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Billet de blog 9 avril 2014

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Une ministre de Cameron a fait entretenir sa résidence secondaire par le parlement

Maria Miller, secrétaire d'état à la culture, aux media et aux sports © Steve Back / Rex Pour qui serait tenté de croire que le Royaume-Uni est un modèle ou une référence, il convient de limiter les louanges à la seule justice britannique, car, bien que Chris Huhne, l’ex-ministre, ait purgé une peine de prison de six mois pour avoir menti à la justice et que Denis McShane, l’ex-député travailliste, soit incarcéré depuis le 23 décembre pour avoir enfreint les règles de dépenses parlementaires, la classe politique britannique et le parti conservateur, en particulier, ne semblent pas sur le chemin de la clarté et du respect de la démocratie.

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Maria Miller, secrétaire d'état à la culture, aux media et aux sports © Steve Back / Rex

Pour qui serait tenté de croire que le Royaume-Uni est un modèle ou une référence, il convient de limiter les louanges à la seule justice britannique, car, bien que Chris Huhne, l’ex-ministre, ait purgé une peine de prison de six mois pour avoir menti à la justice et que Denis McShane, l’ex-député travailliste, soit incarcéré depuis le 23 décembre pour avoir enfreint les règles de dépenses parlementaires, la classe politique britannique et le parti conservateur, en particulier, ne semblent pas sur le chemin de la clarté et du respect de la démocratie. Les Tories donnent en effet un triste spectacle depuis le 5 avril, avec la secrétaire d’état à la culture, Maria Miller, qui est sur la sellette, et les soutiens qu’elle a reçus, notamment de David Cameron, indiquent que plutôt que de respecter lois et règles mieux vaut trouver une solution pour les contourner.

Une fois encore, c’est l’utilisation fallacieuse des frais auxquels les parlementaires de sa glorieuse majesté ont droit qui pose un très sérieux problème. Maria Miller a été élue députée Tory de la circonscription de Basingstoke, dans le Hampshire, à mi-chemin entre Londres et Southampton, en 2005. De 2010 à 2012, elle a été ministre des droits des femmes et de l’égalité dans le premier gouvernement de coalition de Cameron. Depuis 2012, elle est secrétaire d’état à la culture, aux media et aux sports. Les faits qui lui sont reprochés ont été révélés par le quotidien conservateur The Daily Telegraph : entre 2005 et 2009, Maria Miller a bénéficié, de la part de la chambre des communes, de remboursements de frais d’un montant de 90.000 livres sterling, soit 110.000€. La moitié de cette somme a été utilisée pour payer les factures d’électricité, de téléphone et d’entretien et de remboursements de prêts — ce qui n’est nullement l’objet des frais parlementaires — d’une maison, située à Wimbledon (sud-ouest de Londres), dont elle prétend qu’il s’agit de sa résidence principale. Par ailleurs cette maison, dans laquelle elle avait, pour compléter la duperie,  installé ses parents (une ministre qui vit avec son conjoint et ses parents, c'était censé émouvoir dans les chaumières du royaume) qui avaient obligeamment quitté leur maison du Pays de Galles, n’est pas sa résidence principale, comme l’ont prouvé les journalistes du Telegraph et du Daily Mail.

Maria Miller et son mari ont acquis cette maison, en 2005, alors qu’ils habitaient Basingstoke, l’ont payé 234.000 livres sterling et l’ont revendue 1.470.000 livres sterling en février 2014, une plus-value de 1.236.000 livres sterling, soit environ un million et demi d’euros. Or non seulement Maria Miller n’a toujours pas exprimé l’intention de démissionner à ce jour, mais elle a présenté des excuses-express, en 32 secondes, à la chambre des communes qui ont choqué non seulement ses collègues députés, mais aussi le pays tout entier. Pour compléter cet incroyable cynisme elle a contesté la somme des dépenses inappropriées et a proposé de rembourser…4.000 livres sterling sur les 90.000 détournés ! Comment en serait-il autrement puisque le premier ministre David Cameron lui a apporté un soutien aussi rapide que stupide, qu’il risque fort de regretter. En effet c’est une véritable fronde qui s’est déclenchée, non seulement dans l’opinion publique mais aussi au sein du parti conservateur.

Le Mail on Sunday a publié un sondage qui montre que 78% des britanniques interrogés considèrent qu’elle doit abandonner son poste ministériel ; 75% estiment que David Cameron n’aurait jamais dû la soutenir ; 73% pensent que ses excuses de 32 secondes étaient insuffisantes  et 68% demandent que son mandat de députée lui soit retiré, ce qui, pour le moment, est impossible, néanmoins la formulation est cocasse, puisque cette suggestion figurait parmi les propositions de moralisation de la vie politique (jamais mises en application) du parti conservateur, lors de la campagne des élections législatives de 2010. Le même journal publie une photo de la maison de Basingstoke que Maria Miller a déclaré résidence principale en 2005 à la chambre des communes. Par ailleurs plusieurs anciens respectés du parti conservateur sont montés au créneau, dans les colonnes du Sunday Telegraph, pour dire que la décence la plus élémentaire voudrait non seulement qu’elle rembourse les sommes indûment utilisées, mais aussi qu’elle démissionne.

La presse britannique est inquiète du développement de ce nouveau scandale et du comportement de l’intéressée, car, parmi les attributions de la secrétaire d’état figurent les media, puisque elle va superviser la nouvelle commission de régulation de la presse. Or Maria Miller s’est arc-boutée sur une ligne de défense paranoïaque et hypocrite qui consiste à dire que toute cette affaire a été montée de toutes pièces par la presse qui ne veut pas de cette réforme, qu’elle ne gère plus elle-même. Il serait très étonnant qu’elle soit encore en poste d’ici la fin de la semaine, car cette mauvaise foi patente ne saurait l’amener très loin. Pour l’heure, l’actualité lui apporte un peu de répit, ce que déplore l’éditorialiste du Guardian, Roy Greenslade, également professeur de journalisme à l’université de Londres, puisque la « une » des quotidiens britanniques, y compris celle du Guardian, ce qui est à la fois sidérant et révélateur du temps présent, a été entièrement consacrée à la brutale disparition, à l’âge de 25 ans, de Peaches Geldof, fille de Bob Geldof, reléguant ainsi au second plan les abus de Maria Miller, momentanément.

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