Laïcité dans l’enseignement supérieur : des régressions travesties en avancées.
Dans les débats actuels sur les questions de laïcité dans l’enseignement en France, il est peu souvent question des universités. Le rapport d’étape sur les travaux de l’Observatoire de la laïcité[1] (25 juin 2013) ne les évoque pas, les jugeant sans doute non prioritaires. Le projet de rapport du Haut commissariat à l’intégration[2] (août 2013) traite quant à lui des problèmes posés par les tensions d’origine religieuse vécues dans un certain nombre d’universités et fait 12 propositions pour étendre à l’université les principes laïques de neutralité dans un service public, de monopole de l’État dans la collation des grades et de clarté dans l’attribution de locaux aux associations étudiantes. Mais le tableau n’est pas complet car il n’évoque pas la situation des deux universités publiques de Strasbourg et de Nancy au sein desquelles sont financées des facultés religieuses (catholiques et protestante) qui servent depuis des décennies de terrain d’expérience à une stratégie éducative antilaïque. Cette politique s’inspire de deux tendances contemporaines profondes, qui sont d’une part la volonté des autorités religieuses de reconquérir le terrain perdu et d’imposer la reconnaissance d’un système politico-religieux, et, d’autre part, le modèle libéral européen de privatisation des institutions d’enseignement supérieur. Les questions soulevées renvoient à la liberté de l’enseignement, à la liberté de la recherche ainsi qu’au statut des religions dans l’espace public. Elles touchent directement les missions de l’université.
L’actualité récente nous fournit plusieurs preuves de ces offensives que le présent article se propose d’analyser et de mettre en perspective. Ces régressions, que tous les laïques ne peuvent que dénoncer et qu’ils doivent contrecarrer, s’appuient sur modèle archaïque paré aujourd’hui de toutes les vertus de la modernité, celui de l’Université de Strasbourg qui annonce haut et fort qu’elle est « unique en France » dans son genre, parce qu’elle a en son sein deux facultés de théologie.
L’université de Strasbourg est en effet restée le coin enfoncé dans le socle de la laïcité depuis 1919. L’Alsace et la Moselle annexées par l’Allemagne entre 1870 et 1918, n’ont connu aucune introduction des lois importantes laïques françaises de cette époque : ni celle de 1875 recréant les universités françaises, ni celles de Jules Ferry concernant l’école, ni celles de 1905 concernant le statut des cultes. Elles sont restées, sous la pression des notables alsaciens et des cléricaux français dépêchés à Strasbourg, en dehors de la loi commune, dans un système hétéroclite, confus et dépassé de vieilles lois françaises auxquelles se sont ajoutées des lois allemandes cléricales. L’université de Strasbourg est devenue en 1919 un des éléments du dispositif clérical destiné à servir de point d’appui pour une éventuelle reconquête. Elle entretient en effet des rapports organiques avec les cultes catholique et protestants en formant, grâce à des maîtres salariés de l’État, les ministres des cultes, les enseignants de religion (matière obligatoire de l’enseignement primaire) et en finançant des recherches à base dogmatique. Le provisoire (car en 1919 on envisageait de mettre un terme à l’exception), s’est installé. Il a même essaimé, puisqu’une antenne de théologie catholique a été formée à l’université de Metz en 1965, avant le rattachement du département de la Moselle à l’Académie de Nancy (1970) et qu’aujourd’hui la nouvelle Université de Lorraine, après la fusion de l’Université de Nancy avec celle de Metz, se trouve obligée de gérer un département de théologie catholique. La question de fond renvoie à la place des religions dans la sphère politique, autrement dit à leur reconnaissance par l’État. Cette question, jusqu’à présent cantonnée discrètement à l’Alsace-Moselle, resurgit aujourd’hui à propos de l’islam à l’échelle nationale. L’angle sous lequel elle est abordée et les solutions avancées méritent qu’on en décrypte les enjeux et les mécanismes.
Cet article entend éclairer le public sur la situation qui résulté de cette politique d’exception et l’avertir des menaces qui pèsent sur les universités françaises. Il n’entend pas attaquer des personnes mais une institution. Seuls seront désignés par leurs noms les auteurs d’articles référencés. Les autres personnes seront désignées par leur fonction.
Les sources sont fournies par les chiffres officiels et les sites de l’université. elles ne sont pas toujours facile d’accès car la fusion des trois universités a complexifié l’administration. Les données mises en ligne relèvent assez souvent de la communication plutôt que de l’information. Elles ne sont ni homogènes ni actualisées régulièrement. Les omissions, les non-dits et les propos sibyllins sont nombreux.
