Ce n'est pas parce que la circulaire gouvernementale du 2 novembre 2009, à l'adresse des préfectures, fait état, dans la question 1-2 : « Quels sont les éléments de l'identité nationale ? », d'une suggestion telle que « Nos églises et nos cathédrales ? » mais pas également de « nos synagogues, nos temples, nos mosquées, nos pagodes ?» que les protestants, en particulier, devraient se sentir exclus du débat.
Ce n'est qu'une proposition de réponse parmi une vingtaine. Mais elle suffit à révéler l'image à défendre d'une nation d'identité chrétienne et catholique romaine. Car il ne s'agit guère plus que d'une image dont la couleur est de moins en moins franche. Tandis que notre pays s'habille, depuis des décennies, de multiples couleurs vives.
Quant à la question 1-4 « Quelles sont les valeurs de l'identité nationale ? », plutôt que d'énumérer sous forme interrogative : « les droits de l'homme ? », « la démocratie ? », « la République ? », « la liberté ? », « l'égalité ? », « la fraternité ? », « la laïcité ? », n'aurait-il pas été plus juste d'en faire des évidences incontournables, sans aucune ambiguïté ?
J'ai signé l'Appel de Médiapart « Nous ne débattrons pas », il y a une dizaine de jours, et j'encourage tout spécialement celles et ceux qui ont commémoré les cinq cents ans de la naissance de Jean Calvin à refuser également le débat.
Dans le temps de l'Avent qui prépare Noël, les protestants devraient, en effet, surtout se préoccuper de ce que Jésus de Nazareth a dit et fait. Il n'était ni protestant, ni catholique romain, ni orthodoxe mais juif.
Je pense qu'il se serait certainement inscrit en faux contre la dangerosité de ce type de débat. Occasion d'extérioriser toutes ses peurs, et de l'autre surtout, alors qu'on aurait besoin d'être rasséréné et générateur de division dans l'uniformité alors qu'on aurait besoin d'union dans la diversité.
Je pense que toutes ses paroles et tous ses actes n'ont eu pour seul objet que la liberté, l'égalité, la fraternité, et la laïcité. Si les trois premières valeurs font, de manière incontournable, la devise de notre République, le concept de laïcité, lui, permet à tout habitant de notre pays de les saisir à son profit. Puisqu'il ramène la croyance, ou la non croyance, au domaine privé et personnel.
En ce sens Jésus était laïque. D'une part, il avait le souci du peuple (laos) auprès duquel, devant sa volonté de révolte contre l'occupant romain, il exprimera un principe fondamental : « Rendre à César ce qui est à César et à Dieu ce qui est à Dieu » D'autre part il s'adressait à la foi personnelle, même lorsqu'il parlait aux foules. Et il invitait chacun à aller prier à l'écart. Il ne cherchait donc pas à convertir à une religion (il n'a pas créé l'Eglise) mais à Dieu, qui la dépasse.
Par ces temps les protestants devraient, par conséquent, avoir bien d'autres sujets de préoccupation que de se demander : « qu'est-ce qu'être Français aujourd'hui ? », s'ils veulent être en phase avec la fête qu'ils s'apprêtent à célébrer.