Références :
Cour de cassation
chambre sociale
Audience publique du mercredi 20 février 2013
N° de pourvoi: 11-26401 11-26404 11-26406 11-26407
Publié au bulletin Rejet
M. Lacabarats (président), président
SCP Célice, Blancpain et Soltner, SCP Masse-Dessen, Thouvenin et Coudray, avocat(s)
Texte intégral
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Vu la connexité, ordonne la jonction des pourvois n° Z 11-26. 401, C 11-26. 404, E 11-26.
406 et F 11-26. 407 ;
Attendu, selon les arrêts attaqués (Grenoble, 21 septembre 2011), que M. X... et six autres
agents de sécurité du Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA)
étaient affectés dans " les formations locales de sécurité " et travaillaient selon un rythme "
24X48 ", alternant une amplitude de travail de vingt-quatre heures trente minutes, comprenant
quatre heures trente minutes de " pause ", et une période de quarante-huit heures de repos ;
qu'ils ont saisi la juridiction prud'homale d'une demande tendant, notamment, à obtenir la
prise en compte comme temps de travail les quatre heures trente de " pause " ;
Sur le second moyen du pourvoi de l'employeur :
Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer sur ce moyen qui n'est pas de nature à permettre
l'admission du pourvoi ;
Sur le premier moyen du pourvoi de l'employeur :
Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt d'accueillir cette demande, alors, selon le moyen :
1°/ qu'en vertu de l'article L. 3121-2, alinéa 2, du code du travail, le temps nécessaire à la
restauration et le temps consacré aux pauses peuvent ne pas être considérés comme temps de
travail effectif et laisser place à une rémunération prévue librement par les partenaires
sociaux, si l'ensemble des critères de l'article L. 3121-1 du code du travail ne sont pas réunis ;
qu'en se bornant à affirmer que les salariés restés à disposition ne pourraient « vaquer à des
occupations personnelles » et devraient « se conformer aux directives de l'employeur »,
sujétions qui n'existent que dans le cas d'une éventuelle intervention décidée par le CEA, sans
s'expliquer, comme elle y était invitée, sur les dispositions de l'accord collectif en vertu
desquelles de telles interventions en matière de rémunération n'obéissent pas au régime des
pauses et donnent lieu au contraire au versement d'un plein salaire, la cour d'appel n'a pas
caractérisé, pour les temps de pauses et de restauration proprement dits, la réunion de tous les
critères de l'article L. 3121-1 du code du travail et a ainsi privé sa décision de base légale au
regard des textes susvisés ainsi que de l'article L 2221-2 du code du travail ;
2°/ qu'il ressort tant de la finalité que du libellé même de leurs dispositions que les directives
93/ 104 et 03/ 88 ne trouvent pas à s'appliquer à la rémunération des travailleurs et ne
concernent que les prescriptions minimales relatives à la durée du travail en vue d'améliorer
les conditions de vie et de travail des salariés ; qu'en considérant cependant que lesdites
directives ne permettraient aucune dérogation en matière de rémunération, la cour d'appel a
violé par fausse application les textes susvisés ;
3°/ que constitue un travail effectif au sens des articles L. 3121-1 et L. 3121-5 du code du
travail, le temps pendant lequel le salarié est à la disposition de l'employeur et doit se
conformer à ses directives sans pouvoir vaquer librement à des occupations personnelles ; que
constitue au contraire une astreinte la période pendant laquelle le salarié peut vaquer à des
occupations personnelles sans être à la disposition permanente et immédiate de l'employeur
mais a l'obligation d'être en mesure d'intervenir pour effectuer un travail au service de
l'entreprise, la durée de cette intervention étant considérée comme un temps de travail effectif
; qu'il était constant en l'espèce que durant les 4 heures 30 de pause litigieuse, les salariés des
formations locales de sécurité étaient hébergés dans des « bases-vie » entièrement aménagées,
comprenant notamment cuisine et dortoirs, où ils pouvaient librement vaquer à des
occupations personnelles ; qu'en se fondant, pour dire que ces périodes constituaient un temps
