Quand on n'a plus rien à perdre, on ne transige plus. C'est la situation dans laquelle se trouvent Alexis Tsipras et le gouvernement grec face à leurs créanciers et face aux autres européens. Et qui en appellent au peuple, au leur, le peuple grec, par voie de referendum. Mais alors, que dire de l'Allemagne qui, elle non plus, ne transige plus ?
Certes, la Grèce est prête, le cas échéant, à se retrouver exclue de fait de la zone euro, voire de l'Europe : d'aucuns estiment qu'elle a au moins un « plan B » sous le coude, avec l'aide de la Russie...
Vous ne ferez croire à personne qu'Angela Merkel et Wolfgang Schäuble n'ont jamais examiné cet aspect des choses. Et si la Grèce, une fois sortie de l'euro s'en sortait mieux ? Grâce à Moscou, grâce à une solution « à l'islandaise » , grâce aux Chinois, aux Turcs, que sais-je? Qu'importe : l'issue quelle qu'elle soit pourrait donner des idées (souverainistes) à l'Italie, l'Espagne, le Portugal voire la France. Et ça aussi, les Allemands le savent.
Le gouvernement allemand semble donc aussi prêt à jouer la peau de l'euro. Il lui reste à ne pas porter, politiquement s'entend, le chapeau de l'échec retentissant de la monnaie unique. Par contre, le chapeau irait si bien aux Grecs, vous ne trouvez pas ?
Je cite ici le regretté Bernard Maris (assassiné lors de l'attaque contre Charlie Hebdo en janvier 2015) qui écrivait ceci il y a un peu plus d'un an : « Plus de vingt ans de guerre économique ont passé, et l’industrie allemande a laminé les industries italienne et surtout française. Aujourd’hui la guerre est terminée et gagnée. La part des exportations de l’Allemagne en zone euro représente 10% du total. Le reste est hors zone euro, aux Etats-Unis et en Asie. L’Allemagne n’a plus besoin de la zone euro. Au contraire : la zone euro commence à lui coûter cher, à travers les plans de soutien à la Grèce, au Portugal, et à l’Espagne, à tel point qu’elle songe elle aussi à quitter l’euro.
Il est bien évident que ni la Grèce, ni le Portugal, ni l’Espagne, ni même la France et l’Italie ne pourront jamais rembourser leur dette avec une croissance atone et une industrie dévastée. La zone euro éclatera donc à la prochaine grave crise de spéculation contre l’un des cinq pays précités. »
En clair : le maintien de la monnaie unique entraînera un jour (peut-être lointain) une intégration politique qui obligerait les Allemands à être solidaires de Grecs, des Italiens, des Espagnols, des Portugais, des Français....
Impensable dans un pays qui compte – on ne le dira jamais assez – plus de 12 millions de personnes sous le seuil de pauvreté et de plus en plus de retraités, pour cause de déficit démographique... et qui a donc impérativement besoin d'une monnaie forte.
« Qui veut noyer son chien l'accuse de la rage », dit un vieux proverbe français. Et pourtant, les élites françaises semblent être les premières à croire que les Grecs ont la rage...