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Billet de blog 7 juin 2011

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Ce que démondialiser veut dire

Etrange tribune que celle publiée par quelques membres du Conseil scientifique d'ATTAC ici. A peine affirmée l'idée de démondialisation est «superficielle et simpliste» que les auteurs de la tribune estiment qu'«il faut évidemment réduire les flux de marchandises et de capitaux, et relocaliser les systèmes productifs», «réduire les émissions de CO2, diminuer la pression sur les ressources naturelles et leur pillage», c'est-à-dire précisément... démondialiser.

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Etrange tribune que celle publiée par quelques membres du Conseil scientifique d'ATTAC ici. A peine affirmée l'idée de démondialisation est «superficielle et simpliste» que les auteurs de la tribune estiment qu'«il faut évidemment réduire les flux de marchandises et de capitaux, et relocaliser les systèmes productifs», «réduire les émissions de CO2, diminuer la pression sur les ressources naturelles et leur pillage», c'est-à-dire précisément... démondialiser. Face à cette contradiction, le lecteur a quelque peine à comprendre quelle est l'opinion de nos amis d'ATTAC. Pour clarifier leur propos, ils indiquent que « ce n'est pas « la mondialisation » que nous rejetons, mais la mondialisation néolibérale et capitaliste, telle qu'elle est organisée par les intérêts des firmes multinationales, les « marchés » et les grandes puissances. » Mais qu'est-ce d'autre que la mondialisation qui s'est déployée depuis 25 ans sinon la mondialisation néo-libérale ?

Comment peut-ont croire que démondialiser pourrait conduire à refuser le progrès des droits sociaux partout dans le monde ou se fermer aux innovations intellectuelles étrangères, en un mot à renoncer à l'internationalisme ?

De caricature en caricature, le projet de démondialisation est réduit à un projet de repli sur soi national qui serait bien « superficiel et stupide » s'il était avéré. Il faudrait alors s'attendre aussi à ce qu'Arnaud Montebourg propose de nous ramener dans des cavernes éclairées à la bougie, reclus derrière nos frontières-murailles, prêts à faire la guerre aux étrangers qui se présenteraient... En réduisant la démondialisation à un projet de repli sur soi national (alors que ses défenseurs en font un projet européen), les auteurs de la tribune caricaturent un projet de gauche pour l'assimiler à des propos tenus à l'extrême droite.

Dès lors, pour éviter ce type d'approximations, il faut être clair sur ce que démondialiser veut dire.

Démondialiser ne signifie rien d'autre que rétablir de l'équilibre dans un système déséquilibré, privilégier l'intégration régionale sur l'intégration mondiale pour permettre un développement plus harmonieux ; introduire des écluses entre zones régionales lorsque les écarts de salaires, de niveau de protection sociale et écologique le justifient.

Démondialiser revient à replacer l'encadrement politique au cœur de l'économie. Comme l'indique Dani Rodrik dans The globalization paradox, son livre best-seller aux Etats-Unis (non traduit en Français, disponible ici), l'essor du commerce et de l'activité économique ne s'est jamais appuyé sur un recul l'Etat et de la régulation politique bien au contraire. Un développement économique harmonieux n'est possible qu'en présence d'un encadrement politique fort, de modèles sociaux assumés et d'interventions publiques vigoureuses. Seuls les néo-libéraux ont pu faire croire à la contre-vérité historique qu'il faut faire reculer l'Etat pour développer l'activité économique.

Démondialiser a pour objectif de redonner aux Etats une marge de manœuvre politique qui ne peut être, pour l'heure, que régionale, donc pour nous, européenne. Attendre qu'un dispositif de gouvernance mondial soit mis en place pour relever les défis du présent est chimérique et dangereux : nous ne pouvons attendre le long terme pour rétablir des équilibres économiques et humains, pour empêcher les prochaines crises financières, alimentaires, écologiques.

Là où la mondialisation néo-libérale a introduit de violents déséquilibres, la démondialisation vise à remettre de l'équilibre par la construction d'écluses écologiques, sociales et financières, par l'encouragement d'un développement harmonieux entre les territoires (centres urbains, zones rurales et périurbaines).

Amis, inutile de caricaturer une réflexion nouvelle à gauche à une époque où il y en a peu.

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