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Billet de blog 14 janvier 2012

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Instruire / Eduquer Le répertoire des métiers (REME) nous aide-t-il à y voir clair?

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Instruire / Eduquer

Le répertoire des métiers (REME) nous aide-t-il à y voir clair?

Publié en novembre 2011 par les ministères de l’éducation nationale et de l’enseignement supérieur et de la recherche, le répertoire des métiers (REME) se veut un outil de communication, une aide au processus de recrutement, un appui pour la définition des parcours professionnels, et un support aux démarches de mobilité professionnelle.

On ne peut s’empêcher d’y voir  aussi un outil de lecture de la représentation institutionnelle des métiers du monde scolaire et universitaire, et plus globalement, de la place de chacun d’eux par rapport aux autres. Cette lecture s’appuie sur la comparaison entre les activités retenues comme principales, les connaissances, compétences opérationnelles et compétences comportementales, ainsi que les tendances d’évolution attachées à chacun des métiers.

On se bornera dans ce bref article à la lecture comparée des 3 premières fiches qui le composent : celles relatives au métier d’enseignant, de responsable des activités éducatives (correspondant à l’emploi de conseiller principal d’éducation)  et d’assistant éducatif. On se focalisera sur l’exercice de ces métiers dans le second degré.

Des activités principales prescrites bien distinctes

Pour l’enseignant, si l’on met de côté les 7 activités concernant spécifiquement les enseignants du premier degré et le professeur documentaliste, il reste, pour les professeurs de disciplines du second degré, 7 activités principales. Sur ces 7, 3 ne sont pas attachées aux programmes, aux connaissances disciplinaires, à l’évaluation des acquis et à la formation des adultes. Il s’agit d’ « assurer un suivi personnalisé des élèves » (projet d’orientation), de « faire acquérir des compétences » (en référence implicite au socle commun[1]) et de « contribuer au fonctionnement de l’établissement et au travail d’équipe ».

Il est intéressant de confronter ces activités  à celles indiquées pour le responsable des activités éducatives (correspondant au poste de CPE) et à celles des assistants éducatifs.

Il semblerait en effet, à lire le REME,  que « rechercher, en lien avec communauté éducative et partenaires extérieurs, des solutions permettant de prévenir les difficultés et de les surmonter », « contribuer à l’éducation à la citoyenneté et à l’apprentissage des règles de vie communes, » par exemple, incombe principalement au responsable des activités éducatives et non à l’enseignant.

Il semblerait alors également que « « participer à l’encadrement et à l’animation des activités culturelles, artistiques et sportives, « apporter dans le cadre du soutien scolaire une aide au travail personnel de l’élève ainsi qu’une aide méthodologique » soit caractéristique des activités principales des assistants éducatifs, et non pas des enseignants ou responsables des activités éducatives.

Des compétence principales curieusement distribuées

Au chapitre des connaissances,  il semble que la connaissance des « enjeux du système éducatif »  soit principale pour les enseignants et les assistants éducatifs, mais pas pour les responsables des activités éducatives. La « sociologie de l’école » ou les « sciences de l’éducation » ne font pas partie des connaissances principales des enseignants.

Au chapitre des compétences comportementales, si on ne peut que se féliciter que soit attendues des enseignants « curiosité intellectuelle » et « capacité d’adaptation »,  on peut d’étonner que ces mêmes compétences ne soient pas attendues des responsables d’activités éducatives. Quant à la « fiabilité » et la « rigueur », attendues des assistants éducatifs, elles sont sans doute implicitement et  ontologiquement comprise dans les noms mêmes d’enseignant et de responsable des activités éducatives.

Une lecture révélatrice ?

Ces quelques éléments rapides de comparaison paraissent révélateurs de la permanence de certaines représentations, et de leur capacité à prendre le pas sur des évolutions institutionnelles pourtant marquées.

 De la circulaire  n° 97-123 définissant, à la fin du siècle dernier, les missions du professeur exerçant en collège, en lycée d’enseignement général et technologique, à l’arrêté du 12 mai 2010 définissant les compétences à acquérir par les professeurs, documentalistes et conseillers principaux d’éducation pour l’exercice de leur métier, n’a –t-on pas cherché à réduire la séparation entre activité d’enseignement et activité éducative ? La circulaire de 1997 indique que « sa mission (celle du professeur) est tout à la fois d’instruire les jeunes qui lui sont confiés, de contribuer à leur éducation, et de les former en vue de leur insertion sociale et professionnelle ». L’arrêté de 2010 unifie, sans doute de manière quelque peu artificielle dans certains aspects, mais de manière très politique quant au sens de l’activité professionnelle, les compétences de ceux qui sont recrutés pour contribuer à l’action éducative, qu’ils soient professeurs, documentalistes ou CPE.

Or, on trouve dans le REME comme un retour à la séparation entre activité d’enseignement, intellectuellement noble, nécessitant curiosité intellectuelle et capacité d’adaptation, connaissance des enjeux du système éducatif, et activité d’éducation,  ne nécessitant pas les mêmes réquisits intellectuels, mais se voyant explicitement dévolues, outre les activités traditionnelles  de contrôle et de surveillance, une contribution à l’éducation à la citoyenneté et à l’apprentissage des règles de vie communes. La seule mention explicite d’aide à l’étude et aux devoirs et d’encadrement d’activités culturelles, artistiques et sportives figure dans la fiche des assistants éducatifs,  comme si ces dimensions n’étaient pas importantes dans les activités des enseignants.

Cette possible lecture est confortée par l’examen des tendances d’évolution des différents métiers : pour les seuls responsables des activités éducatives est signalée « l’importance accrue des situations à risques, de rupture et à terme de décrochage », comme si les enseignants pouvaient demeurer à l’écart de cette préoccupation.

On ne peut qu’être perplexe devant un outil de communication et d’aide au recrutement, publié en novembre 2011, qui semble moins anticiper des évolutions nécessaires que s’inscrire dans le maintien dommageable de la segmentation de l’activité de formation, entre ceux qui instruisent et ceux qui éduquent.

Jean-Pierre Véran

Inspecteur d’académie honoraire

Formateur associé IUFM-Université Montpellier 2

[1] Socle commun de connaissances et de compétences : le décret du 11 juillet 2006 définit ce que tout élève doit savoir et maîtriser à la fin de la scolarité obligatoire.

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