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Billet de blog 15 octobre 2013

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Vie et mort d'un bourreau

Le 11 octobre Erich Priebke est mort à Rome, au terme d’une obscène longévité puisqu’il avait cent ans. Priebke était un capitaine SS qui, le 24 mars 1944 avec un autre capitaine SS Karl Hass, avait exécuté 335 hommes, parmi lesquels des adolescents et 57 juifs détenus dans les prisons romaines.  Les victimes avaient été regroupées dans les grottes Ardeatines, sur la Via Ardeatina déjà lieu d’un massacre de chrétiens dans la Rome antique. Elles avaient les mains ligotées dans le dos et furent assassinées d’une balle dans la nuque.

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Le 11 octobre Erich Priebke est mort à Rome, au terme d’une obscène longévité puisqu’il avait cent ans. Priebke était un capitaine SS qui, le 24 mars 1944 avec un autre capitaine SS Karl Hass, avait exécuté 335 hommes, parmi lesquels des adolescents et 57 juifs détenus dans les prisons romaines.  Les victimes avaient été regroupées dans les grottes Ardeatines, sur la Via Ardeatina déjà lieu d’un massacre de chrétiens dans la Rome antique. Elles avaient les mains ligotées dans le dos et furent assassinées d’une balle dans la nuque.

Photo Gregorio Borgia / Associated Press

Ce massacre perpétré sur l’ordre direct d’Hitler vint en représailles d’une attaque à la bombe de la résistance italienne contre une colonne de police qui descendait la Via Rosella dans Rome occupée par les allemands, colonne essentiellement composée d’allemands et d’autrichiens. L’attaque fit trente-trois morts et ordre fut immédiatement donné de tuer dix détenus italiens par policier tué. Or ce furent 335 et non pas 330 prisonniers qui furent envoyés dans les Ardeatines par les nazis, et Priebke expliqua, début octobre au journal allemand Süddeutsche Zeitung, avec le détachement d’un directeur de supermarché qui a reçu une palette de marchandises en trop, qu’il y avait eu une erreur. Mais ce n’est pas pour autant qu’il épargna les cinq détenus supplémentaires ni exprima quelque remords que ce fût.

Car au terme de la seconde guerre mondiale, Priebke s’exila sans difficulté vers l’Amérique du Sud pour y ouvrir une boucherie (ça ne s’invente hélas pas !) sous son nom en Argentine, tout en effectuant de fréquents retours vers l’Europe, et notamment l’Italie, avec un passeport allemand, en toute impunité. C’est au début des années 1990 qu’une équipe de télévision américaine retrouva sa trace à San Carlos de Bariloche, au pied de la Cordillère des Andes, comme le relate le NYT. Ce n’est qu’en 1995 qu’il fut extradé vers l’Italie pour être jugé, l’année suivante, par un tribunal militaire, première étrangeté comme si l’Italie répugnait à faire face à son passé.

Mais pour l’étrangeté la justice militaire italienne n’allait pas en rester là, puisqu’il fut relaxé et la préméditation et les actes de cruauté ne furent pas retenus contre lui. L’indignation internationale fut telle qu’il fut aussitôt arrêté de nouveau et rejugé par un autre tribunal militaire qui, cette fois, le condamna à 15 ans de réclusion en 1997, peine bientôt réduite à 5 ans sous le fallacieux prétexte qu’il n’avait été qu’un exécutant, ce qui relevait d’une dérivation éhontée de la thèse qu’Hannah Arendt avait développée lors du procès d’Adolf Eichmann. L’appel qui suivit immédiatement fut reçu et en janvier 1998, Priebke fut condamné à l’emprisonnement à perpétuité, verdict qui, en raison de son âge, 85 ans à l’époque, fut commué en assignation à résidence dans un immeuble de la capitale italienne gardé jour et nuit par deux soldats, alors que ses allées et venues étaient encadrées par deux carabiniers.

Le pire est que régulièrement l’immeuble dans lequel il avait été assigné à résidence fut l’objet de rendez-vous de célébrations de groupes néo-nazis, jusque même en juillet 2013. Aujourd’hui les autorités italiennes ne savent plus comment faire pour organiser ses obsèques de crainte qu’elles ne soient récupérées par ces mêmes néo-nazis. Un vieil adage dit que celui qui oublie son passé est appelé à le revivre. De toute évidence l’abominable banalisation des idées d’extrême droite à travers l’Europe poussent nombre de nostalgiques à vouloir le faire revivre même à ceux qui ne l’ont pas oublié.

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