Dans un rapport tout juste rendu public, le Privacy and Civil Liberties Oversight Board (PCLOB), se montre particulièrement critique au sujet des programmes de la NSA. Son analyse sur la légalité et l'efficacité du programme de collecte de métadonnées téléphoniques va être fortement discutée. En effet selon ce qui a fuité du rapport, il considère tout simplement le programme comme illégal et son efficacité est clairement mise en doute. Dans l'attente d'une analyse plus complète du rapport, voici une introduction pour baliser le terrain.
Édit : Tout l'article provient des éléments fuités et d'une analyse des activités du PCLOB, le rapport est désormais pleinement disponible. Le détail du rapport sera disponible dans un second article.
Je renvoie cependant à sa lecture, aux opinions divergentes des deux membres et aux recommandations pour se faire une idée.
PCLOB-Final-Report-1-23-14.pdf
Le rapport, tout juste publié
- C'est une agence bipartisane et indépendante mise en place par le Congrès en 2007 suite aux recommandations du rapport sur le 11 septembre 2001 publié en 2004.
- Elle est composée de 4 membres à temps partiel et d'un président à temps plein. Elle dispose de deux principaux pouvoirs. D'une part, examiner et analyser les actions que l'exécutif prend pour protéger la nation contre le terrorisme, en veillant à ce que la nécessité de ces mesures soit équilibrée avec la nécessité de protéger la vie privée et les libertés civiles. D'autre part, veiller à ce que les préoccupation concernant les libertés soient dûment prises en compte dans l'élaboration et la mise en œuvre des lois, règlements et politiques liées aux efforts visant à protéger la nation contre le terrorisme.
- Pour faire elle doit prodigure des conseils à travers des rapports, superviser certaines actions, règlements ou lois, coordonner l'actions des personnels en charge des libertés civiles dans diverses agences fédérales et rapporter son activité 2 fois par an au Congrès.
- Afin de réaliser cela elle dispose d'un vaste pouvoir d'enquête et d'accès aux documents pertinents (même classifiés)...
Quelle composition et organisation ?
Sa véritable mise en route date de l'année dernière. L'agence a publié quelques recommandations sur le "Sunshine Act" relatif à la communication des informations dans le secteur de la santé et on voit qu'elle a tenu au moins une réunion de travail par mois (source). Pour les détails je renvoie à son "règlement" et à son "historique" (étude)
Pour les membres actuels, je renvoie au site officiel qui détaille précisément les responsabilités de chacun (Le niveau est élevé, le directeur a officié à la Security and Exchange Commission ainsi qu'à la Federal Trade Commission, il a fait parti des équipes qui ont négocié le Safe Harbour Act, les membres ont tous eu de hautes responsabilités dans le domaine de la justice...).
Quel rôle dans le cadre des programmes de surveillance ?
Une comparaison de son rapport semi-annuel au Congrès publié en juin 2013 avec celui de novembre 2013 permet grandement de mesurer l'étendue de son activité.
- Dès la fin 2012, son activité l'a conduit (notamment) à envisager une évaluation de l'application des programmes de surveillance (notamment ceux réalisés sous la section 702 FISA et 215 du Patriot Act).
- Fin mai, suite aux révélations d'Edward Snowden, des congressistes lui ont demandé une évaluation plus en détail des programmes de collecte de données visés en vue de la publication d'un rapport. Sur ce point particulier s'écroule la tentative de Mike Rodgers (le leader républicain au Comité du Renseignement à la Chambre des Représentants) de décrédibiliser le rapport). Il a déclaré soutenir la position des deux membres républicains de l'agence parce que le PCLOB "n'aurait pas du mener une analyse juridique injustifiée". Petit problème : il était averti depuis 2 mois que cette analyse juridique allait être menée et n'avat pas émis de protestations depuis en effet, dans le rapport au Congrès du PCLOB était clairement indiqué ceci : "The review, which is intended to culminate in a public report as requested by the President and Members of Congress, is addressing the history, legality, necessity, and effectiveness of these programs." (citation disponible dans le rapport et trouvée sur EmptyWheel). Il était ainsi connu et patent que l'agence allait menée une analyse juridique approfondie sur le sujet.
- Il importe également de mentionner que début juin une vaste réunion de travail publique a eu lieu dont le verbatim est disponible ici. La composition des panels entendus était clairement équilibrée et représentative des divers courants, le verbatim est passionnant concernant l'expression des désaccords sur l'histoire des programmes, leur légalité, leur efficacité etc...
- Deux autres longues réunions de travail avec des responsables locaux et nationaux du gouvernement ont suivi en août et en octobre, et il était clairement indiqué que ces réunions étaient faites en vue de la publication du rapport visé dans les rapports au Congrès :Par exemple : "This hearing will continue the PCLOB's study of the federal government's surveillance programs operated pursuant to Section 215 of the USA PATRIOT Act and Section 702 of Foreign Intelligence Surveillance Act. Recommendations for changes to these programs and the operations of the Foreign Intelligence Surveillance Court will be considered at the hearing to ensure that counterterrorism efforts properly balance the need to protect privacy and civil liberties."