de travail effectif, sur le fait que les salariés devaient être en mesure d'intervenir en cas de
nécessité, ce qui est le propre de l'astreinte, et sans caractériser autrement en quoi les sujétions
imposées aux salariés durant ces périodes les auraient empêchés de vaquer à des occupations
personnelles, la cour d'appel a statué par des motifs inopérants et a ainsi privé sa décision de
base légale au regard des textes précités ;
Mais attendu que constitue un travail effectif, le temps pendant lequel le salarié est tenu de
rester sur le lieu de travail dans des locaux déterminés imposés par l'employeur, peu important
les conditions d'occupation de tels locaux, afin de répondre à toute nécessité d'intervention
sans pouvoir vaquer librement à des occupations personnelles ;
Et attendu qu'ayant constaté que, pendant leur temps de " pause ", les salariés étaient tenus de
demeurer dans les locaux du CEA qualifiés de base-vie, qu'ils pouvaient être appelés à tout
moment pour effectuer des interventions immédiates de sécurité, lesquelles étaient fréquentes,
tant pendant le sommeil que pendant les repas, devaient se conformer aux directives de leur
employeur et rester à sa disposition, de sorte qu'ils ne pouvaient vaquer librement à des
occupations personnelles, la cour d'appel a exactement décidé que cette période constituait un
temps de travail effectif qui devait être rémunéré comme tel ;
D'où il suit que le moyen, qui, en sa deuxième branche, critique des motifs surabondants, n'est
pas fondé pour le surplus ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE les pourvois ;
Condamne le Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne le Commissariat à l'énergie atomique
et aux énergies alternatives à payer à MM. X..., Y..., Z..., A..., B... et G... la somme globale de
2 500 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en
son audience publique du vingt février deux mille treize.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt
Moyen produit par la SCP Célice, Blancpain et Soltner, avocat aux Conseils, pour le
Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives, demandeur au pourvoi n° Z
11-26. 401
PREMIER MOYEN DE CASSATION
Il est fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'AVOIR dit que les 4h30 de pause constituaient
une période de travail effectif et d'AVOIR, en conséquence, condamné le CEA à payer un
rappel de salaire pour la période comprise entre le mois de juin 2003 et celui de mai 2010,
congés payés inclus ;
AUX MOTIFS QUE « sur le temps de pause : que l'article L 3121. 1 du code du travail
dispose : « la durée du travail effectif est le temps pendant lequel le salarié est à la disposition
de l'employeur et se conforme à ses directives sans pouvoir vaquer librement à des
occupations personnelles » ; que l'article L 3121. 2 du même code précise : « le temps
nécessaire à la restauration ainsi que les temps consacrés aux pauses sont considérés comme
du temps de travail effectif lorsque les critères définis à l'article L 3121. 1 sont réunis. Même
s'ils ne sont pas reconnus comme du temps de travail effectif, ces temps peuvent faire l'objet
d'une rémunération prévue par une convention ou un accord collectif de travail ou par le
contrat de travail » ; que les parties s'accordent sur la nature des missions exercées par les
salariés affectés aux FLS ; que les fonctions exercées par les intimés obéissent à des exigences
particulières, et répondent à des contraintes tant législatives que réglementaires imposées au
CEA, en raison de la nature des activités de celui-ci et des risques, notamment nucléaires, liés
à ces activités ; que les missions des formations locales de sécurité ont été définies par une
note de la direction centrale de la sécurité du CEA en date du 1er juin 1994 ; que les missions
exercées par les salariés affectés aux formations locales de sécurité imposent la présence de
ceux-ci sur le site afin de leur permettre une intervention immédiate et efficace ; que les
salariés concernés reçoivent une formation hautement spécialisée, notamment en matière de
risques nucléaires que seul le CEA est en mesure de leur donner. Ils doivent maîtriser les
