Une fois de plus, à propos des dons d’organes, revient sur le tapis la lancinante question « Ai-je le libre usage de mon corps, de mon vivant comme après ma mort ? ».
Tout en respectant tout à fait les positions différentes de la mienne, mais en exigeant le même respect en sens inverse (Et c’est la caractéristique fondamentale d’un pays laïc), j’affirme posément que j’autorise tout prélévement d’organe sur mon corps au profit d’un receveur … à une seule condition qu’aucune marchandisation n’en soit faite.
Pour ce qui restera de mon corps, une fois d’éventuels prélévements opérés, je souhaite qu’il puisse servir à la science, autrement dit, principalement, à l’enseignement des futurs médecins ou à tout usage de tissus à des fins scientifiques … là encore, à la condition de n’être pas monnayé.
En affirmant ces propos qu’atteste une carte de donneur d’organes de « France-ADOT », visible dès qu’on ouvre mon portefeuille, j’indique que nul dans mon entourage ne serait en droit de s’y opposer en raison d’un désarroi temporaire découlant d’un décès auquel ni moi, ni ces proches, n’auraient pu se préparer.
Je pense si souvent à mes parents, à mon frère, à mes beaux-parents et aux trois beaux-frères qui sont morts, mais aussi à des ancêtres sur lesquels je dispose d’informations plus ou moins précises, ainsi qu’à tous ces amis qui sont décédés de l’âge de mon adolescence jusqu’à maintenant … pour ne pas être du genre oublieux. Mais je n’ai pas besoin pour cela de tombes et de stèles, où l’on ne lit que des noms et des dates. Mes souvenirs sont autrement plus vivants et moins sinistres que cela. Je revois, j’entends, j’écoute attentivement des sourires, des rires partagés, des mots échangés, des colères subies, des moments de bonheur et des tristesses communes … autrement dit la vie, par delà le vivant au sens biologique du terme.
Qu’on me laisse vivre, en respectant mes décisions … comme je tiens à respecter celles des autres. En parlant de « mes filles », je n’ai jamais voulu dire qu’elles m’appartenaient … mais, plutôt, que c’est moi qui leur appartenais. En parlant de ce que je décide de faire de « mon corps », je m’exprime bien par rapport à la seule chose qui m’appartient vraiment, le reste n’est que de l’usufruit.
Jean-Paul BOURGÈS 10 avril 2015