonce dans le mensonge assumé et l’irresponsabilité, on s’adonne à l’autosatisfaction et on s’en remet à la célébration de son propre génie opportuniste. Advienne que pourra, nageons, nageons dans le marigot mais nageons... surtout ne pas couler.
Hou qu’elle est vilaine cette vérité !
Il y en a d’autres ?
Oui certes, toute une palette de variantes... un peu plus ceci... un peu moins cela...
L’essentiel, c’est qu’on est ficelé. De toute façon il faut y croire ou faire semblant, pour faire croire. Et raconter, inlassablement raconter, être attentif, sauter sur toutes les peurs et sur tout ce qui plaît et dire, dire ce qu’ils veulent entendre, rassurer, surtout ne pas faire peur, ne pas perdre sa place.
Ne pas leur dire que de toute façon elles sont cuites leurs retraites, que d’ore et déjà ils se battent pour un mirage, que la question n’est ni la durée de cotise ni l’âge du capitaine, mais le cap du navire, droit sur l’iceberg.
Ne pas leur dire que oui, la question est bien celle de l’injustice et de l’inégalité en droits.
Ne pas leur dire que non, ce n’est pas celle des traites de la maison, de la bagnole ou du prix du pain, mais, celle de la maison avec la piscine, du 4X4 climatisé, des poubelles qui débordent et du portable pour le petit qui est au CM1.
Que la question, comme avant, comme depuis toujours, pas plus pas moins, c'est celle de l’injustice et de l’inégalité en droits... avant comme après le départ en retraite, et que ça va être pire s’ils ne disent pas stop, tout de suite.
Qu’ils vont bientôt tous se battre entre eux, entre pauvres, très pauvres et trop pauvres, entre pauvres d’origine et pauvre importés... se battre comme ils se jalousent déjà.
Ne pas leur dire qu’alors ils se jetteront tous dans les bras du pire, et qu’ils partiront se battre entre pauvres d’ici et pauvres d’ailleurs.
Ne pas leur dire que le pire est déjà là, et s’impatiente en attendant que Nicolas finisse le ménage.
(Désolé pour la longueur, et promis on fera plus joyeux la prochaine fois... spéculons encore)