techniques permettant l'extinction des incendies dans les installations nucléaires de toute
nature (installations de base, installation de bases secrètes et installations classées pour la
protection de l'environnement à caractère radioactif) ; qu'ils sont formés à la protection et au
contrôle des matières nucléaires de même qu'à la protection des installations en contenant. Ils
doivent pouvoir faire face à des situations de tentative de vol ou d'intrusion sur le site, et pour
ce motif, ils sont armés ; qu'ils sont formés également à la prévention des risques particuliers
liés à l'exploitation de salles blanches pour des activités de haute technologie et à l'utilisation
de produits dangereux ; que la nature des missions exercées exige des salariés une
polyvalence réelle ; que pendant leur temps de pause, les salariés intimés sont tenus de
demeurer dans les locaux du CEA. Ils peuvent, en effet, être appelés à tout moment pour
effectuer une intervention. Ils doivent ainsi se conformer aux directives de leur employeur et
rester à sa disposition, de sorte qu'ils ne peuvent vaquer librement à des occupations
personnelles ; que l'organisation du travail des salariés intimés montre que tout est mis en
oeuvre pour qu'ils demeurent sur place : ils disposent d'une cuisine et de dortoirs ; que les
locaux dans lesquels sont situées ces installations sont dénommés « base-vie » ; ils sont
équipés de haut-parleurs qui diffusent les appels d'intervention ; que pendant les temps de
pause où les salariés doivent rester dans les locaux à la disposition de leur employeur, ils sont
soumis au pouvoir disciplinaire de ce dernier ; que les rapports d'intervention que doivent
établir les salariés intimés, font apparaître que les interventions sont fréquentes tant pendant
leurs repas que pendant leur sommeil ; que la circonstance que l'accord d'entreprise du 10
novembre 1999 « relatif au régime de travail des salariés affectés dans les formations locales
de sécurité » prévoit que les temps de repos et de pause n'entrent pas dans le décompte de la
durée de travail effectif est sans incidence, eu égard à la nature des contraintes imposées aux
salariés faisant partie des dites formations locales de sécurité ; que contrairement à ce que
soutient la partie appelante, l'accord en question ne fait nullement référence au système dit
d'équivalence. L'article 2 dudit accord dispose : « la rémunération du temps de présence au
titre des 4 heures 30 de pause et de repos est portée forfaitairement à 65 points, sans que cela
se cumule avec le paiement d'heures supplémentaires du fait d'une intervention éventuelle » ;
que si les salariés affectés aux formations locales de sécurité sont appelés à intervenir pendant
leur temps de pause, l'intervention est rémunérée comme du temps de travail effectif ; que si
les directives 93/ 104 et 03/ 88 permettent des dérogations dans la détermination des temps de
pause, elles n'autorisent pas de dérogation en ce qui concerne leur rémunération ; que la
demande des salariés est fondée ; qu'ils peuvent prétendre à un rappel de salaire dans la limite
des cinq années précédant l'enregistrement de leur demande devant le conseil des
prud'hommes ; que le rappel de salaire inclura la période écoulée depuis la saisine du premier
juge ; que dans leurs demandes, les salariés distinguent les sommes dues au titre du «
contingent 4 heures 30 » de la prime d'ancienneté ; que cette dernière est liée à l'ancienneté
qui, acquise au sein de la Cogema, n'aurait pas été pris en compte ; or, qu'il résulte des pièces
produites, que le contrat de travail de chacun des salariés conclu avec le CEA mentionne le
bénéfice d'une prime d'ancienneté (7 % pour M. X... et 11 % pour M. Y...) appliquée en
exécution de « l'accord groupe CEA » ; que dès lors que ce dernier a pris en considération
l'ancienneté des salariés, la demande des intimés qui ne tient pas compte de cette situation doit
être rejetée ; que le rappel de salaire dû à M. X... s'élève, au vu des pièces produites, à la
somme de 55. 891, 10 €, pour la période de juin 2003 à mai 2010 ; que le rappel de salaire dû
à M. Y... s'élève, au vu des pièces produites, à la somme de 57. 436 € pour la période de juin
