En ces temps de langue de bois post-électorale, ou plus précisément « d’éléments de langage » pour reprendre la très creuse expression en vogue, il semble utile de se souvenir du chef-d’œuvre cinématographique que Constantin Costa-Gavras a sorti en 1966, « Z ». Ce film remarquable relate l’assassinat du député de l’Union de la Gauche démocratique grecque, Grigoris Lambrakis, à Thessalonique, en mai 1963 – rôle interprété par Yves Montand.
Sous la pression de Georges Papandréou, alors chef de l’opposition, le premier ministre, Constantin Caramanlis, se vit contraint d’accepter l’ouverture d’une enquête, menée par un juge courageux, Christos Zartzetakis, magistralement incarné à l’écran par Jean-Louis Trintignant. Les investigations allaient rapidement montrer qu’il s’agissait d’un meurtre maquillé en accident et commandité par l’extrême droite, avec la complicité d’une partie de l’appareil d’état, notamment de la police.
Et lorsque le dit juge va convoquer un voyou, soupçonné du meurtre, puis le général, chef de la police, qui a non seulement couvert mais aussi aidé activement à l’organisation de l’élimination du député d’opposition, les deux témoins vont tenter de se disculper, prétendre qu’ils ont vu l’auteur du forfait et avoir recours aux mêmes termes, soufflés d’en haut : « L’assassin était souple et féroce comme un tigre ».
Le très talentueux Patrick Rambaud rappelle ce détail dans la « Deuxième chronique du règne de Nicolas Ier », deuxième volet d’une série désopilante, tout en le rapprochant des réactions d’un certain Xavier Bertrand – déjà ! – lors des élections municipales de 2008 : « Ce sont, avant tout, des élections locales », « C’est le signe que les Français attendent des réformes ». De toute évidence, le petit soldat de l’UMP, qui ne craint personne dans l’art de manier la brosse à reluire, sans doute totalement incapable d’exprimer ses pensées avec ses propres termes, était passé au château apprendre sa leçon.
La crise de psittacisme aigue s’est renouvelée, le 14 mars, et propagée à bon nombre de ses petits camarades : « L’abstention est le premier parti de France », « Nous ne sommes qu’à la mi-temps du match », « Personne n’est propriétaire des voix des écologistes », et bien d’autres chefs-d’œuvre encore. Comme, en ce 21 mars, les consignes étaient au profil bas devant la déroute annoncée, le même Xavier Bertrand a voulu s’essayer à l’indépendance linguistique avec un surréaliste : « Ce n’est pas le raz-de-marée annoncé ! » Fichtre ! Mais, après tout, n’a-t-on pas remarqué, dans les albums des aventures de Tintin, que lorsque le perroquet n’est plus sous contrôle il lui arrive, aussi, de dire des grossièretés ?