Le fonctionnement d’un site participatif suppose une autorité régulatrice car, sur la toile ou dans la vie ordinaire, il nous arrive de rencontrer des individus qui nécessitent qu’on se protège de leurs égarements et même parfois de leur grande violence.
Lorsqu’il s’agit de risques physiques irréparables et de possibilité de passage immédiat à l’acte, il est bien évident qu’il faut une haute réactivité et nous la confions à ce que l’on appelle « les forces de l’ordre » tout en déplorant, périodiquement, des réactions que nous considérons comme inappropriées avec d’autant plus d’aisance que nous jugeons de loin et après-coup.
S’agissant d’un espace virtuel, sur lequel les horions ne sont, eux aussi, que virtuels, l’urgence de la réaction devient beaucoup moins essentielle que sa justesse, d’autant que tout réel délit peut tomber sous le coup de la loi et que le site participatif ne joue alors plus aucun rôle.
Sauf si l’intention des responsables du site n’est que de favoriser une agitation lui donnant un niveau d’activité commercialement intéressant … et il en existe qui ont ainsi fondé leur succès, on peut donc penser que ne pas s’emballer pour rien devrait être leur souci principal.
N’oublions pas, par ailleurs, que les délits de calomnie, de diffamation, de harcèlement … etc peuvent conduire devant un tribunal celui qui écrit sur un mur des propos punissables … et non le propriétaire du mur, s’il n’a pas demandé au coupable d’utiliser son mur pour agresser les passants.
Réagir immédiatement, en censurant l’auteur d’un texte considéré par un autre comme intolérable, c’est « confondre grande vitesse et précipitation », sans prendre la précaution d’apprécier vraiment qui est l’agresseur et qui est l’agressé. Le caractère expéditif va, d'ailleurs, semble-t-il parfois jusqu'à ne même pas informer le censuré, tandis qu'on vit récemment une rafale de billets auto-publicitaires rester pendant environ deux jours avant de disparaître, malgré divers signalements.
Enfin éliminer régulièrement le miel parce que de sales mouches viennent s’y emmêler les pattes, c’est une profonde confusion des causes et des conséquences, qui peut nous faire douter du bon sens de celui qui jette le miel et protège les mouches.
Afin d’éviter de se couvrir de ridicule, les responsables d’un site tel que Médiapart, réputés intelligents et grands pourfendeurs de tout abus d’autorité, devraient comprendre tout l’intérêt qu’ils auraient à appliquer la maxime de Georges CLEMENCEAU qui conseillait de « créer une commission pour enterrer une décision ». Afin d’éviter de se planter et, de toute façon, de faire des mécontents du côté du plaignant ou de son adversaire, il serait intelligent de confier la décision à une commission, plutôt que la prendre eux-mêmes dans le silence d’un huis-clos.
Il y a déjà longtemps que ce type de procédure est suggéré à Médiapart, mais le pouvoir est un poison tellement violemment invasif et addictif qu’il apparaît aux responsables de notre site préféré inimaginable de transférer à certains membres une infime partie de ce pouvoir.
C’est pourtant assez évident qu’un site ne peut être réputé participatif qu’à la condition que ceux qui s’y expriment soient chargés de participer collectivement à sa police. Aucune difficulté ne s’oppose, à l’ère d’internet, à des prises de position très rapides de personnes réparties n’importe où dans le monde, auxquelles un secrétariat central demande de se prononcer à la suite de l’interpellation d’un plaigant. Et n’importe quel spécialiste des tirages au sort est capable d’établir une liste d’une dizaine de personnes faisant partie de cent mille abonnés dont on possède les adresses-mail.
Mais il n’y a pire sourd que celui qui ne veut pas entendre … et le départ de Géraldine DELACROIX n’y changera rien … d’autant qu’elle semblait, parfois, comprendre ce point de vue que j’ai déjà souvent exprimé.
Jean-Paul BOURGÈS 24 mai 2015