1 La création des facultés de théologie à Strasbourg de 1872 à 1918 : des initiatives politiques allemandes
La structuration de l’université de Strasbourg relève de la politique allemande menée en Alsace de 1870 à 1918. Cette politique s’est établie en deux temps. Dans une première étape, les Allemands ont admis, en créant la Kaiser Wilhelms Universität de Strasbourg en 1872, l’existence d’une faculté de théologie protestante. Ils l’ont fait compte tenu des origines de l’université de Strasbourg et surtout conformément à leur système universitaire, dans lequel les universités étaient catholiques ou protestantes, selon les régions de l’empire. Cette faculté de théologie protestante tenait lieu de Séminaire. Y étaient formés les ministres des cultes des deux principales branches du protestantisme, calviniste et luthérienne. Chaque consistoire veillait à la nomination des pasteurs, comme cela était le cas dans les autres facultés de théologie protestante allemandes.
La deuxième étape fut celle de la création de la faculté de théologie catholique, en 1903. Ce fut une manœuvre politique destinée à satisfaire le parti catholique allemand Zentrum, bien implanté en Alsace, afin de ramener les Alsaciens à des sentiments moins hostiles à l’égard de l’Empire. L’assentiment au sujet de la création de cette faculté n’était pas gagné d’avance car ni les autorités religieuses, romaines et locales, ni l’université n’en voulaient, chacune restant attachée à son indépendance et voyant d’un mauvais œil les tentatives d’ingérence de l’autre partie. La faculté catholique fut imposée à la Kaiser Wilhelms Universität de Strasbourg. L’affaire provoqua d’ailleurs de grands remous dans toute la société allemande et engendra même une pétition, lancée par l’historien Theodor Mommsen, dénonçant les procédés utilisés contre les libertés universitaires allemandes.
Les négociations avec le Saint-Siège avaient abouti le 5 décembre 1902 à une convention[3] comportant plusieurs textes. Le premier est la reconnaissance par le Vatican de la création d’une faculté de théologie catholique à Strasbourg ; vient ensuite l’acceptation allemande, puis la Professio fidei ou rappel des conventions signées précédemment par les universités allemandes de Bonn et de Breslau, dans lesquelles sont énoncées les prérogatives que s’attribue le Vatican (droit de veto de l’évêque sur les nominations des professeurs, contrôle par l’évêque des lectures, des enseignements et des comportements des professeurs), et enfin, signé en septembre 1903 seulement, le bref papal en latin « Cum venerabilis », qui reconnaît la valeur canonique des diplômes délivrés à la faculté de théologie catholique de Strasbourg. Par ailleurs, le nombre de postes créés à la nouvelle faculté étant insuffisant, une clause secrète prévoyait que deux postes, de philosophie et d’histoire, seraient attribués à des professeurs catholiques de la faculté des lettres, afin de garantir une formation des futurs ministres du culte catholique conforme aux canons ecclésiastiques. La surveillance des contenus de l’enseignement était donc très étroite et s’imposait même aux non théologiens, à leur insu. D’où le scandale quand l’affaire s’ébruita.
Les discussions avec les papes Pie X puis Benoît XV avaient duré longtemps : le pape ne voulait pas d’ingérence universitaire dans les affaires de formation des prêtres et avait refusé d’abandonner le principe du Séminaire. L’université ne dispensait donc que les cours théoriques. Les cours pratiques étaient donnés au Grand Séminaire de Strasbourg.
Par rapport au concordat napoléonien[4], qui encadrait étroitement la nomination des évêques, réglementait la formation des prêtres dans les Séminaires, le Saint-Siège venait de renverser la situation et de reprendre la main. La convention papale était l’opposé du concordat gallican.
La création de la faculté catholique se fit à la rentrée 1903. En 1918, la faculté de théologie catholique avait tout au plus 15 ans. Il n’est donc pas juste de parler aujourd’hui, comme le fait le doyen de théologie catholique Jean-Pierre Wagner[5], de la longue tradition de « la » théologie à l’université de Strasbourg, sinon pour désigner la théologie protestante.
