Là où le bât me blesse aujourd'hui, c'est sous le poids de ce que raconte Jean Pierre Chevènement (JPC). Bon (on commence à le savoir !), il est contre la monnaie unique ; mais en dehors de cela, il dit quoi ?
Soit par exemple ses deux ''solutions'' à la crise de l'€ : ''ou bien, 1) l'ajout d'un moteur à la zone euro (ceci pour soutenir la croissance, l'emploi, et intervenir sur le marché de la dette et sur le change)'' , ou bien, 2) en lieu et place de l'euro comme monnaie unique, donc bien moins ambitieux, un euro comme monnaie ''commune'' (cf. le billet de la rédac de Mdpt daté 05/12/2011 sur la crise de l'euro comme ''le'' défi à la gauche).
Pour commencer, soit donc la ''motorisation'' de la zone euro'' ; or, ce que cette solution suppose n'est-il pas que tous les problèmes que cette solution pose soient... résolus ? (non seulement donc l'authentique ralliement de l'Allemagne à l'Europe, mais aussi... celui de la France -comme si ce qui était concevable était que, du jour au lendemain, nos débiles politiciens franchouillards cessent d'être... de débiles politiciens franchouillards ! ; sans compter celui des autres pays de l'Euroland -ne parlons pas du ralliement à l'Europe du ''reliquat'' des pays ''européens'' !) ; que donc, avant que tous ces problèmes soient résolus, si l'on prend en compte le temps que cela requerra, eh bien, justement, ce que l'on peut dire est que la zone euro n'est pas près d'être... ''motorisée'' ? (!)
Soit alors la solution d'un euro ''au rabais'', savoir celle de l'euro non plus comme monnaie unique mais comme monnaie ''commune''.
Notons d'abord qu'il y a autant de conceptions de l'€ comme monnaie ''commune'' que d'économistes hostiles à l'€ comme monnaie unique. Pour clarifier le débat, parlons donc uniquement de l'€ ''commun'' comme de la monnaie (''commune'') qui sera celle des pays européens ''tournés vers l'extérieur'', c'est-à-dire comme commerçant avec les autres pays (que ces autres pays soient européens ou non).
Cet € commun leur permettant, par nature, de recouvrer ''en interne'' leur monnaie nationale, ce que l'on pourra donc dire est qu'il leur permettra de recouvrer une certaine ''souveraineté'' ? (d'où -du moins peut-on le concevoir !- le recouvrement d'un certain niveau de démocratie à l'intérieur de leurs frontières nationales). Oui, peut-être (... !), mais, économiquement (à moins que cet aspect des choses n'ait pas le moindre intérêt !), qu'en sera-t-il des avantages de cet € ? Ainsi, le résultat du point de vue du recouvrement de leur ''souveraineté'' étant le même, le plus... économique (!) ne sera-t-il pas que, sans qu'il soit donc besoin d'une monnaie ''commune'', toutes les monnaies de tous les pays (européens) soient, par leur change (ceci tout comme ... avant l'euro !), directement en contact les unes avec les autres ?
Bref, l'euro unique tel qu'il a été conçu ayant été abandonné à son triste sort, pourquoi se doter d'un euro ''commun'' -étant entendu qu'en fait, la ''correction'' que cet euro représentera n'apportera aucun avantage réel ?
Sauf que si, tout autant que ce que disent la droite et la gauche sur la crise de l'euro, ce que dit JPC est nul et non avenu, comment relever le défi de la crise de l'euro ?
D'abord, il faut revenir aux ''fondamentaux''.
A cet égard, une première remarque décisive s'impose : certes, ceci contrairement à ce qui était cru (et l'est toujours !) la conception d'une monnaie européenne n'était pas simplement un problème de géopolitique dont, en l'occurrence, l'enjeu était de construire un rapport de forces avec les premiers de nos concurrents, c'est à dire les Etats-Unis. C'est que, au plus profond, la construction d'une monnaie européenne relève de ce vrai problème économique qui pèse sur les relations économiques internationales depuis le début des Temps Modernes et qui est celui de la conception (et de la mise en place) d'une véritable monnaie internationale.
S'agissant de cette question, on peut dire aujourd'hui que l'Histoire confirme les enseignements de la plus haute théorie monétaire : techniquement (et non pas politiquement !) la vraie monnaie internationale doit être une monnaie supranationale (ce qui ne veut pas dire susceptible de ''piétiner'' les ''souverainetés'' nationales !), c'est-à-dire une monnaie située ‘'au-dessus'' des monnaies nationales des pays qui commercent (ceci simplement pour les ''homogénéiser'' -cf. infra), ces monnaies nationales devant continuer d'exister !
