Israël veut la paix. Surtout son ministre des affaires étrangères, l’ultranationaliste Avigdor Lieberman. Il la veut tellement qu’il s’offre le luxe de boycotter le discours du président brésilien Luiz Inacio Lula da Silva à la Knesset et le dîner officiel. Il voulait ainsi manifester son mécontentement après le refus par Lula de se rendre sur la tombe de Theodor Herzl, fondateur du sionisme politique, et d'y déposer une gerbe, comme le lui avait suggéré son ministère. Choix politique ou d’agenda, Lula a préféré se rendre au Musée de l'Holocauste en estimant qu'une telle visite devrait être «obligatoire pour tous les chefs d'État du monde», pour se souvenir qu’un tel massacre ne doit « plus jamais, plus jamais, plus jamais » se produire ». « Nunca mais », « plus jamais », a une connotation très forte au Brésil, et dans toute l’Amérique Latine : c’est le mot d’ordre des associations de droits de l’homme en référence aux dictatures qui ont semé la terreur dans le cône sud entre les années 60 et 80. Mais revenons à Lieberman. Son pays accueille le seul président capable aujourd’hui d’aller en Israël, dans les territoires palestiniens dans la foulée, et dans deux mois en Iran. Le Brésil est aujourd'hui une des seules puissances mondiales où la cohabitation entre juifs et descendants arabes de la terre sainte est excellente. Un des seuls pays capables de maintenir le dialogue avec tous, puisqu’il ne souffre pas de la suspicion des acteurs locaux, n’ayant pas son passé tâché d’ambition coloniales dans la région ni d’appétit pout le pétrole. Un des seuls grands de ce monde à avoir inscrit dans sa constitution l’interdiction formelle de construire l’arme nucléaire : un autre type de légitimité que celui des Etats-Unis ou de la France lorsqu’il s’agit de convaincre l’Iran de confiner l’utilisation de l’uranium à des fins civiles. Obama baisse les bras, et annule la mission de son envoyé spécial, mais Lula maintient son optimisme et sa furieuse foi dans le dialogue, qui lui a permis de passer du statut de petit syndicaliste métallurgiste à créateur du principal parti progressiste d’Amérique Latine, avant de devenir président. Mais Lieberman a mieux à faire. Faut-il rappeler qu’en juillet dernier, Lula l’a reçu avec tous les honneurs malgré les protestations de toute la gauche brésilienne et de son propre parti ? Lula veut tenter d’inviter le Brésil dans les négociations au proche-orient, apporter un bol d’air frais dans un climat vicié. C’est un essai, il n’y parviendra peut-être pas, mais il fait un pari. En boycottant sa venue, le ministre des affaires étrangères israélien démontre que pour lui, la paix n’est pas au programme.
Photo : © Ricardo Stuckert / Presidência da República Lula et Shimon Peres durant la visite officielle