2 Le coup de force du parti catholique en 1919
Rien ne change en Alsace en 1918 : le parti du Zentrum devient celui de l’Union populaire républicaine (UPR). Il impose le statu quo. L’harmonisation des lois allemandes et françaises est entreprise dans tous les domaines sauf les questions laïques, qui restent ainsi taboues. On comprend mieux comment les choses se sont passées quand on sait que le chef de l’ancien Zentrum est le chanoine Eugène Muller, professeur de théologie catholique, député au Landtag allemand et bientôt député français du Bloc national (novembre 1919). C’est lui qui se charge d’accueillir les membres de la mission universitaire venue sur place de Paris en novembre 1918 pour faire l’état des lieux et prendre possession de l’université. En France, les adversaires des lois laïques de 1905 n’ont pas désarmé et voient dans la situation alsacienne une position de repli pleine de promesses. Ils ont des alliés puissants dans la personne d’Alexandre Millerand, qui est Commissaire général d’Alsace et de Lorraine avant de devenir président de la République et qui charge Louis Canet, catholique fervent, de négocier avec le Vatican. En octobre 1919, le Conseil d’université décide que les deux facultés de théologie font partie de l’université, pour ne pas faire surgir en public la question laïque. C’est un véritable coup de force : la Conférence d’Alsace-Lorraine qui avait travaillé régulièrement depuis 1915 sur les conditions de la réouverture de l’université de Strasbourg, s’était prononcée unanimement, dans un rapport publié en 1917 (Rapport Pfister [6]), pour la suppression de la faculté de théologie catholique, vu que ni l’évêché ni l’université n’en voulaient, et pour la création d’un Séminaire libre protestant en dehors de l’université lui aussi. Le Saint-Siège, quant à lui, avait dénoncé l’accord signé avec l’Allemagne. Les négociations avec le Saint-Siège aboutissent en 1924 à une reprise de la convention allemande, hormis les clauses secrètes, devenues inutiles puisque la faculté catholique obtient des postes supplémentaires et n’oblige plus les théologiens à suivre des cours à la faculté des lettres.
La présence, à la faculté de droit, de juristes spécialistes de droit canon permet même de créer dès 1920 un Institut de droit canonique, dont les diplôme seront reconnus par le Saint-Siège en 1924.
L’année 1924 est une année charnière. Le 30 mai, la convention avec le Saint-Siège est mise en place par le président de la République, Alexandre Millerand. En juin, dès la victoire du Cartel des gauches, Édouard Herriot annonce la fin prochaine de la situation provisoire dans les trois départements non encore laïques mais doit reculer devant la menace autonomiste de l’Alsace. L’Université de Strasbourg reste en dehors de la bataille politique et religieuse. Rien ne bouge.
3 Les facultés de théologie aujourd’hui
En septembre 1939, l’Université de Strasbourg est repliée, hommes et biens, à Clermont-Ferrand. Durant l’occupation, les nazis tentent de la décapiter en organisant des rafles et des déportations de professeurs et d’étudiants. A la rentrée de novembre 1945, elle est réinstallée à Strasbourg, à l’image de ce qu’elle était avant la guerre. On ne touche à rien. En 1965, une antenne de la faculté de théologie catholique de Strasbourg ouvre à l’Université de Metz. En 1969, l’université de Strasbourg éclate en trois entités distinctes (lettres, sciences et droit). Les deux facultés de théologie appartiennent à l’Université des lettres et sciences humaines. Elles y ont un poids très important. A deux reprises des théologiens protestants sont élus présidents. En 2009, l’université de Strasbourg se réunifie. Un peu plus tard, c’est le tour des universités de Metz et de Nancy. Rien n’a changé. Le texte de 1923 est toujours en vigueur, quoique jamais évoqué dans ses fondements que sont le contrôle exigeant et la pression de l’évêché.
a) La faculté de théologie catholique de Strasbourg
Les deux facultés de théologie fonctionnent sur un modèle particulier. Les sections du Conseil national des universités pour la théologie catholique et la théologie protestante sont réglementées par le décret 85-1200 du 13 novembre 1985. Elles se réunissent au rectorat de Strasbourg, sous la présidence du recteur représentant le ministre. Les théologiens catholiques relèvent de la section 76, les théologiens protestants de la section 77. Les textes sont muets sur les instances religieuses qui président aussi aux choix, selon la convention de 1923 et les articles organiques. La nouveauté par rapport au passé est la féminisation des recrutements, qui permet la parité au sein des commissions et une minimisation des cumuls de fonctions ecclésiastique et universitaire, les femmes ne pouvant être prêtre diocésain par exemple.
La section 76 du Conseil national des universités
La section 76 du Conseil national des universités gère la faculté de théologie catholique de Strasbourg et le centre de pédagogie religieuse de Metz. Elle comprend aujourd’hui 11 professeurs, dont 7 appartiennent à la faculté de théologie catholique de Strasbourg, 2 au Centre de pédagogie religieuse de Metz et 2 extérieurs à ces composantes (1 directeur de recherches du CNRS d’un laboratoire strasbourgeois et 1 professeur de la faculté des lettres de l’Université de Strasbourg), et 8 maîtres de conférences, dont 4 de la faculté de théologie catholique de Strasbourg et 1 du Centre de Metz et 3 de composantes de l’Université de Strasbourg (1 maître de conférences de lettres, 1 maître de conférences de philosophie et 1 maître de conférences de langues). La composition de cette section est, par la force des choses, éminemment strasbourgeoise et messine. La section se prononce sur les qualifications et l’avancement, comme dans les autres sections CNU. Elle se prononce aussi sur la création de postes, ce qui est inhabituel au Conseil national des universités.
