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Billet de blog 16 septembre 2015

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La générosité du tamis

Après avoir quelque peu tâtonné, hésitant sur la posture qui siérait le mieux à leur image de marque et leur cote de popularité, après avoir ergoté sur la quantité de misère du monde qu'il reviendrait à chacun de se coltiner, après avoir rétabli ça et là les vieilles frontières abolies par l'espace Shengen, les dirigeants européens réinventent la générosité du tamis.

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Après avoir quelque peu tâtonné, hésitant sur la posture qui siérait le mieux à leur image de marque et leur cote de popularité, après avoir ergoté sur la quantité de misère du monde qu'il reviendrait à chacun de se coltiner, après avoir rétabli ça et là les vieilles frontières abolies par l'espace Shengen, les dirigeants européens réinventent la générosité du tamis.

Face à l'afflux d'enfants, de femmes et d'hommes qui fuient l'horreur de leur pays en guerre, face aux exilés de la guerre économique permanente et sans merci, face à des êtres humains dont la détresse est telle qu'ils risquent leur mort et celles de leur proches plutôt que de rester tranquillement sur le sol qui les a vu naître, l'Europe sort sa batterie de cribles. L'hospitalité, oui (un peu), mais surtout pas pour tous ! Et nos spécialistes du filtrage s'en vont trier le bon réfugié de guerre et le mauvais migrant économique. On veut bien, à la rigueur, héberger dans la Creuse quelques individus menacés par les bombes mais hors de question de s'intéresser aux victimes des spéculations sur les denrées alimentaires, aux expropriés des terres arables, aux immigrés de la pollution et du changement climatique. Il y a des limites aux bornes de la philanthropie européenne ! D'aucuns ont leurs idées sur la finesse du tamis, font des propositions : le filtre à gentils chrétiens, qui repousse les méchants musulmans, ces terroristes déguisés ; le filtre à diplômés qui sélectionne l'étranger immédiatement rentable ; et bien sûr, le filtre parfaitement étanche appelé « mur » qui préserve des erreurs de tri. Mais s'il y a débat sur la définition de la maille, l'objectif est le même : en laisser passer le moins possible. Que faire des rebuts ? Les renvoyer, bien sûr. C'est ainsi que l'on vide l'océan à la petite cuillère percée.

On serait consternés par tout ce cirque si nous avions jamais eu la moindre confiance en la capacité des hommes et femmes de pouvoir à résoudre quelque difficulté que ce soit et d'être à la hauteur des événements. Et l'on entend, horrifiés, les nationalistes et les racistes de tout poil, ces profiteurs de la peur et du repli sur soi, se frotter les mains.

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