Qu’est-ce que l’eurofascisme ? Le mot a été prononcé à la télévision le 14 février dernier par Emmanuel Todd. Essayons ici de donner des éléments de réponse à cette question importante, souvent débattue sur Internet mais largement occultée dans les médias dominants.
L’eurofascisme vient des élites
Le 14 février dernier, dans une émission de Ce Soir ou Jamais consacrée à l’opposition du peuple grec contre le plan de rigueur mis en place par la troïka, le politologue Emmanuel Todd mettait en garde contre l’eurofascisme : « ce qui est important dans cette séquence historique, c’est de voir l’Europe changer de nature : c’était une association de démocratie, c’est devenu un système prélèvement du surplus de manière autoritaire par la Banque centrale, ça s’est transformé en système hiérarchique avec l’Allemagne à la tête et son brillant second, la France. En vérité, cela devient un système qui détruit la démocratie. Ce qui se passe actuellement en Grèce, c’est la destruction de la démocratie par l’Europe. Et comme le mécanisme est très général, comme le processus de destruction se fait, comme pour le nazisme et le fascisme, par en haut, c’est un complot des élites. Je pense qu’on peut commencer à spéculer sur l’intérêt du concept d’eurofascisme ».
Pour Todd, c’est l’élite européenne actuelle qui impose cet eurofascisme. Les plans d’austérité imposés aux peuples par le FMI, les dirigeants européens et les banques sont le symptôme de l’avènement d’un nouveau système de gouvernance qui n’a plus rien à voir avec la Démocratie. L’Europe vit une séquence historique pivot. Comme en 1922 en Italie et en 1933 en Allemagne, l’élite actuelle est-elle en train d’imposer au peuple un nouveau système qui s’avèrera totalitaire ?
Emmanuel Todd n’est pas le premier à craindre cette situation. On peut lire les mêmes griefs au Front de Gauche comme au Front National, dans les écrits de Paul Jorion comme dans ceux d’Alain Soral. Ceci est un signe du dépassement de l’opposition droite/gauche, omniprésente au XXème siècle, pour une nouvelle opposition mondialisme oligarchique bancaire/souveraineté démocratique (pour faire simple).
Dans un communiqué du 22 février 2010, le parti politique Solidarité et Progrès – dont le chef Jacques Cheminade se présente à l’élection présidentielle française – mettait déjà en garde contre l’apparition, en raison de la crise, de la « réapparition du fascisme financier, d’une oligarchie financière qui, craignant de tout perdre, devient putschiste et décide de reprendre de force à la population tout ce qu’elle a perdu dans la débâcle ».
Goldman Sachs, symbole de la machine eurofasciste
Dans un article du Monde du 14 novembre 2011, Marc Roche, auteur de « La Banque : comment Goldman Sachs dirige le monde », mettait en lumière les positions stratégiques acquises par Goldman Sachs depuis la crise : « qu’ont en commun Mario Draghi, Mario Monti et Lucas Papadémos ? Le nouveau président de la Banque centrale européenne, le président désigné du conseil italien et le nouveau Premier ministre grec appartiennent à des degrés divers au « gouvernement Sachs » européen ». Mario Draghi a en effet été vice-Président de GS pour l’Europe entre 2002 et 2005 ; Mario Monti est conseiller international de la banque depuis 2005 ; tandis que Lucas Papadémos fut gouverneur de la Banque centrale grecque entre 1994 et 2002, participant ainsi à l’opération de trucage des comptes perpétré par GS pour l’entrée de la Grèce dans l’UE. On peut lire également un article de Mediapart, « Europe : les hommes de Goldman Sachs », qui reprend les mêmes exemples.
Mario Draghi, Président de la BCE
Cette présence de la Goldman Sachs en Europe en effraie plus d’un. En effet, depuis la crise, la banque fait l’objet de nombreux articles hostiles, le tout légitimé par les déclarations de son PDG, Lloyd Blankfein, qui prétend « faire le travail de Dieu ». En juillet 2009, le magazine Rolling Stone publie un article du journaliste d’investigation Matt Taibbi : « Goldman Sachs, la grande machine à bulles ». L’article expose le rôle de Goldman Sachs dans presque toutes les crises financières depuis plus de 80 ans. Explosif.
Aujourd’hui, Goldman Sachs veut conquérir l’Europe. Gary Cohn, directeur général délégué de GS, a même déclaré au début du mois que la banque voulait se développer en Europe et ce dans tous les domaines, que ce soit le courtage, l’émission d’actions et d’obligations, le conseil en fusions & acquisitions ou encore la gestion de fortunes. Il n’en faut pas plus pour alarmer le pourfendeurs de la Goldman, qui devient plus de jour en jour le symbole bancaire de l’eurofascisme.
N.B.
1. janvier 13 / la proposition de Goldman Sachs sur les salaires français : la banque d'affaires américaine, déjà controversée, a proposé par la voix de Huw Pil, son économiste en chef, de baisser tous les salaires de l’hexagone de 30 % pour enrayer la crise.
2. janvier 11 / la banque s'était aussi illustrée en annonçant que le salaire annuel de son PDG serait triplé. De 600.000 dollars, il est passé à 2 millions de dollars alors que CA de la banque reculait de 37 %
3. mai 2013 / dans un document publié à la fin du mois de mai, le géant des banques d’investissement américain JPMorgan Chase réclame l’abrogation des constitutions démocratiques bourgeoises établies après la Seconde Guerre mondiale dans une série de pays européens et la mise en place de régimes autoritaires.
4. 21 juin 2013 / L'agence de notation Standard et Poors convoite le magot du livret de caisse d epargne des francais : 'Si le secteur bénéficie du faible risque de crédit en France, le Livret A, produit financier préféré des Français, le pénalise au vu du contexte de taux bas et de croissance quasi nulle, selon SP. "Depuis plusieurs années, le circuit de l'épargne réglementée draine une part de plus en plus grande des dépôts vers des missions d'intérêt général, au détriment de l'activité commerciale des banques", déplore l'agence de notation.
5. Goldman Sachs : La grande machine à bulles http://www.agoravox.fr/actualites/economie/article/goldman-sachs-la-grande-machine-a-59168