Les propositions de recrutement se font au sein de comités composés ad hoc pour chaque poste à pourvoir. Le Conseil d’administration A l’université avalise la composition de chaque comité. Les comités catholiques ont gardé un statut dérogatoire très particulier. Leurs propositions doivent être avalisées d’une part par le CA restreint de l’université et par les autorités ecclésiastiques. Le droit de veto appartient donc à l’Église, qui est extérieure à l’université, alors que dans les composantes à statut dérogatoire, il appartient au directeur de la composante, comme par exemple un directeur d’Institut universitaire de technologie (IUT) ou un directeur d’Institut d’études politiques (IEP). Les nouvelles procédures n’ont pas restreint le droit de regard de l’évêché. En définitive, ce n’est donc pas l’université qui décide des recrutements.
Les postes
Les postes d’enseignants de la faculté de théologie catholique de Strasbourg se répartissent ainsi : 14 postes de professeurs, 11 postes de maîtres de conférences). Pour le droit canonique : 2 postes de professeurs, 2 postes de maîtres de conférences), sciences bibliques (2 postes de professeurs, 4 postes de maîtres de conférences, pour la philosophie : 2 postes de professeurs, pour la théologie systématique : 2 postes de professeurs, 1 poste de maître de conférences, pour l’histoire : 3 postes de professeurs, 2 postes de maîtres de conférences, pour la théologie morale : 2 postes de professeurs. La faculté fait en outre appel à 9 vacataires.
L’offre de formation
A l’origine, les cursus proposés par les deux facultés de théologie correspondaient aux dénominations ecclésiastiques : le baccalauréat de théologie correspondait à quatre ans d’études universitaires, la licence à six ans. Au fil des réformes appliquées aux universités françaises, les choses ont évolué. Lorsque le système LMD (Licence en 3 ans, master en 2 ans, doctorat en 3 ans) issu de l’accord intitulé « processus de Bologne » s’est mis en place en Europe, la faculté de théologie catholique s’y est adaptée. Les étudiants peuvent s’inscrire en licence de théologie (trois années), en master (master de Théologie catholique, master de Droit canonique, ou master Sciences et droit des religions). Lorsqu’ils s’inscrivent en doctorat, ils relèvent de l’école doctorale de théologie et sciences religieuses (ED 270), commune aux deux facultés de théologie de Strasbourg.
Les étudiants intéressés par le droit canonique s’inscrivent directement en 3ème année de licence de droit canonique, à condition d’avoir déjà des diplômes de théologie. Ils suivent 2 semestres de cours spécifiques. Ils peuvent poursuivre par un master de droit canonique, puis un doctorat.
D’autres diplômes d’université sont proposés : le diplôme supérieur de théologie catholique, qui se prépare en 2 ans (DSTC), le certificat d’aptitude à l’enseignement religieux (CAPER), le certificat supérieur de pédagogie religieuse (CSPR), le diplôme supérieur d’études universitaires (DESU), le diplôme supérieur de théologie catholique (DSTC), le diplôme universitaire « découverte du christianisme » (DUDC), le diplôme universitaire de formation en action pastorale (DUFAP).
Les théologiens catholiques se sont emparés très tôt, dès 1977, des ressources offertes par la l’enseignement à distance. Elles permettent d’inscrire un grand nombre d’étudiants résidant hors d’Alsace et même hors de France. Les inscrits par correspondance représentent 90% des effectifs de la faculté. C’est à ce niveau que joue efficacement le caractère national des diplômes délivrés par les facultés de théologie de Strasbourg. Les effectifs étudiants sont les suivants pour l’année 2012/2013.
Capacité-DAEU (diplôme d’accès à l’enseignement universitaire) : 5
Licence : 261
Master : 88
Diplôme d’université : 62
Échanges internationaux : 2
Doctorat : 80
Total : 498
On note la part très importante des inscrits à distance par rapport à ceux qui sont « en présentiel » dans les statistiques : près de 200 étudiants sur un total de 261 inscrits en licence. D’après le doyen, le public de la faculté est surtout composé d’étudiants étrangers et d’étudiants formés à d’autres disciplines. Ces derniers sont souvent déjà engagés dans la vie professionnelle et forment la cohorte des inscrits dans les filières non diplômantes.
Le taux d’encadrement des étudiants serait donc de 25 enseignants pour 500 étudiants.
La recherche
Chaque faculté a constitué des structures de recherche en son sein. Ce sont en général des équipes d’accueil. Il y a aussi des groupes de recherche qui réunissent des théologiens et des « profanes ».
