Je raconte ce soir et demain mon « héritage » au Café du Peuple à Veynes avant de partir lundi pour le festival off d'Avignon. C'est un événement étonnant qui mêle toutes les contradictions du monde actuel. Une médiocrité crasse, une concurrence débridée, des espaces de profits sordides, Avignon porte tous les stigmates de cette société capitaliste du 21ème siècle : bêtise, injustice et argent roi. Comme un pied de nez éternellement recommencé à ce constat du pessimisme de la raison, existe et se développe, porté par l'histoire du festival, une multitude de moments uniques et tellement nécessaires : ah l'optimisme de la volonté ! Car s'il faut avoir les yeux ouverts sur ce marché, il faut savoir trouver au cœur de ce programme des perles de poésie, des bribes brutes de paroles humaines, des lieux ilôts d'une archipel solidaire. Faire vivre ce théâtre populaire est déjà une œuvre révolutionnaire.
Les amis de la CGT, qui nous accueille dans leur bourse du travail, ont bien compris qu'il se joue dans le théâtre bien plus que le théâtre. En ouvrant leurs portes, ils offrent plus qu'un lieu, une relation au monde. Il ré-inventent la vieille union des artistes et des travailleurs. Ils savent qu'ils ont besoin d'images et de mots pour faire œuvre émancipatrice. Ils savent aussi que nous avons besoin d'eux pour toujours mieux habiter le monde. Ce lieu est un « déjà-là » d'un monde à construire. Nous sommes très fiers d'y avoir notre place. Une journée, un métier, une vie, sont remplis eu aussi de déjà-là. Nous sommes tous libres par intermittence. Nous avons tous vécus la gratuité d'une rencontre, la libération d'une parole enfin entendue, la beauté simple du partage entre collègues, le plaisir de voir reculer la peur et l'obscurité. Alors qu'attendons nous pour étendre ce déjà là ? Ma semaine à vos côtés s'achève. J'aurai milles autres histoires à partager. Longue vie à l'Humanité et à tous ceux qui la font vivre. Rendez-vous à la fête !
Chronique parue le vendredi 29 juin dans le journal l'Humanité, rubrique l'invité de la semaine.