
Photo: l'avocate Franco-Camerounaise Lydienne Yen Eyoum, séquestrée au Cameroun depuis plus de cinq (05) ans
Comme il fallait s'y attendre, l'avocate Franco-Camerounaise Lydienne Yen Eyoum vient de voir sa peine de 25 ans d'emprisonnement confirmée par la Cour Suprême du Cameroun, à l'issue du procès kafkaïen qui l'a opposée depuis 2010 à l'État du Cameroun, avec la Société Générale de Banque du Cameroun (filiale camerounaise de la banque française Société Générale) en plaignante initiale.
Il faudra désormais en appeler à la bonne grâce du dieu camerounais Paul BIYA, dans une mise en scène parfaitement orchestrée et maîtrisée par le régime de Yaoundé.
Pourvu que ça dure!
Le Comité de Libération des Prisonniers Politiques au Cameroun (CL2P)
Message de Me Lydienne Yen Eyoum:
Mes chers amis,
J'ai été surprise par la convocation de la Cour Suprême du Cameroun à comparaître devant elle dans un délai de 48 heures à peine pour l'examen de mon pourvoi en cassation.
Je sais que certains y ont vu une manœuvre souterraine pour confirmer de manière expéditive la décision du Tribunal Criminel Spécial qui m'a condamnée en premier et dernier ressort à 25 ans de prison ferme, avec circonstances atténuantes!, pour des faits graves que je n'ai pas commis.
Moi, j'attendais tellement cette audience que je l'ai acceptée sans réserves, sans même ouvrir ni polémique ni soupçon de partialité de la part du Président de cette chambre qui se trouve avoir été ce même Procureur Général au moment des poursuites et de l'instruction au TCS. Une instruction suivie activement et de bout en bout par un substitut du Procureur et lors de mes procès en demande de libération immédiate.
Car si j'ai formé pourvoi et que mes excellents conseils ont déposé deux mémoires ampliatifs fondés sur des arguments très pertinents de droit, c'est pour être jugée au fond des faits par l'unique juridiction, haute juridiction, habilitée à juger de nouveau et pour la dernière fois une accusée risquant une condamnation à vie!
Le fait d'avoir été écoutée avec patience par la Haute Cour, à la suite de mes conseils, et que celle-ci ait décidé de mettre la cause en délibéré plutôt que de statuer sur la base du rapport négatif du conseiller rapporteur et des réquisitions du ministère public demandant la cassation partielle de la décision du TCS, nous permet d'espérer un nouvel examen au fond de cette cause.
Alors mes amis, je continue de me battre avec vos nombreux soutiens sans haine ni ressentiments avec pour seul espoir de retrouver les miens....
Alors au 9 juin 2015.
Merci mille fois et du fond du cœur pour votre soutien qui m’insuffle l'énergie dont j'ai tellement besoin pour tenir jusqu'au bout.
Mon amitié et mon affection sincère à chacun de vous.
Pour comprendre les différents ressorts de ce contentieux, lire notamment le droit de réponse de Lydienne Yen Eyoum à M. Issa Tchiroma Bakary, ministre camerounais de la communication:

AU CAMEROUN, DU BARREAU AUX BARREAUX,
Par Vincent Hugeux, Hebdomadaire l'Express, 17 juin 2012
Selon toute vraisemblance, c’est dans la cellule de 12 m² qu’elle partage avec une quinzaine de codétenues, des rongeurs et des cafards, que Lydienne Yen Eyoum va «fêter » à la fin de ce mois son 53e anniversaire. Sinistre décor que cette prison cloaque de Yaoundé, où l’avocate franco-camerounaise s’étiole depuis le 10 janvier 2010.
Une tenace odeur d’archaïsme françafricain flotte sur cette affaire. S’y mêlent, selon une formule éprouvée, l’arbitraire d’un pouvoir à bout de souffle, paré des atours flatteurs de la lutte contre la corruption, et les embarras de Paris, soucieux de ménager le vieil allié Paul Biya, outré par ailleurs de se voir titillé par la justice hexagonale dans le dossier des «biens mal acquis».
Pourquoi diable la réplique camerounaise du glaive de Thémis s’est-elle abattue sur Lydienne Eyoum?
