L'inaccessible M. Denis

Quand on est président d'une banque, on vit au sommet. L'altitude est le milieu naturel du président. En haut de la tour, l'oxygène est préservé des miasmes de la foule, cette femelle criarde, geignarde, malapprise. Les grands oiseaux majestueux planent autour du président, laissant leur fiente tomber sur le peuple des désargentés. On n'est jamais seul, quand on est président d'une banque. Une cour de conseillers, chargés de mission, fondés de pouvoir et assistants s'agitent en un ballet bien huilé sans couac ni faux pas. Les bruits sont tamisés dans le bureau luisant du président. Quand on est président, on n'entend pas le raffut des insectes besogneux qui rampent loin, si loin : bousier roulant son boudin de merde, fourmi fouinant la miette du jour, cloporte à la peine suant sa douleur au turbin des gagne-petits. Si l'on est président, c'est qu'on l'a bien mérité. Il en faut de grandes écoles, des réseaux efficaces, des coups de téléphone et de sonnette à la bonne porte, des courbettes, danses et révérences, pour devenir président. Souplesse d'échine et reins solides, c'est l'élection! Quand on est président, on approche le divin. Alors lorsque de la maraille d'incapables grouillant dans la boue, s'élève le cri d'un endetté qui proteste, le président de la banque n'a pas le temps. Il est très très occupé, le président. Les hommes-liges (mal)traitent l'importun contestataire ET LE LAISSE CREVER DE FAIM : qui es-tu, toi, qui demande à régler ton problème de pauvre, directement avec le président? Va plutôt décrocher la lune avec tes dents.