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Billet de blog 7 septembre 2015

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Muriel Mayette ? Non merci

La nomination de Muriel Mayette à la tête de la Villa Médicis nous inciterait à adopter un air narquois (le fait du prince, hier comme aujourd’hui), si elle n’était pitoyable et donnait un éclairage calamiteux sur la façon dont ceux qui nous gouvernent considèrent en les déconsidérant des postes comme celui où l’ex-administratrice de la Comédie française vient d’être nommée.

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S’il faut en croire Le Canard enchaîné, généralement bien informé, il y aurait derrière cette nomination une de ces comédies du pouvoir coutumières au couple Sarko-Carla, un peu plus pimentée ici car, outre le couple présidentiel, le Premier ministre y aurait mis son grain de sel. Je ne vais pas m’aventurer dans ces méandres hypothétiques. Je laisserai également de côté le cas de celui qui est encore en poste (finissant son second mandat)  à la tête de la Villa Médicis et dont le renouvellement est demandé par une cohorte d’artistes et d’amis dans une tribune publiée par Libération (daté du 4 septembre).

Je préfère m’en tenir à ce qui devrait valoir, au premier chef, sa nomination à Muriel Mayette : son bilan à la Comédie française, sa compétence. Dans un communiqué annonçant cette nomination, Fleur Pellerin, ministre de la Culture et grande lectrice de Patrick Modiano, vante le « savoir-faire » de Muriel Mayette. En tant qu’actrice, Muriel Mayette n’en manque pas, et ce n’est pas Matthias Langhoff et d’autres qui me démentiront. Mais l’administratrice ? Après huit ans à ce poste (le trente-sixième personnage de l’Etat selon le Protocole), quel est son bilan ? Médiocre. A tout le moins. Manquant de vue, d’ambition, de finesse, d’à-propos et même de savoir-faire.

L’une des prérogatives de l’Administrateur de la Comédie française est de choisir les metteurs en scène qui mettront en scène les pièces acceptées par le Comité de lecture maison. Or les choix de Muriel Mayette ont été le plus souvent faiblards. Le fait que celui qui lui a succédé, Eric Ruf, propose que des metteurs en scène d’envergure comme Anatoli Vassiliev reviennent à la Comédie française constitue implicitement une critique appuyée de cette gestion passée. Ajoutons que Muriel Mayette s’est plusieurs fois auto-désignée comme metteur en scène, ce qui était son droit, le résultat fut régulièrement catastrophique à en croire les confrères qui ont rendu compte de ces spectacles.

On a aussi gardé en souvenir le sombre épisode de la MC93 de Bobigny. Habitant non loin de ce théâtre, Muriel Mayette avait souhaité le mettre sous l’aile de la Comédie française et s’en était ouverte à quelques haut placés, au mépris de l’équipe en place. L’affaire fit grand bruit, la profession prit la défense de la MC93 et de son directeur, Muriel Mayette dut faire marche arrière. Elle n’en sortit pas grandie.

Lorsque la Comédie française entra dans une période de grands travaux, plusieurs options étaient possibles ; Madame l’Administratrice choisit la pire, celle d’un « Théâtre éphémère » qui ne l’était pas. Les travaux terminés, la troupe réintégra la maison mère et il fallut vendre le machin. Cela prit des mois et des mois, et plusieurs interventions en haut lieu pour trouver un acquéreur à bas prix. Pas très glorieux, tout ça.

Autre dossier noir : l’affaire Koltès. Je ne vais pas rappeler les faits, assez compliqués ; je vous renvoie à un excellent ouvrage paru récemment : L’Affaire Koltès par Cyril Desclés (Editions L’Œil d’or, 94 p., 13€). L’auteur, par ailleurs auteur d’une thèse sur Bernard-Marie Koltès, en détaille tous les épisodes : l’acceptation de la pièce sous le règne de Bozonnet, Mayette qui décide de la mettre en scène, la controverse avec l’ayant-droit François Koltès souhaitant que l’on respecte les volontés de son frère, les trente représentations pas une de plus, la réception (pas terrible) et, pour finir, les procès. A lire ce livre, on comprend combien Muriel Mayette a manqué de doigté en cette affaire.

Enfin, cerise sur ce gâteau indigeste, et impitoyable coup de grâce : alors qu’elle demandait son renouvellement à la tête de la Maison de Molière, l’ensemble des Sociétaires (sauf un) vota, fait sans précédent dans cette docte maison, une sorte de motion de défiance, puisque les Sociétaires demandèrent à ce que Muriel Mayette ne soit pas renouvelée. Ils furent entendus, au soulagement général.

Quand Marcel Bozonnet, le prédécesseur de Muriel Mayette à la tête de la Comédie française, fut remercié (il avait été auparavant, comme elle, Sociétaire de la maison), il ne remua pas ciel et terre pour obtenir quoi que ce soit. Humblement, modestement, il fonda une compagnie dramatique et le ministère la subventionna. Muriel Mayette aurait pu suivre son exemple.

Que nenni. « Muriel Mayette aura un grand poste », avait déclaré, avec morgue et arrogance, le Premier ministre, lors du dernier Festival d’Avignon. Au nom de quoi ? De la grandeur de la France ? De la responsabilité de l’Etat ? Des Devoirs envers ses Grandes Institutions ? Des Petites Affaires entre Grands Amis ?      

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