Ceux qui s'informent en cherchant à dépasser les « chiens écrasés » ou les résultats du match de foot ; ceux qui arrivent à dépasser les mécanismes de déni, câblés dans nos têtes à tous - ces dissonances cognitives qui nous empêchent trop souvent d'accepter des faits avérés ; ceux-là savent que les pays feront l'un après l'autre défaut sur leur dette. C'est ce que disent Jean-Marc Jancovici et de plus en plus d'autres analystes : dans notre modèle technologique de civilisation, une pénurie de pétrole bloque inexorablement la croissance, entrainant l'impossibilité de rembourser les dettes. Celles-ci sont en effet planifiées (par les banques) en fonction d'une augmentation certaine du PIB. Cette croissance importante, c'est du passé au niveau mondial, même si certains la garderont encore un peu, en pillant les autres pays.
La politique des dirigeants et de la plupart des hommes et femmes politiques européens, tous partis confondus, se fonde sur une foi inébranlable dans les dogmes de l'économie néo-classique. Peu importe si les faits prouvés, observés et mathématiquement incontestables leur donnent tort. Comme les courants religieux qui continuent à défendre le créationnisme en dépit de l'évidente l'évolution des espèces, ils poursuivent leur adoration de la croissance éternelle ou font semblant d'y croire. De toute évidence une croissance mondiale infinie dans un monde aux ressources finies est impossible, mais peu importe : le TTIP créera de la croissance et des milliers d'emplois !
La seule recette pour créer de la croissance sans ressources, c'est le pillage. On peut le cacher derrière de multiples paravents, au final c'est toujours du vol. C'est déjà ce qui se fait depuis des dizaines années sous forme de spoliation des terres des pays plus fragiles ou d'exploitation quasi-esclavagiste de populations entières. Cette approche aboutit mécaniquement à des guerres. Si vous doutez regardez l'Afrique du Nord. D'autres suivront.
La plupart de nos dirigeants ont une foi sincère, même si elle est absurde, dans la croissance éternelle. J'ai un jour fait remarquer à Martin Schulz1, lors d'une conférence à Bruxelles, que le passage du pic de production du pétrole aboutirait automatiquement à une crise de civilisation, vu que rien n'existe comme solution de remplacement et que rien dans la recherche scientifique ne laisse entrevoir la moindre alternative crédible. Sa réponse fut « ne vous tracassez pas on trouvera quelque chose ». Je pense que sa foi est sincère, mais totalement irresponsable pour un gouvernant dont le rôle est de prévoir.
Dés 1972 le rapport Meadows au Club de Rome, basé sur le modèle informatique World3, a annoncé que si l'on poursuivait le « business as usual », entre 2015 et 2025 l'économie et la production agricole se mettraient à décrocher et s'effondreraient totalement avant la fin du 21ème siècle. Cette prévision n'a jamais été scientifiquement démentie. Au cas où vous ne l'auriez pas remarqué, l'économie a commencé à s'effondrer en 2008, le pic de production du pétrole (2006) à peine atteint. Comme le disait Jean-Marc Jancovici, l'hypothèse la plus probable, une fois ce pic dépassé, est une succession de crises économiques provoquant une décroissance par paliers du PIB mondial, aboutissant à des défauts de payements sur les dettes d'États.
La Grèce n'est donc que le premier État occidental d'une longue série qui fera défaut. Paradoxalement, être le premier pays à subir cette catastrophe, pourrait être pour elle un atout pour affronter la suite de l'effondrement de notre modèle de civilisation, construite sur l'énergie quasi-gratuite.
En effet, l'homme, animal fondamentalement coopératif, a une propension à devenir altruiste dans les situations désespérées. Le défi de Syriza sera de prolonger la dynamique d'union, remarquablement lancée par le recours au référendum. À présent ses meilleures chances d'avenir sont probablement de commencer par construire un système de rationnement des ressources qui manqueront inévitablement, afin d'en assurer une juste répartition. Parallèlement, il faudra encourager une économie locale fondée sur de petites entreprises, de préférence coopératives, ancrées « dans la terre ». Le plus difficile sera de luter contre les sirènes de la colonisation économique, qui voudront accaparer les ressources immobilières et agricoles ou construire des manufactures pour y faire travailler la population en semi-esclavage.
Si la Grèce arrive à prendre rapidement le virage vers une économie respectueuse de l'environnement, peu dépendante des énergies carbonées et des technologies peu énergivores, elle pourrait devenir un modèle de référence pour la nouvelle civilisation à construire après le pétrole.
N'est-ce pas, depuis l'antiquité, la vocation de la Grèce de servir de creuset de la pensée humaine ?
Courage Alexis, Diogène peut utilement t'inspirer pour la suite. N'oublie pas de reboiser et de faire respecter les arbres.
1Président du Parlement européen