Un an après son arrestation par une escouade d’hommes en armes, celle-ci a été inculpée de détournement de deniers publics. Les faits incriminés datent de 2004: alors avocate de l’État camerounais, l’intéressée se serait indûment appropriée, à la faveur d’une opération de recouvrement auprès de la Société Générale de Banque du Cameroun, et par le jeu d’honoraires prohibitifs, un coquet pactole. Paradoxalement, le sévère contentieux qui opposait les autorités à la filiale de la banque française aboutira d’ailleurs à un arrangement à l’amiable. Nul doute qu’à l’instar de Michel Atangana, dont j’ai évoqué l’interminable épreuve dans les colonnes de L’Express, Me Eyoum paye avant tout sa proximité avec l’une des bêtes noires du système Biya. En l’occurrence l’ancien ministre Polycarpe Abah Abah. «L’Epervier», nom de code de la rafle anticorruption amorcée dès 2006, a décidément les serres bien sélectives.
Sur le fond, on s’abstiendra ici de juger de la validité des griefs retenus contre la juriste embastillée. Mais comment taire les bizarreries qui entachent la procédure? En vertu de la loi camerounaise, la période de détention provisoire - dix-huit (18) mois maximum - expirait le 8 juillet 2011. Depuis cette date, le maintien de Lydienne Eyoum derrière les barreaux est donc illégal. Argument martelé bien entendu par ses avocats, Caroline Wassermann et Christian Charrière-Bournazel, notamment dans la tribune qu’a publiée Libération le 18 mai.
En réponse à ce texte, un certain Martin Belinga Eboutou a jugé bon d’adresser voilà peu au quotidien français un «droit de réponse». Indigné à l’évidence par le manque de déférence du tandem envers Paul Biya, il y détaille un argumentaire «d’ordre juridique» et invoque la «séparation des pouvoirs dans les démocraties comme celle du Cameroun». L’ennui, c’est que l’auteur n’est autre que… le directeur du cabinet civil de la présidence. Au mieux, une grossière maladresse ; au pire, un aveu. Un autre passage de la riposte laisse songeur: le plaideur zélé du palais d’Etoudi assimile le mariage de Lydienne avec le Français Michel Loyse, en septembre 2010, à une manœuvre dilatoire. À l’en croire, l’union, qui confère à l’avocate la citoyenneté française, atteste que cette dernière «entend user tous les subterfuges pour échapper à la justice camerounaise». Mauvaise pioche au demeurant: les alliances ont été échangées le 25 août 2006, et c’est en vertu d’une règle bien de chez nous que la captive a acquis quatre ans plus tard la nationalité de son époux.
Voilà qui nous conduit tout droit à une autre étrangeté, très bleu-blanc-rouge celle-là. Après le dépôt, en août 2011 d’une plainte pour «détention arbitraire et actes de torture et de barbarie», Sylvia Zimmermann, doyenne des juges instruction, a estimé par une ordonnance en date du 15 septembre de la même année qu’ « il y a lieu d’instruire pour vérifier la réalité des faits dénoncés ». Cinq jours plus tard, le Parquet, que l’on sait soumis en France au pouvoir politique, interjetait appel de cette décision. S’agissant du sort d’une compatriote, l’argument avancé par le procureur de la République vaut le détour : une telle initiative, lit-on, s’apparenterait à une «immixtion dans un pouvoir régalien [on ne saurait mieux dire] relevant de la souveraineté d’un Etat étranger». Dans sa grande sagesse, la Cour de cassation tranchera…
Avant de s’épancher dans Libé, les avocats de Lydienne Eyoum avaient déjà beaucoup écrit. À Paul Biya soi-même, à son chef de gouvernement, à son ministre de la Justice, aux magistrats camerounais. En vain. Mais les démarches entreprises à Paris n’ont pas eu davantage d’écho. Voilà pourquoi ils ont repris la plume pour alerter Laurent Fabius, successeur d’Alain Juppé au Quai d’Orsay, comme la nouvelle Garde des Sceaux Christiane Taubira. Ils auraient pu joindre à leur missive la question adressée en octobre 2011 au ministre de la Justice de l’époque par leur collègue Arnaud Montebourg, alors député de Saône-et-Loire. Avocat de formation, le titulaire du portefeuille du Redressement productif s’y interrogeait sur les motifs d’une éventuelle obstruction de Paris. Si d’aventure ses craintes étaient fondées, le moment serait venu de démontrer par les actes que « le changement, c’est maintenant ».
Vincent Hugeux, l'Express
Lire du même auteur:
Cameroun: Paul Biya en état de « grâce »?
Par Vincent Hugeux, Blog L'afrique en face, l'Express, 28 mai 2015