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Billet de blog 24 mars 2010

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En Argentine, «Nunca Mas»

Cela a commencé comme un jeu, avant d’être propagé par les réseaux sur internet: ce 24 mars, date du 34e anniversaire du coup d’Etat en Argentine qui a installé la dictature de 1976 à 1983, les internautes sont invités à retirer la photo de leur profil sur Facebook et sur d’autres plateformes, comme Twitter et Messenger. C’est une façon de rappeler la mémoire de tous les morts et disparus – 30.000 personnes environ! – durant le régime militaire.

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Cela a commencé comme un jeu, avant d’être propagé par les réseaux sur internet: ce 24 mars, date du 34e anniversaire du coup d’Etat en Argentine qui a installé la dictature de 1976 à 1983, les internautes sont invités à retirer la photo de leur profil sur Facebook et sur d’autres plateformes, comme Twitter et Messenger. C’est une façon de rappeler la mémoire de tous les morts et disparus – 30.000 personnes environ! – durant le régime militaire.

Certains ont même incrusté dans ce profil vide la phrase «Nunca Mas», en référence au titre du rapport de la commission nationale sur la disparition des personnes (Conadep), élaboré au lendemain du rétablissement de la démocratie, en 1983. Plusieurs groupes se sont formés (comme http://www.facebook.com/pages/POR-TODOS-LOS-DESAPARECIDOS/111358722209101) pour réunir tous ceux qui voudraient rappeler que «plus jamais» de tels crimes ne peuvent se produire.

L'initiative a provoqué un débat entre les proches des disparus : faut-il ce visage sans trait, ou au contraire montrer l'allégresse et la vie de ceux qui ont disparu ? n'est-ce pas le propre de ceux qui se solidarisent mais qui n'ont perdu personne? Alors un autre mouvement a commencé sur Facebook : remplacer les photos du profil par celle d'un disparu, un père, une mère, un frère, une épouse, un fils, une cousine, parfois des couples, puisqu'ils ont souvent disparu ensemble, parfois des groupes, mais avant tout, la vie. Les pages argentines se sont remplies de photos "vintage" des années 70, aux coupes qui nous font aujourd'hui sourire et aux lunettes qui vous mangent le visage. Avec le vide ou le plein de souvenirs, l'essentiel est de marquer le coup.

Toutes les associations de droits de l’homme manifesteront sur la place de mai, à commencer par les Mères de la Place de mai, celles qui à l’époque rendaient fous les militaires en faisant des tours autour de la pyramide qui fait face au Palais présidentiel de la Casa Rosada pour exiger le retour de leurs enfants.

Cristina Kirchner se rendra pour sa part à l’Esma, l’ex-Ecole de la Marine, principal centre de torture de la dictature, par lequel sont passés plus de 5000 militants de gauche et guérilléros opposants au régime. La plupart ont été par la suite «transférés », c’est-à-dire endormis, et jetés d’avion dans le Rio de La Plata. Cristina remettra un prix, à quatre pères de disparus, rappelant que l’instinct maternel n’était pas le seul à se rebeller contre la barbarie.

Un acte qui nous rappelle que malgré les critiques parfois méritées, parfois remâchées par la presse conservatrice argentine et bêtement répétées à l’étranger, les Kirchner, Nestor et Cristina, ont effectué une véritable révolution dans le champs des droits de l’homme, en finissant avec les lois qui assuraient l’impunité aux tortionnaires, impulsant de nouveaux procès, faisant le ménage dans l’armée, reconnaissant les droits de victimes, ouvrant toutes les archives de la dictature au public et rendant aux civils des lieux si symboliques comme l’ESMA. Cela peut sembler facile et banal à ceux qui lisent ces lignes de Paris. Il suffit de sentir la haine qu’ils inspirent dans les beaux quartiers de Buenos Aires pour comprendre qu’il fallait une sacrée dose de courage, pour répéter, dans les actes et au-delà des vaines paroles : Nunca Mas !