2003 à mai 2010 ; que ces sommes incluent les congés payés afférents » ;
ET AUX MOTIFS, À LES SUPPOSER TACITEMENT ADOPTÉS DES PREMIERS
JUGES QUE « Sur les repos non rémunérés : que l'article L3121-1 du code du travail dispose
que « la durée du travail effectif est le temps pendant lequel le salarié est à la disposition de
l'employeur et se conforme à ses directives sans pouvoir vaquer librement à ses occupations
personnelles » ; qu'en l'espèce, Messieurs Patrick X... et Gilles Y... travaillent 24h30
consécutives incluant 4h30 de pause non rémunérée ; qu'ils en réclament le paiement ; que le
C. E. A. soutient que l'article L 3121-1 du code du travail est inapplicable en l'espèce puisque
ces heures correspondent à un temps réel de repos de nuit ; que l'agent ne reçoit aucune
directive de son employeur et peut vaquer à diverses occupations personnelles ; qu'au surplus,
ces 4h30 de pause sont rémunérées par le " forfait repos " sous forme de 65 points de
paiement supplémentaire ; que le Conseil de Prud'hommes de GRENOBLE a, dès l'audience
de conciliation, diligenté une enquête qui a révélé que pendant leur temps de pause, les
salariés ne peuvent sortir de l'entreprise ; que dès lors, ils sont confinés à l'intérieur de
l'entreprise ; que cette décision est imposée par l'employeur afin de pouvoir répondre sans
délai à toute demande d'intervention ; que contrairement à ce que soutient le C. E. A., le
salarié ne peut dès lors vaquer librement à ses occupations personnelles puisqu'il est soumis à
répondre à une mesure d'intervention pour effectuer un travail au sein de l'entreprise ; que
l'argumentaire du C. E. A. selon lequel les salles de repos sont remarquablement aménagées
afin que le salarié puisse vaquer librement à ses occupations personnelles est inopérant ; que
retenir un tel argumentaire aurait des conséquences néfastes pour toute personne salariée ;
qu'en effet ce serait remettre en question le droit de toute personne à effectuer librement toute
occupation personnelle en dehors de son activité salariale, ce qui est contraire au droit le plus
élémentaire dont chacun peut se prévaloir ; qu'en conséquence et conformément au calcul qui
a été fait par les demandeurs, le Conseil allouera à : * Monsieur Patrick X..., la somme de 33.
882, 41 € y compris les congés payés afférents ; * Monsieur Gilles Y..., la somme de 36. 279,
78 € y compris les congés payés afférents ; mais que cependant que les salariés bénéficient
d'une majoration de 65 points dite " forfait repos " en contrepartie de leurs 4h30 de repos non
rémunérées ; que le Conseil dira que ces 4h30 doivent être rémunérées comme du temps de
travail effectif ; que dès lors cette majoration dite " forfait repos " n'a plus lieu d'exister ; Que
conserver ce forfait reviendrait à payer 2 fois les 4h30 de pause ; que par conséquent,
l'employeur devra déduire des sommes allouées à Messieurs X... et Y... l'indû du " forfait
repos " déjà versé et ce dans la limite de la prescription quinquennale » ;
ALORS, D'UNE PART, QU'en vertu de l'article L. 3121-2 al. 2 du Code du travail, le temps
nécessaire à la restauration et le temps consacré aux pauses peuvent ne pas être considérés
comme temps de travail effectif et laisser place à une rémunération prévue librement par les
partenaires sociaux, si l'ensemble des critères de l'article L. 3121-1 du Code du travail ne sont
pas réunis ; qu'en se bornant à affirmer que les salariés restés à disposition ne pourraient «
vaquer à des occupations personnelles » et devraient « se conformer aux directives de
l'employeur », sujétions qui n'existent que dans le cas d'une éventuelle intervention décidée
par le CEA, sans s'expliquer, comme elle y était invitée (conclusions p. 9), sur les dispositions
de l'accord collectif en vertu desquelles de telles interventions en matière de rémunération
n'obéissent pas au régime des pauses et donnent lieu au contraire au versement d'un plein
salaire, la cour d'appel n'a pas caractérisé, pour les temps de pauses et de restauration
proprement dits, la réunion de tous les critères de l'article L. 3121-1 du Code du travail et a
ainsi privé sa décision de base légale au regard des textes susvisés ainsi que de l'article L.
