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Billet de blog 18 novembre 2014

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Modernisation des métiers de l’éducation nationale : une absence révélatrice (1) ?

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

On se souvient que, le 1/7/2013,  a été publié l’arrêté fixant le Référentiel des compétences professionnelles des métiers du professorat et de l'éducation[1] . Cet arrêté établit une distinction entre compétences communes à tous les professeurs et personnels d’éducation, compétences communes à tous les professeurs, compétences spécifiques aux professeurs documentalistes, compétences spécifiques aux conseillers principaux d’éducation.

En feuilletant le dossier complet de présentation de la modernisation des métiers de l’éducation nationale[2], on constate, sous le titre, « tous les métiers évoluent », la présence de 14 fiches concernant les personnels dans leur diversité, y compris les personnels contractuels. On ne peut que s’en réjouir.

Pour les métiers du professorat et de l’éducation du second degré, on trouve la fiche 3 qui concerne les formateurs du premier et du second degré, la fiche 6 relative aux enseignants du second degré, la fiche 7 concernant les conseillers principaux d’éducation, la fiche 13 qui traite des personnels contractuels.

Il n’y a donc pas de fiche spécifique aux professeurs-documentalistes. On va donc se reporter à la fiche 6 qui traite des enseignants du second degré. Et on n’y trouve rien concernant les professeurs-documentalistes.

Il s’agit bien pourtant de professeurs dont l’arrêté du 1/7/2013 a souligné les spécificités :

- « Les professeurs documentalistes, maîtres d'œuvre de l'organisation des ressources pédagogiques de l'établissement et de leur mise à disposition, » mettent en œuvre la politique documentaire de l'établissement qu'ils contribuent à définir et assurent la responsabilité du centre de ressources et de la diffusion de l'information au sein de l'établissement.

- « Les professeurs documentalistes, acteurs de l'ouverture de l'établissement sur son environnement éducatif, culturel et professionnel, » contribuent à l'ouverture de l'établissement scolaire sur l'environnement éducatif, culturel et professionnel, local et régional, national, européen et international.

Si l’on ajoute à ces compétences spécifiques, le fait que, contrairement aux autres professeurs de second degré, les professeurs-documentalistes

-       ont un service de 36 heures hebdomadaires, dont 30 dans leur établissement,

-       n’ont pas de classes attitrées mais sont professeurs-documentalistes pour tous les élèves de l’établissement,

-       n’ont pas de programme d’enseignement parce que la documentation n’est pas une discipline enseignée comme discipline académique,

-       mais ont une responsabilité essentielle dans l’éducation aux médias et à l’information[3],

on comprend mal l’absence d’une fiche et d’un groupe de travail, en amont de la fiche, sur ce métier essentiel du professorat et de l’éducation, élément porteur par ses missions de la modernisation pédagogique et éducative du second degré.

Il faut donc se reporter au décret n° 2014-940 du 20 août 2014 relatif aux obligations de service et aux missions des personnels enseignants exerçant dans un établissement public d'enseignement du second degré[4], qui est un des éléments clés de la modernisation mis en avant dans la fiche 6, pour trouver un propos concernant les professeurs-documentalistes.

On trouve, à l’article 2 de ce décret, le texte suivant :

« Par dérogation aux dispositions des I et II du présent article, les professeurs de la discipline de documentation et les professeurs exerçant dans cette discipline sont tenus d'assurer :


- un service d'information et documentation, d'un maximum de trente heures hebdomadaires.


Ce service peut comprendre, avec accord de l'intéressé, des heures d'enseignement. Chaque heure d'enseignement est décomptée pour la valeur de deux heures pour l'application du maximum de service prévu à l'alinéa précédent ;


- six heures consacrées aux relations avec l'extérieur qu'implique l'exercice de cette discipline. »

L’énoncé de cette disposition dérogatoire est clair : le service des professeurs de la discipline de documentation est un service d’information et de documentation, qui peut comprendre, avec accord de l’intéressé, des heures d’enseignement. Cette clause est particulièrement restrictive à l’heure où la loi de refondation souligne dans le rapport annexé que « les professeurs-documentalistes doivent être particulièrement concernés et impliqués dans les apprentissages liés au numérique ». Un « professeur de la discipline de documentation » peut en effet, d’après le décret, refuser toute heure d’enseignement. Voilà donc « l’exercice d’une discipline » compatible avec l’absence éventuelle de tout service d’enseignement.

On conçoit,  à la lecture comparée de ces textes de 2013 et 2014, que la ligne ministérielle est loin d’être claire en ce qui concerne les professeurs-documentalistes[5]. C’est peut-être une explication de leur absence dans ce « dossier complet ». Il s’agit pourtant d’un enjeu fondamental de la modernisation de notre second degré. Rappelons, par exemple, les recommandations récentes du conseil national du numérique[6] : 

« désigner dans chaque .établissement un référent coordinateur de la littératie numérique (enseignant documentaliste, directeur…) ;

former les enseignants, notamment les enseignants-documentalistes, dans le cadre des ESPE, mais aussi au titre de la formation continue, aux grands enjeux sociétaux du numérique».

On abordera dans un prochain billet une autre absence révélatrice dans ce "dossier complet de présentation".


[1] http://www.education.gouv.fr/pid25535/bulletin_officiel.html?cid_bo=73066

[2] http://cache.media.education.gouv.fr/file/11_Novembre/20/0/DP-Modernisation-des-metiers-de-l-education-nationale_366200.pdf

[3] « Les professeurs-documentalistes doivent être particulièrement concernés et impliqués dans les apprentissages liés au numérique. » rappelle la loi d’orientation du 8 juillet 2013 pour la refondation de l’école de la République

http://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do;jsessionid=?cidTexte=JORFTEXT000027677984&dateTexte=&oldAction=rechJO&categorieLien=id

[4] http://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000029390906

[5] Voir aussi notre billet du 24mars 2014 :

http://blogs.mediapart.fr/blog/jean-pierre-veran/240314/professeurs-de-la-discipline-de-documentation-avancee-ou-trompe-l-oeil

[6] http://www.cnnumerique.fr/wp-content/uploads/2014/10/Rapport_CNNum_Education_oct14.pdf

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