A la théologie catholique correspond l’équipe d’accueil EA 4377. Elle regroupe 30 enseignants chercheurs et une soixantaine de doctorants. Elle travaille sur 4 axes : Équipe de Recherche en Exégèse biblique, Équipe de recherche sur l'Antiquité chrétienne, Équipe de recherche sur le catholicisme en Alsace-Lorraine, Centre d'études et de recherches interdisciplinaires en Théologie. La faculté s’inscrit dans un réseau international d’institutions universitaires catholiques.
b) Le Centre autonome d’enseignement et de pédagogie religieuse de Metz (CAEPER)
Une antenne de la faculté de théologie catholique de Strasbourg avait été ouverte à Metz en 1965 pour préparer les candidats aux fonctions d’enseignants de religion. Au moment du rattachement du département de la Moselle à l’académie de Nancy, en 1970, le département est devenu Centre autonome d’enseignement et de pédagogie religieuse de l’Université Paul Verlaine de Metz. Une convention avec le Saint-Siège a été signée, sur le modèle de celle de Strasbourg, le 25 mai 1974. Le Centre est aujourd’hui un département intégré à l’Unité de formation et de recherche (UFR) des sciences humaines et arts de l’Université de Lorraine. Il est uniquement catholique, bien que son nom ne l’indique pas. Il « relève à la fois du diocèse et de l’Université de Metz ». Il affiche sa fonction sur le site de l’université, mais ne donne aucune information concrète sur ces liens avec l’évêché. Notons cependant que depuis la création du Centre les cours sont dispensés dans les locaux du Grand Séminaire, que l’évêque de Metz met à la disposition de l’université.
Les postes
Il y a 3 professeurs et 4 maîtres de conférences, 2 attachés temporaires d’enseignement et de recherche (ATER) et 23 intervenants chargés de cours.
L’offre de formation
Dans le cadre Licence-Master-Doctorat (LMD), les étudiants de première année du master Théologie et anthropologie philosophique suivent des cours mutualisés avec le master de philosophie. En deuxième année ils choisissent entre deux mentions : « Théologie et philosophie » et « Théologie et spiritualité ». Le pôle TELL (Temps, espace, lettres, langues) est un des dix axes de recherche de l’Université de Lorraine. L’école doctorale Fernand Braudel accueille les doctorants de théologie de Metz au sein du centre de recherche interdisciplinaire Écritures (équipe d’accueil EA 3943).
Comme à Strasbourg, le certificat d’aptitude à l’enseignement religieux (CAPER) peut être préparé à Metz par ceux qui veulent devenir intervenants en enseignement religieux dans l’enseignement primaire et secondaire.
Les effectifs étudiants ne sont pas communiqués sur le site de Metz. Il y a 9 inscriptions en thèse, selon les chiffres de l’EA 3943. Le site web indique 4 diplômés en 2006 et 10 en 2009. Les autres informations fournies sur le site ne sont pas interprétables (par exemple le tableau sur la situation des étudiants l’année suivant leur diplôme : quelle année, quel diplôme ?).
La recherche
Pour ce qui concerne la recherche, l’équipe d’accueil Écritures héberge les théologiens dans 5 groupes de travail, justifiés par le recentrage du laboratoire sur les relations entre la littérature et le phénomène religieux : antiquité tardive et théologie patristique, mystiques rhénans, le christianisme et ses héritages, littérature et bible, littérature et sacralisation mémorielle.
Notons que la fusion avec l’Université de Nancy a entraîné des tensions au moment de la création des « collegiums », du fait du caractère confessionnel prosélyte des enseignants du Centre. Finalement, le maintien de la théologie catholique au sein de l’université publique de Lorraine a été acquis, mais cantonné à Metz.
c) La faculté de théologie protestante
La section 77 du Conseil des universités (CNU)
Les théologiens protestants relèvent de la section CNU 77. Elle comprend aujourd’hui 7 professeurs, dont 6 théologiens de la faculté de théologie protestante de Strasbourg et un professeur extérieur de Paris IV, et 8 maîtres de conférences, dont 5 théologiens de la faculté, 2 d’autres composantes de l’Université de Strasbourg (philosophie et langues) et 1 maître de conférences d’anglais de l’IUT de Colmar.
Les protestants ont décidé de se passer de l’avis des consistoires ou des nouvelles instances unifiées des Églises calviniste et luthérienne. Cela relève de leur règlement intérieur, non des articles organiques qui sont le socle officiel de leur existence et qui n’ont pas été modifiés[7]. L’autonomie revendiquée doit d’ailleurs être nuancée par le fait que les doubles carrières existent chez les protestants comme chez les catholiques. L’actuel président de l’Union des Églises protestantes d’Alsace est l’ancien doyen de la faculté de théologie.
Les postes
La faculté de théologie protestante de l’Université de Strasbourg compte 22 enseignants, dont 16 professeurs et 6 maîtres de conférences. Les postes sont répartis en disciplines bibliques (4 professeurs, 2 maîtres de conférences), disciplines historiques (4 postes de professeurs, 2 postes de maîtres de conférences), disciplines systématiques (3 postes de professeurs, 3 postes de maîtres de conférences) et disciplines pratiques (5 postes de professeurs).
L’offre de formation
La faculté s’est constituée elle aussi sur la base LMD (licence en 3 ans, master en 2 ans et doctorat).