- Lorsque le président Obama a défendu les programmes de surveillance dans une réforme qui est plus que décevante, il a réservé une toute petite place au PCLOB, qui se borne à un rappel de ses attributions : "Le PCLOB est encouragé à remettre un rapport qui évaluera la mise en oeuvre des questions contenues dans la directive qui tombent dans le cadre de son mandat.". Il était pourtant averti des conclusions du rapport d'aujourd'hui selon le Washington Post.
- La dernière étape est celle d'aujourd'hui avec une réunion publique en cours actuelle à Washington. Durant cette réunion il votera sur la publication de son rapport sur le programme de surveillance opérant en vertu de la section 215 du Patriot Act et les opérations de la Foreign Intelligence Surveillance Court ["At the meeting, the Board will be voting on the issuance of its report on the surveillance program operated pursuant to Section 215 of the USA PATRIOT Act and the operations of the Foreign Intelligence Surveillance Court"]. Le rapport ayant déjà été consulté par certains, sera prochainement mis en ligne (probablement d'ici ce soir ou demain dernier délai). Mais des éléments ont déjà fuités. Voilà ce qu'on peut en dire pour l'instant (je reprendrais une analyse détaillée demain ou ce week-end)
Le rapport
Les premiers éléments ont été fuités par le Washington Post et le New York Times
Évidemment le rapport a été rendu public juste après que j'ai terminé mon article :
Independent board says NSA phone program should end (Washington Post)

Watchdog Report Says N.S.A. Program Is Illegal and Should End (New York Times)
En résumé : "Le programme "n'a pas de fondement juridique viable en vertu de l'article 215, pose des questions constitutionnelles en vertu des premier et quatrième amendements, soulève de graves menaces à la vie privée et aux libertés civiles en tant que politique, et n'a montré qu'une valeur limitée [...] En conséquence, la commission recommande que le gouvernement mette fin du programme." (New York Times)
- La section 215 du Patriot Act "ne fournit pas une base adéquate pour soutenir le programme", contrairement à ce que soutient le Département de la Justice et la FISC depuis de nombreuses années. En effet, la section de 215 vise le cas d'une enquête autorisée (authorized investigation). Le programme de collecte ne saurait être considéré comme s'appliquant à une "enquête autorisée" sauf à redéfinir le terme d'une "manière qui soit circulaire et de portée illimitée"
- "Nous n'avons pas identifié un seul cas impliquant une menace pour les États-Unis dans lequel le programme de collecte téléphoniques ait permis une différence concrète dans l'issue d'une enquête de contre-terrorisme. En outre, nous ne sommes au courant d'aucun cas où le programme a directement contribué à la découverte d'un complot terroriste auparavant inconnu ou à la perturbation d'une attaque terroriste." Au maximum, cela se bornait à des indices concordants avec des éléments déjà découverts par le FBI sur la base d'autres procédures.
- La manière de collecter les données sur une base journalière hors de tout dossier préexistant est une approche "qui manque de fondement dans la loi".
- "À la base, l'approche se résume à l'idée que la quasi-totalité des enregistrements téléphoniques sont pertinents pour la quasi-totalité des enquêtes sur le terrorisme international". Cette approche est "au minimum" en tension profonde avec le texte de la section 215 qui exige une enquête et pas un objectif d'accroître les capacités du gouvernement dans la lutte anti-terroriste.
- Le rapport soulève des questions constitutionnelles qui touchent jusqu'à la liberté de parole et d'association dans la mesure, où la divulgation de données peut révéler des agissements, relations et associations qui devraient être par nature privés.
- Le PCLOB s'oppose clairement à ce qu'un mandat légal impose aux opérateurs de télécommunications de conserver leurs données plus longtemps que ce qui est le cas maintenant, ou à ce qu'un tiers conserve les données. Le rapport souligne que le gouvernement devrait se contenter des ordonnances des tribunaux traditionnels pour obtenir des données voire aux lettres de sécurité nationale dans les cas de contre-terrorisme.
- "L'échec à identifier la présence de Mihdhar (un des responsables du 11 septembre, souvent cité comme exemple par les officiels du gouvernement) aux États-Unis provient principalement d'un manque de partage d'informations entre les organismes fédéraux, pas d'un manque de capacités de surveillance [...]Ce fut un échec dans le reliage des points, pas un échec à connecter suffisamment de points"
- Le programme n'a eu aucun effet pour déjouer un attentat dans le métro de New-York contrairement à ce qui est communément affirmé.
- «La cessation du programme permettrait d'éliminer les problèmes de confidentialité et de libertés civiles liées à la collecte en masse sans entraver indûment les efforts du gouvernement, tout en veillant à ce que toutes les demandes gouvernementales pour obtenir les relevés et données téléphoniques soient adaptés aux besoins d'enquêtes spécifiques."