D'où ce premier élément de réponse (et non pas simplement ''de langage'' !) : la crise de l'euro imposant qu'il soit refondé (sinon, quoi qu'il en soit du ''dernier'' plan Merkel-Sarko, eh bien... vous verrez !), précisément, l'euro refondé devra être, ceci à l'échelle de l'Europe, la PREFIGURATION de la (vraie) monnaie internationale dont la mondialisation a besoin.
Concrètement (et évidemment très schématiquement !) , sous le régime de l'euro refondé :
1° créé par la Banque Internationale Européenne pour assurer la validité des paiements inter-européens (à ce sujet, voyez mon billet intitulé : ''L'explication (la VRAIE !) de l'explosion des dettes ''souveraines'' (2)'') , l'euro ne circulera qu'entre cette Banque, ses Bureaux de représentation dans chacun des états nationaux européens, ceci au gré des paiements internationaux effectués entre eux par les Européens,
2° l'Allemagne n'étant pas l'Irlande, qui n'est pas l'Espagne, laquelle n'est pas la France, qui elle-même... etc, etc... chaque pays européen aura, ''en interne'', recouvré sa monnaie nationale,
3° homogénéisant les monnaies nationales européennes (et donc, à ce titre, monnaie des monnaies européennes), l'euro sera la monnaie des relations internationales des Européens entre eux. A cet effet, ceci à l'échelle de l'Europe, chaque monnaie nationale se trouvera prise :
-avec l'Euro, dans des rapports de change absolus fixes (ce qui ne veut pas dire non révisables ! ; et ceci ne voulant pas dire non plus que la spéculation pourra s'en donner ''à cœur joie'' ! : en effet, l'euro comme monnaie internationale sera par nature hors de portée des spéculateurs ''sur'' les monnaies !),
-avec les autres monnaies nationales (européennes), ceci par l'intermédiaire de l'Euro, dans des rapports de change relatifs fixes (ce qui ne veut pas dire non révisables -puisque, ainsi qu'on vient de le voir, le change des monnaies nationales avec l'euro refondé sera révisable),
4° l'Euro sera la monnaie extra-européenne des pays ''européens'' dans leurs relations avec le reste du monde. A ce niveau, l'euro refondé
se trouvera pris avec les devises extra-européennes dans des rapports de change qui seront fixés par le marché.
Le modèle de l'euro refondé (ici, une fois encore, simplifié à l'extrême -comment pourrait-il en être autrement !) est le fruit de dizaines d'années de travaux universitaires rigoureux, argumentés, récompensés à plusieurs reprises par le CNRS (cf. Bernard Schmitt, ''La monnaie européenne'', PUF, 1977 ; ''La France souveraine de sa monnaie'', Castella, Albeuve et Economica, Paris, 1984). Comment douter qu'à ce
titre, il supporterait sans beaucoup de difficultés l'épreuve d'un test comparatif avec le ‘'modèle'' de l'euro tel que nous le connaissons ? Franchement, qui aujourd'hui peut encore prétendre que l'euro puisse ne tenir qu'en 3 ‘'critères de convergence'' ? Qui peut encore prétendre que l'Euroland soit ‘'une zone monétaire optimale'' ?
Tout cela étant dit, c'est maintenant légitimement que l'on peut parler... géopolitique.
Evidemment que la construction de l'Europe et de l'euro avait (et a toujours !), une dimension politique : ne tenait-elle pas (et ne tient-elle pas toujours) dans l'objectif politique stratégique des Européens de rééquilibrer le monde au détriment des Etats-Unis ? Sauf que, là encore, tel qu'il a été conçu, l'euro ne pouvait être ''à la hauteur'' : n'a-t-il pas été concocté comme la machine de guerre des Européens censée leur permettre de rivaliser avec la machine de guerre américaine -le $- sur le terrain de la lutte (à mort !) pour la domination des marchés mondiaux ? Comment alors imaginer que l'Europe allait pouvoir apparaître comme l'alternative morale aux Etats-Unis qu'elle prétend incarner ? Ce qui au contraire était évident n'était-il pas que, si c'était pour la dominer que l'Europe s'avançait sur la scène internationale, aussitôt, son autorité allait être contestée ainsi que l'a été (et l'est toujours) celle des Etats-Unis ?
Raison de plus pour refonder l'Euro ! En effet, l'euro refondé n'étant plus que cela : la préfiguration de la monnaie internationale dont la globalisation a besoin, ceci pour qu'enfin les échanges entre les pays puissent effectivement porter sur des équivalents économiques, l'Europe pourra, en paix avec elle-même et avec ses partenaires, promouvoir des relations économiques internationales respectueuses
des spécificités et des rythmes de développement propres à chaque pays.
Quoi, la refondation de l'euro ayant permis à l'Europe de se relancer (voire de se faire pardonner tous ses péchés), on ne serait pas fondé à dire que, de sa crise, l'euro est sorti PAR LE HAUT ?
Jean Tramuset