2221-2 du Code du travail ;
ALORS, D'AUTRE PART, QU'il ressort tant de la finalité que du libellé même de leurs
dispositions que les directives 93/ 104 et 03/ 88 ne trouvent pas à s'appliquer à la
rémunération des travailleurs et ne concernent que les prescriptions minimales relatives à la
durée du travail en vue d'améliorer les conditions de vie et de travail des salariés ; qu'en
considérant cependant que lesdites directives ne permettraient aucune dérogation en matière
de rémunération, la cour d'appel a violé par fausse application les textes susvisés ;
ALORS, DE TROISIEME PART ET SUBSIDIAIREMENT, QUE constitue un travail
effectif au sens des articles L. 3121-1 et L. 3121-5 du Code du travail, le temps pendant lequel
le salarié est à la disposition de l'employeur et doit se conformer à ses directives sans pouvoir
vaquer librement à des occupations personnelles ; que constitue au contraire une astreinte la
période pendant laquelle le salarié peut vaquer à des occupations personnelles sans être à la
disposition permanente et immédiate de l'employeur mais a l'obligation d'être en mesure
d'intervenir pour effectuer un travail au service de l'entreprise, la durée de cette intervention
étant considérée comme un temps de travail effectif ; qu'il était constant en l'espèce que
durant les 4h30 de pause litigieuse, les salariés des formations locales de sécurité étaient
hébergés dans des « bases-vie » entièrement aménagées, comprenant notamment cuisine et
dortoirs, où ils pouvaient librement vaquer à des occupations personnelles ; qu'en se fondant,
pour dire que ces périodes constituaient un temps de travail effectif, sur le fait que les salariés
devaient être en mesure d'intervenir en cas de nécessité, ce qui est le propre de l'astreinte, et
sans caractériser autrement en quoi les sujétions imposées aux salariés durant ces périodes les
auraient empêchés de vaquer à des occupations personnelles, la cour d'appel a statué par des
motifs inopérants et a ainsi privé sa décision de base légale au regard des textes précités.
SECOND MOYEN DE CASSATION (SUBSIDIAIRE)
Il est fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'AVOIR dit que les 4h30 de pause constituaient
une période de travail effectif et d'AVOIR, en conséquence, condamné le CEA à payer un
rappel de salaire pour la période comprise entre le mois de juin 2003 et celui de mai 2010,
congés payés inclus ;
AUX MOTIFS QUE « sur le temps de pause : que l'article L 3121. 1 du code du travail
dispose : « la durée du travail effectif est le temps pendant lequel le salarié est à la disposition
de l'employeur et se conforme à ses directives sans pouvoir vaquer librement à des
occupations personnelles » ; que l'article L 3121. 2 du même code précise : « le temps
nécessaire à la restauration ainsi que les temps consacrés aux pauses sont considérés comme
du temps de travail effectif lorsque les critères définis à l'article L 3121. 1 sont réunis. Même
s'ils ne sont pas reconnus comme du temps de travail effectif, ces temps peuvent faire l'objet
d'une rémunération prévue par une convention ou un accord collectif de travail ou par le
contrat de travail » ; que les parties s'accordent sur la nature des missions exercées par les
salariés affectés aux FLS ; que les fonctions exercées par les intimés obéissent à des exigences
particulières, et répondent à des contraintes tant législatives que réglementaires imposées au
CEA, en raison de la nature des activités de celui-ci et des risques, notamment nucléaires, liés
à ces activités ; que les missions des formations locales de sécurité ont été définies par une
note de la direction centrale de la sécurité du CEA en date du 1er juin 1994 ; que les missions
exercées par les salariés affectés aux formations locales de sécurité imposent la présence de
ceux-ci sur le site afin de leur permettre une intervention immédiate et efficace ; que les
salariés concernés reçoivent une formation hautement spécialisée, notamment en matière de
risques nucléaires que seul le CEA est en mesure de leur donner. Ils doivent maîtriser les
techniques permettant l'extinction des incendies dans les installations nucléaires de toute
nature (installations de base, installation de bases secrètes et installations classées pour la
protection de l'environnement à caractère radioactif) ; qu'ils sont formés à la protection et au
contrôle des matières nucléaires de même qu'à la protection des installations en contenant. Ils
doivent pouvoir faire face à des situations de tentative de vol ou d'intrusion sur le site, et pour
ce motif, ils sont armés ; qu'ils sont formés également à la prévention des risques particuliers
liés à l'exploitation de salles blanches pour des activités de haute technologie et à l'utilisation
de produits dangereux ; que la nature des missions exercées exige des salariés une
polyvalence réelle ; que pendant leur temps de pause, les salariés intimés sont tenus de
demeurer dans les locaux du CEA. Ils peuvent, en effet, être appelés à tout moment pour
effectuer une intervention. Ils doivent ainsi se conformer aux directives de leur employeur et
rester à sa disposition, de sorte qu'ils ne peuvent vaquer librement à des occupations
personnelles ; que l'organisation du travail des salariés intimés montre que tout est mis en