Les étudiants de licence ont le choix entre la mention « Licence fondamentale » et la mention « Licence appliquée de théologie protestante ».
Dans le master de Théologie protestante, les étudiants doivent choisir entre deux parcours, celui de « Sciences religieuses » et celui de « Théologie fondamentale ».
Le doctorat se prépare au sein de l’École doctorale commune avec la théologie catholique, l’École doctorale de théologie et sciences religieuse (ED 270).
La faculté offre des unité d’enseignement libres et des cours communs avec les facultés de philosophie, théologie catholique et histoire. Deux DU (diplômes d’université) de « Culture religieuse » et de « Langues bibliques » sont proposés. Il existe aussi un Centre de formation théorique et pratique.
Les effectifs des étudiants de la faculté de théologie protestante sont les suivants, selon le site actuel :
Licence : 117
Master I et 2 : 39
Diplôme d’université : 61
Échanges internationaux : 3
Doctorat : 48
Total : 268
Le ratio d’encadrement des étudiants (22 enseignants dont 16 PR pour 236 étudiants), est d’un professeur pour 10 étudiants. Il y a aussi un attaché temporaire d’enseignement et de recherche (ATER)
La recherche
A la théologie protestante correspond l’équipe d’accueil EA 4378. Elle est composée d’une trentaine de chercheurs qui se répartissent en 4 axes : 1) Les textes de référence, 2) Histoire du christianisme, 3) Dogmatique, œcuménisme et théologie pratique, 4) Sociologie des religions et éthique sociale. La faculté entretient elle aussi des relations avec des facultés de théologie étrangères. Une quarantaine de conventions ont été signées. Les résultats des travaux sont publiés dans des revues religieuses mais pas seulement. La notoriété des travaux sur les textes bibliques menés par les théologiens protestants s’étend au-delà des cercles religieux. La collaboration avec les institutions de recherche nationales est fréquente.
La recherche interdisciplinaire
Un certain nombre de théologiens, catholiques et protestants, sont aussi insérés dans des équipes de recherche extérieures à leur faculté. Le groupement d’intérêt scientifique (GIS) « Scirthes » (Sciences des religions et théologies à Strasbourg) regroupe des chercheurs de deux établissements, le CNRS et l’Université de Strasbourg. Il a été créé en 2010. Il est centré sur le « fait religieux » et annonce couvrir l’ensemble des disciplines concernées par ce programme, y compris les sciences expérimentales, technologiques et de santé. Il est dirigé par un juriste et un théologien catholique. Il est hébergé à la Maison des sciences de l’homme d’Alsace (MISHA).
L’Unité mixte de recherche UMR 7354, créée en janvier 2013, elle aussi hébergée à la Maison des sciences de l’homme d’Alsace s’intitule « Droit, religions, entreprise et société » (DRES). Dirigée par un théologien catholique, elle associe des chercheurs de diverses disciplines (droit, sociologie, philosophie, théologie) et comprend 4 axes : 1) « La laïcité et le droit en Europe », qui annonce clairement travailler sur « le droit conventionnel comme outil des droits des relations Religions/État », 2) « Les relations religions/Etats sous l’influence du droit européen », 3) « Droit canonique, dimensions historiques et problèmes actuels » et 4) « Droit interne des religions ». A cette UMR sont adossés les masters « Islamologie, droit et gestion » et le master de « Droit canonique ». Le DRES a obtenu un financement européen dans le cadre de l’appel d’offre du 7ème Programme pour un projet intitulé « Pluralisme religieux et sécularisation en Europe (RELIGARE) ». La commission de Bruxelles a en effet décidé qu’en ce qui concerne les sciences humaines et sociales, les études religieuses seraient un objectif à financer prioritairement, pour favoriser l’intégration européenne.
Le Centre européen d’étude et de recherche sur l’éthique (CEERE) est une plate-forme interdisciplinaire en liaison avec l’université. Il est dirigé par un professeur de théologie catholique. C’est à ce centre qu’est adossé le master « Ethique », qui ne dépend d’aucune faculté.
La tendance est donc d’intégrer la « recherche » théologique dans les structures de l’université publique. Vers quel compromis veut-on aller sinon la reconnaissance permanente des institutions religieuses dans les affaires universitaires ?
d) La formation des maîtres à l’École supérieure du professorat et de l’éducation (ESPE)
Dans les années 20, les candidat(e)s aux Écoles normales d’instituteurs qui n’avaient pas de note en religion ne pouvaient être admis car toutes les Écoles normales étaient confessionnelles, de même que les postes. Les choses ont changé lentement. Le Syndicat national des instituteurs (SNI) a mené un grand combat et a gagné en 1974 le droit pour les maîtres d’être dispensés de l’obligation d’enseigner la religion. Depuis 1980, les postes ne sont plus confessionnels. Durant la période de fonctionnement des Instituts universitaires de formation des maîtres (IUFM), les cours de religion étaient toujours offerts aux étudiants et enseignants en formation. Des cours sur la « laïcité » aussi, portant sur les religions, l’interculturalité, le concordat etc. Depuis la rentrée de 2013, la nouvelle structure, l’École supérieure du professorat et de l’éducation (ESPE) est rattachée à l’université.
