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Billet de blog 26 juin 2009

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Royaume-Uni: la farce continue

Ce qui s'est passé à la Chambre des Communes lundi 22 juin 2009 non seulement confirme que Gordon Brown n'a plus aucune influence

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Ce qui s'est passé à la Chambre des Communes lundi 22 juin 2009 non seulement confirme que Gordon Brown n'a plus aucune influence sur la vie du parti travailliste, ce que l'on savait depuis longtemps, mais donne aussi à penser que la politique intérieure britannique est devenue totalement illisible, au point que les électeurs ne trouveront guère matière à réconciliation avec les parlementaires de tous bords. En effet, John Bercow, député conservateur de Buckingham depuis 1997, ex-admirateur de Margaret Thatcher, a été élu, contre toute attente, Speaker de la Chambre des Communes, en remplacement du très contesté et fort navrant Michael Martin, contraint à la démission, une première en trois cents ans, en raison de son implication dans l'attribution excessivement généreuse d'allocations parlementaires et de son absence de réaction appropriée.

John Bercow est devenu le nouveau président de la Chambre des Communes au troisième tour de scrutin, avec 322 voix contre 271 à Sir George Young, autre candidat conservateur. Il convient de préciser, dans cette situation particulièrement confuse et renversante, que Sir George Young était le candidat officiel du parti conservateur et bénéficiait du soutien officiel de son leader, David Cameron, ce qui n'était pas le cas de John Bercow. Là n'est pas la seule bizarrerie de ce scrutin. En effet, le parti travailliste dispose d'une confortable majorité aux Communes avec 349 sièges contre 192 aux conservateurs et 63 aux Libéraux-Démocrates. Donc, il eût été logique que Margaret Beckett, députée de la circonscription sud de Derby depuis 1974, ex-ministre des affaires étrangères de Tony Blair, candidate officielle de son parti, accessoirement sosie de la très hippophile princesse Anne, fût élue confortablement.

Non seulement il n'en fut rien, et, si Margaret Beckett dépassa sa collègue travailliste Ann Widdecombe à l'issue du premier tour, elle mordit la poussière au deuxième tour et décida de se retirer de cette humiliante compétition. De toute évidence les députés britanniques avaient décidé de s'amuser le 22 juin, mais il n'est pas sûr que cet humour soit du goût des électeurs. Les commentateurs ont été consternés par ce nouvel épisode, qu'il s'agisse de Patrick Wintour, directeur de la rédaction du Guardian ou de Robert Fisk pour The Independent. Le Times et le Telegraph sont arrivés au même constat d'abattement. Cette consternation générale est parfaitement compréhensible, et Nadine Morries, députée conservatrice du Mid-Berdforshire, a élégamment et délicatement qualifié cet épisode de "two-fingered salute to voters", dont l'équivalent sémantique passe du double au simple, c'est-à-dire, un doigt d'honneur aux électeurs.

John Bercow est une sorte de transfuge, puisque Gordon Brown lui a confié une mission l'an dernier, mais il demeure conservateur, peu apprécié par les siens. Ce qui signifie que ce sont les députés travaillistes qui ont choisi de l'élire pour ébranler ce qui reste de l'autorité du premier ministre et tenter de gêner David Cameron avant les prochaines élections législatives, qui auront lieu, au plus tard, au printemps 2010. Le tout nouveau Speaker a déclaré, sans rire, qu'il allait rénover la vie parlementaire. Pour mémoire, John Bercow a bénéficié, pendant les quatre dernières années, d'une allocation cumulée de 20.000 livres sterling au titre de l'aide au logement des parlementaires, alors qu'il est propriétaire d'une maisonsur les berges de la Tamise. De plus, il a "oublié" de déclarer sa résidence secondaire, lors d'une vente de biens l'an dernier, ce qui fait qu'il doit 6.500 livres sterling au trésor public. Laissons le mot de la fin, en ces circonstances, à l'inimitable Gordon Brown, qui, désormais à chacune de ses interventions, est à mi-chemin entre Buster Keaton, pour l'allure, et Groucho Marx, pour le fond : "It is an important step in the process of change", ce qui signifie : c'est une étape importante dans le processus de changement !

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