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Billet de blog 15 septembre 2015

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Ces riens

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Un rien, chose acheminée vers la nullitude absolue. Pas même un creux, un vide visible qui laisserait deviner l'être absent de son plein. Des riens, croyant exister les uns à côté des autres, se rapprochant parfois jusqu'à croire se toucher parce que, disait l'humoriste, trois fois rien c'est déjà quelque chose. Non, pas. Seuls et ensemble engloutis dans l'indétermination de ce qui n'est que néant : nous ne sommes rien. Parle pour toi. Si tu n'es rien, reconnais aux autres la liberté d'affirmer qu'ils sont quelqu'un, eux. Illusion. L'équilibre des forces bascule, une guerre, le pouvoir change de mains sales et voilà ces messieurs dames sur les routes, une couverture en guise de toit et la mer pour tombeau. Et ces objets si précieux avec lesquels nous composons la chimère de nos êtres, nos désirs, nos gloires, nos œuvres incomparables abandonnés à la ruine. L'exode et la mort sont les suprêmes égalisateurs de tous les riens qui s'imaginaient être un peu plus que du sang et des os, qui se rêvaient des hiérarchies. Le temps recouvrira de sa cendre nos ultimes vanités.

De ce constat qui s'impose à quiconque pense un peu plus loin que le prochain conseil d'administration, que la prochaine assemblée du jury, que la prochaine distribution de breloques aux glorieux vainqueurs de la course à l’échalote, que faisons-nous ? Rien. Nous continuons à tourner dans nos roues, le regard fixé devant pour ne pas perdre l'objectif, sincèrement désolés mais un peu ravis tout de même que certains moins habiles se soient pris les pattes et soient tombés : quelle valeur aurait notre réussite sans l'échec de l'autre ? Nos redditions perdraient leur faux goût de victoire sans la peur du naufrage. Ça, on nous l'apprend à l'école : c'est la seule leçon que l'on retient vraiment, et l'hypocrisie des regrets pour toute morale. Pourtant, sur cette absolue certitude de n'être rien, sur cette foi évidente en l'absurdité de l'existence y compris la nôtre, nous pourrions bâtir l'humanité, chaque rien se révélant à l'être dans l'échange égal, dans le partage universel, dans la diversité du vivant. Troquer nos médiocres survies contre la vraie vie, ce ne serait pas rien.  

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