Offre de formation religieuse pour les étudiants de toutes les licences
L’ESPE propose à tous les étudiants de licence inscrits à l’Université de Strasbourg, dans le cadre de l’Unité d’enseignement obligatoire « Projet professionnel personnel », des Unités d’enseignement « optionnelles à choix larges », dont l’une s’intitule « Questions morales et religieuses - 1er et 2nd degrés ». Les cours sont organisés chaque semestre et les étudiants peuvent les suivre dès leur deuxième semestre de licence. Les enseignants chargés de cette UE sont un enseignant de religion catholique et un enseignant de religion protestante. Pour faciliter l’accès à cette formation, les cours sont dispensés sur le campus central de l’université et non dans les locaux de l’ESPE, situés à quelques stations de tram.
Le livret de l’étudiant[8] annonce : 24 heures de cours magistraux, dispensés par deux enseignants de religion, l’un catholique, l’autre protestant.
Le contenu de l’UE annonce 3 axes :
« 1) Des clés pour décoder les phénomènes religieux actuels et leurs univers symboliques.
2) A la rencontre des grandes religions : dans le monde, en France et en Alsace.
3) Le quotidien religieux des enfants : dans la famille, à l’école et dans la société. »
Les modalités de contrôle des connaissances se font sur un dossier thématique et deux évaluations orales de 20 minutes au cours des séances.
On constate que le mot même de laïcité n’apparaît pas dans le descriptif des cours, ni celui d’athéisme, d’agnosticisme, ni même de philosophie. C’est après tout normal, puisqu’il s’agit d’un enseignement religieux. On constate aussi le caractère régional de ces cours de religion : du monde à l’Alsace, les communautés se rétrécissent.
La formation des maîtres de l’école primaire : l’Unité d’Enseignement 32
Au niveau de la deuxième année du Master professionnel d’enseignement polyvalent du 1er degré, il y a une Unité d’enseignement obligatoire (UE 32) intitulée « Comprendre et prendre en compte la diversité des élèves ». Cette UE comporte trois modules, les deux premiers concernent les handicaps et les difficultés comportementales, le troisième est religieux : « Prendre en compte la diversité culturelle et religieuse à l’École ». L’enseignement est assurée par un professeur de religion catholique.
Le descriptif des cours est le suivant (y compris les points de suspension) :
« 3.1 Études des conditions historiques qui ont conduit à la diversité culturelle et religieuse à l’école, à travers l’histoire de l’immigration depuis le XIXème siècle.
3.2 L’enfant à la lumière des religions monothéistes : identité, calendrier, fêtes, rites, règles... Interférences avec la vie de la classe...
3.3 L’heure de religion à l’école : la 24ème heure en Alsace et Lorraine, ses objectifs, les compétences à atteindre, son articulation avec les 23 autres heures...
3.4 L’éducation au vivre ensemble et à la solidarité : un contexte, des choix, des valeurs, des pratiques, des outils... »
C’est une façon de réduire les choix philosophiques aux religions officielles, de stigmatiser l’islam renvoyant à la main d’œuvre coloniale (3.1), de lier la religion aux matières scientifiques (3.3), de confondre la Moselle avec la Lorraine (3.3). Dans cette UE qui est censée aborder les différences culturelles, où est la place des penseurs des Lumières, de l’apport des libres-penseurs, des francs-maçons, des athées etc. ?
Par ce biais de la formation des maîtres, en licence générale aussi bien qu’en master professionnel, la question du statut scolaire local est désormais intégrée étroitement au système universitaire. C’est nouveau. La laïcité est abandonnée au profit d’une conception de la société fondamentalement religieuse et régionaliste-ethnique.
Les organisations laïques peuvent toutefois espérer que la Charte laïque qui doit être affichée dans les établissements scolaires publics, deviendra l’occasion d’y révéler les contradictions de l’enseignement public actuel. Les autorités religieuses, que Mme le recteur a cru bon de consulter, et elles seules, avant d’annoncer l’affichage de la charte avant la Toussaint, ont fait savoir, dans la presse[9], que la charte ne changerait rien, surtout pas l’article 11 sur la neutralité des enseignants, car le statut des enseignants de religion, « est autre » que celui des autres maîtres, selon M. Christian Kratz, évêque auxiliaire de Strasbourg. C’est exact, ce sont des agents de l’État nommés par les Églises et l’explication de la Charte ne leur sera pas confiée, du moins faut-il l’espérer. Mais c’est quand même spécieux. Quant à M. Jean-François Collange, président de l’Union des Églises protestantes d’Alsace et de Lorraine (UEPAL), il est satisfait : « on tient beaucoup au droit local et à la laïcité à condition qu’elle ne soit pas antireligieuse. Notre droit local ne contrevient pas à la laïcité. C’est une forme d’expression de la laïcité ». On reste sans voix devant cette logique : la non-laïcité est une forme de laïcité. Et à nouveau le vieil argument : tout ce qui vise à modifier la place des Églises dans la société alsacienne est antireligieux. La laïcité de 1905 est « antireligieuse ». Le message transmis est que la séparation de l’Église et de l’État est une mauvaise chose.
