Ce qui aurait dû être une joyeuse et agréable escalade entre amis en Malaisie a bien failli se terminer en procès en sorcellerie. Le 30 mai un groupe d’une dizaine de jeunes occidentaux arrive au sommet de Mont Kinabalu, 4.095m, point culminant du sud-est asiatique. Dans l’euphorie, fort compréhensible et fort légitime — surtout pour un groupe dont la moyenne d’âge tourne autour de vingt-cinq ans —, engendrée par l’immense satisfaction d’avoir pu atteindre ce sommet, les membres de cette inoffensive et calme petite troupe se déshabillent spontanément et se prennent mutuellement en photo entièrement nus, non sans s’être livrés au doux plaisir d’une bonne miction, sans doute longtemps contenue. Les choses auraient pu en rester là et n’auraient pas mérité d’autre prolongement.

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Mais le plus âgé du groupe, qui était aussi le guide de cette radieuse expédition, a eu la malencontreuse idée de placer certains clichés sur ses comptes Facebook® et Twitter®. Les autorités malaises, et, en particulier la police sans doute en mal d’activité, sont montées sur leurs grands chevaux et n’ont eu aucun mal à obtenir le soutien du journal New Straits Times, pour affirmer haut et fort que les touristes occidentaux avaient fait étalage d’un manque total de respect pour la « montagne sacrée ». Une tribu indigène du nom de Kadazan Dusun s’est dit horrifiée et convaincue — ceci affirmé sans rire — que l’esprit de la montagne avait été perturbé, ce qui expliquait le tremblement de terre d’une magnitude de 5,9 qui a lieu dans cette même région six jours plus tard et qui a fait dix-huit victimes. La machine policière et judiciaire s’est aussitôt mise en ordre de marche pour réparer cet « affront ».
Six de des dix alpinistes avaient repris l’avion le lendemain et étaient donc hors d’atteinte. Mais Eleanor Hawkins, ressortissante britannique, fraîchement diplômée du titre d’ingénieur en aéronautique de l’université de Southampton, deux canadiens, Danielle et Lindsey Petersen, et un hollandais, Dylan Snel, avaient décidé de rester quelques jours en Malaisie, pour le plaisir. Ils se sont retrouvés arrêtés, menottés et menacés d’une peine d’emprisonnement de six mois. Après trois jours de détention et une mobilisation médiatique, notamment du Guardian et du Toronto Star, ils ont été condamnés à une amende de l’équivalent de 900 € et ont été expulsés de Malaisie. Le regretté dessinateur Reiser, disparu en 1983, avait coutume de dire, pour masquer son désarroi devant les signes de régression et de retour au Moyen-Âge, : « on vit une époque formidable »…