oeuvre pour qu'ils demeurent sur place : ils disposent d'une cuisine et de dortoirs ; que les
locaux dans lesquels sont situées ces installations sont dénommés « base-vie » ; ils sont
équipés de haut-parleurs qui diffusent les appels d'intervention ; que pendant les temps de
pause où les salariés doivent rester dans les locaux à la disposition de leur employeur, ils sont
soumis au pouvoir disciplinaire de ce dernier ; que les rapports d'intervention que doivent
établir les salariés intimés, font apparaître que les interventions sont fréquentes tant pendant
leurs repas que pendant leur sommeil ; que la circonstance que l'accord d'entreprise du 10
novembre 1999 « relatif au régime de travail des salariés affectés dans les formations locales
de sécurité » prévoit que les temps de repos et de pause n'entrent pas dans le décompte de la
durée de travail effectif est sans incidence, eu égard à la nature des contraintes imposées aux
salariés faisant partie des dites formations locales de sécurité ; que contrairement à ce que
soutient la partie appelante, l'accord en question ne fait nullement référence au système dit
d'équivalence. L'article 2 dudit accord dispose : « la rémunération du temps de présence au
titre des 4 heures 30 de pause et de repos est portée forfaitairement à 65 points, sans que cela
se cumule avec le paiement d'heures supplémentaires du fait d'une intervention éventuelle » ;
que si les salariés affectés aux formations locales de sécurité sont appelés à intervenir pendant
leur temps de pause, l'intervention est rémunérée comme du temps de travail effectif ; que si
les directives 93/ 104 et 03/ 88 permettent des dérogations dans la détermination des temps de
pause, elles n'autorisent pas de dérogation en ce qui concerne leur rémunération ; que la
demande des salariés est fondée ; qu'ils peuvent prétendre à un rappel de salaire dans la limite
des cinq années précédant l'enregistrement de leur demande devant le conseil des
prud'hommes ; que le rappel de salaire inclura la période écoulée depuis la saisine du premier
juge ; que dans leurs demandes, les salariés distinguent les sommes dues au titre du «
contingent 4 heures 30 » de la prime d'ancienneté ; que cette dernière est liée à l'ancienneté
qui, acquise au sein de la Cogema, n'aurait pas été pris en compte ; or, qu'il résulte des pièces
produites, que le contrat de travail de chacun des salariés conclu avec le CEA mentionne le
bénéfice d'une prime d'ancienneté (7 % pour M. X... et 11 % pour M. Y...) appliquée en
exécution de « l'accord groupe CEA » ; que dès lors que ce dernier a pris en considération
l'ancienneté des salariés, la demande des intimés qui ne tient pas compte de cette situation doit
être rejetée ; que le rappel de salaire dû à M. X... s'élève, au vu des pièces produites, à la
somme de 55. 891, 10 €, pour la période de juin 2003 à mai 2010 ; que le rappel de salaire dû
à M. Y... s'élève, au vu des pièces produites, à la somme de 57. 436 € pour la période de juin
2003 à mai 2010 ; que ces sommes incluent les congés payés afférents » ;
ET AUX MOTIFS, À LES SUPPOSER TACITEMENT ADOPTÉS DES PREMIERS
JUGES QUE « Sur les repos non rémunérés : que l'article L3121-1 du code du travail dispose
que « la durée du travail effectif est le temps pendant lequel le salarié est à la disposition de
l'employeur et se conforme à ses directives sans pouvoir vaquer librement à ses occupations
personnelles » ; qu'en l'espèce, Messieurs Patrick X... et Gilles Y... travaillent 24h30
consécutives incluant 4h30 de pause non rémunérée ; qu'ils en réclament le paiement ; que le
C. E. A. soutient que l'article L 3121-1 du code du travail est inapplicable en l'espèce puisque
ces heures correspondent à un temps réel de repos de nuit ; que l'agent ne reçoit aucune
directive de son employeur et peut vaquer à diverses occupations personnelles ; qu'au surplus,
ces 4h30 de pause sont rémunérées par le " forfait repos " sous forme de 65 points de
paiement supplémentaire ; que le Conseil de Prud'hommes de GRENOBLE a, dès l'audience
de conciliation, diligenté une enquête qui a révélé que pendant leur temps de pause, les
salariés ne peuvent sortir de l'entreprise ; que dès lors, ils sont confinés à l'intérieur de
l'entreprise ; que cette décision est imposée par l'employeur afin de pouvoir répondre sans
délai à toute demande d'intervention ; que contrairement à ce que soutient le C. E. A., le
salarié ne peut dès lors vaquer librement à ses occupations personnelles puisqu'il est soumis à
répondre à une mesure d'intervention pour effectuer un travail au sein de l'entreprise ; que
l'argumentaire du C. E. A. selon lequel les salles de repos sont remarquablement aménagées
afin que le salarié puisse vaquer librement à ses occupations personnelles est inopérant ; que
retenir un tel argumentaire aurait des conséquences néfastes pour toute personne salariée ;
qu'en effet ce serait remettre en question le droit de toute personne à effectuer librement toute
occupation personnelle en dehors de son activité salariale, ce qui est contraire au droit le plus
élémentaire dont chacun peut se prévaloir ; qu'en conséquence et conformément au calcul qui
a été fait par les demandeurs, le Conseil allouera à : * Monsieur Patrick X..., la somme de 33.
