En 2001, les économistes du monde occidental, à la suite d'un certain Jim O'Neil, de Goldman Sachs, avaient identifié les 5 principaux pays émergents qui devaient devenir des ilots de prospérité, sinon pour eux-mêmes, du moins pour les investisseurs internationaux qui décideraient de s'y implanter. Il s'agissait, comme nul n'en ignore, des BRIC, Brésil, Russie, Inde et Chine.
Beaucoup en Europe avaient proposé (dont nous-mêmes) que l'Union européenne se joigne à ce mouvement, en établissant des coopérations stratégiques avec ces pays, sous le label d'euroBRIC. Les BRIC semblaient si bien réussir qu'ils avaient convenu d'établir entre eux une banque susceptible de concurrencer les grandes banques occidentales et peut-être même de lancer une monnaie commune capable de tenir tête au dollar et à l'euro.
Depuis, la crise a frappé. Aujourd'hui, des 5 BRIC, seule la Chine semble s'en sortir à peu près, non sans difficultés. La Russie paraît avoir manqué la relance espérée, ayant du mal à se dégager de ses anciennes pesanteurs (voir notre article « Où va la Russie » http://www.europesolidaire.eu/article.php?article_id=1242&r_id= ). Quant aux autres BRIC, c'est sinon la débandade, du moins des problèmes de plus en plus graves, fort mal ressentis par les investisseurs internationaux.
Les BRIC peuvent se consoler, car ils ne sont plus les seuls à souffrir de vents défavorables. A Wall Street vient d'être mis en circulation le terme de Fragile Five, les 5 Fragiles ou, en termes plus familiers, les 5 Faiblards. Outre le Brésil et l'Inde, on y trouve la Turquie, l'Afrique du Sud et l'Indonésie. L'on considère dans les milieux financiers que ces pays dépendent trop des investissements étrangers pour financer leur développement avec leurs propres ressources. Bien plus ils dépendent trop des prêts à court terme étrangers pour financer leurs déficits. Il n'est donc plus conseillé d'y investir pour réaliser des profits faciles. Ce conseil est reçu fort et clair par les capitalistes étrangers, mais aussi par les investisseurs nationaux que ne retient pas le concept illusoire de patriotisme économique. De ce fait, les monnaies nationales perdent de leur valeur, malgré les efforts, tels ceux de la Turquie, pour retenir les capitaux en haussant le taux d'escompte. L'inflation et la récession menacent. En août dernier, l'annonce du ralentissement des achats de bons du Trésor américain par la Banque fédéral n'a pas amélioré les perspectives de la lire turque, du réal brésilien et du rand sud-africain.
Il est évident que si les 5 Faiblards, auxquels l'on pourrait ajouter un certain nombre d'autres Faiblards provenant de l'Union européenne, ne font pas d'efforts suffisants pour redresser leurs économies, ils iront de mal en pis. Mais, ce que se gardent bien de dire le FMI et la finance international, ces efforts ne doivent pas viser uniquement à supprimer des dépenses et projets inutiles, éliminer la corruption et " flexibiliser " le marché du travail. Ils devraient aussi viser à réinvestir les économies réalisées dans de grands projets susceptible de développer les industries émergentes, favoriser la recherche et les enseignements supérieurs, bref prendre en mains leurs destins plutôt que tout attendre des investisseurs étrangers.
Concernant l'Union européenne, ce type de relance devrait devenir une priorité. Des émissions d'euro en sa faveur devraient être décidées, d'autant plus que la monnaie unique la protège pour le moment de l'inflation. Quant aux 5 Faiblards et ceux qui les rejoindront très vite, il ne faudrait pas davantage compter uniquement sur les préteurs et investisseurs étrangers pour se redresser. Ceux-ci se retireront à la moindre difficulté. Là encore des investissements en technologies émergentes, dont la Chine semble donner l'exemple, seraient indispensables. Mais il faudrait les payer par des restrictions de consommations portant non seulement sur les classes pauvres mais sur les milieux favorisés. Ces véritables économies de guerre seraient-elles possibles en prétendant conserver les pratiques libérales électoralistes? Poser la question n'est pas y répondre.