882, 41 € y compris les congés payés afférents ; * Monsieur Gilles Y..., la somme de 36. 279,
78 € y compris les congés payés afférents ; mais que cependant que les salariés bénéficient
d'une majoration de 65 points dite " forfait repos " en contrepartie de leurs 4h30 de repos non
rémunérées ; que le Conseil dira que ces 4h30 doivent être rémunérées comme du temps de
travail effectif ; que dès lors cette majoration dite " forfait repos " n'a plus lieu d'exister ; Que
conserver ce forfait reviendrait à payer 2 fois les 4h30 de pause ; que par conséquent,
l'employeur devra déduire des sommes allouées à Messieurs X... et Y... l'indû du " forfait
repos " déjà versé et ce dans la limite de la prescription quinquennale » ;
ALORS QU'un horaire d'équivalence peut découler, en dehors du cas où il est prévu par un
décret conformément aux dispositions de l'article L. 212-4 alinéa 5 devenu L. 3121-9 du Code
du travail, d'une convention ou d'un accord dérogatoire conclu en application de l'article L.
212-2 du même Code dans sa rédaction antérieure à la Loi n° 2000-37 du 19 janvier 2000 loi
« AUBRY II », une telle convention ou un tel accord pouvant être, d'une part, une convention
de branche ou un accord professionnel ou interprofessionnel étendu, d'autre part, une
convention ou un accord d'entreprise ou d'établissement soumis aux dispositions de l'article L.
132-26 devenu L. 2232-21 et suivants du Code du travail ; qu'il résulte, par ailleurs, de
l'article 28 de la Loi n° 2000-37 du 19 janvier 2000 que les clauses des accords conclus en
application des dispositions de la Loi n° 98-461 du 13 juin 1998 loi « AUBRY I » continuent
à produire leurs effets jusqu'à la conclusion d'un accord collectif s'y substituant ; qu'en
l'espèce, le CEA avait fait valoir (conclusions, pages 20 et suivantes) que selon l'accord
d'entreprise en date du 10 novembre 1999, conclu en application de la Loi AUBRY I et
conforme à la réglementation alors en vigueur, les temps de repos et de pause n'entrent pas
dans le décompte de la durée de travail effectif de telle sorte qu'à supposer même que ces
périodes eussent constitué une période de travail, l'accord collectif aurait alors dû s'analyser
comme instaurant un horaire d'équivalence, de façon valable dès lors qu'il s'agissait d'un
accord d'entreprise soumis aux dispositions de l'article L. 132-26 devenu L. 2232-21 et
suivants du Code du travail ; qu'en déclarant, pour rejeter ce moyen de défense, que l'accord
d'entreprise en date du 10 novembre 1999 n'instaurait pas un système d'équivalence, la cour
d'appel a violé par fausse interprétation ledit accord et par refus d'interprétation, l'article L.
212-2 du Code du travail dans sa rédaction applicable à l'espèce ainsi que l'article 28 de la Loi
n° 2000-37 du 19 janvier 2000.