Que va-t-il se passer ensuite, en 2015, avec l’enseignement laïque de la morale ? Les élèves des départements 67, 68 et 57 auront deux cours, l’un de religion, l’autre de morale. Ceux qui auront demandé une dispense de religion devront suivre deux cours de morale, avec, peut-être, deux maîtres différents.
4 La stratégie de l’entrisme
Dans le passé, les facultés de théologie formaient les ministres des cultes et les enseignants de religion. Aujourd’hui, la théologie s’exporte partout. Or l’enseignement de théologie reste, par définition, « confessant », c’est-à-dire prosélyte. Il est forcément en lien avec le dogme. Tous les doyens de théologie l’ont toujours revendiqué.
Certes le poids des facultés de théologie est beaucoup moins important qu’autrefois depuis la fusion des trois universités, du fait du très grand nombre de composantes. Mais la tendance qui se dessine ne laisse d’être inquiétante. L’interdisciplinarité, les passerelles rendues possibles par le cumul de crédits et la mutualisation des cours ont rendu perméables les frontières entre l’enseignement dogmatique et l’enseignement profane. L’affichage religieux s’efface, se fait discret. Le glissement s’opère du cours dogmatique et prosélyte à un cours de prime abord acceptable sans réticence par n’importe quel étudiant dans un diplôme qui a un titre tout à fait général. C’est le cas par exemple du master « Éthique », piloté par le Centre européen d’enseignement et de recherche en éthique, dont la directrice est professeur d’éthique religieuse à la Faculté de théologie catholique. Il comprend une première année de tronc commun, puis une année spécialisée à l’issue d’un choix entre 5 parcours (bioéthique, éthique et droits de l’homme, éthique et religion, éthique et société, éthique et entreprise). C’est une manière d’installer la théologie en dehors de ses frontières, en sciences sociales, en médecine etc.
Cette stratégie d’extension de la théologie à l’ensemble des disciplines n’est pas nouvelle. Elle avait déjà été proposée au moment de la fusion des trois universités en une seule par le doyen de théologie catholique de l’époque, Michel Deneken pour justifier la présence de la théologie à l’université : « La situation de la théologie dans un espace universitaire qui représente la plupart des disciplines, de l’offre de formation à la recherche, apparaît d’autant plus stimulante que le dialogue qu’entretient la théologie avec les sciences humaines et sociales est appelé à s’étendre à toutes les sciences présentes sur le campus strasbourgeois. Pour cette raison, la théologie se doit d’être hospitalière, sans se renier toutefois.[10] » La théologie doit « dialoguer », ce qui n’est pas l’équivalent de « chercher pour produire du nouveau ».
Et le même d’expliquer un peu plus loin : « Les relations avec le chancelier ecclésiastique et le rapport au Magistère constituent sans doute l’aspect le plus particulier de la théologie dans une université d’État française, qui garantissent la canonicité des diplômes et la qualité académique de leur contenu. L’intégrité de la foi concerne le Magistère autant que le théologien. L’Église se donne par là le moyen de s’assurer que l’enseignement correspond aux exigences de forme et de contenu qu’elle est en droit de poser[11]. ». Il ne saurait donc être question de mettre en cause les droits de l’Église dans le travail intellectuel des théologiens. L’autonomie de jugement n’est pas le but des théologiens. C’est par contre celui de l’université publique.
La stratégie de diffusion prend une forme nouvelle aujourd’hui. Le doyen de théologie catholique, interviewé dans le journal en ligne de l’université[12], propose que les unités d’enseignement de théologie puissent être choisies comme unités optionnelles[13] par des étudiants d’autres composantes. C’est à la fois une manière d’imposer discrètement les droits et exigences de l’Église à l’université, et une forme de survie pour les enseignements de théologie dans la mesure où il faut pouvoir assurer des débouchés pour les étudiants. Si la théologie s’infiltre partout, elle garantit son avenir, en rassurant élèves et parents : « nous offrons un panel très large de débouchés allant des métiers de l’Église au journalisme en passant par les métiers de l’enseignement, du livre, du tourisme, des bibliothèques, des musées, ou encore les concours demandant une licence. »
Les théologiens protestants se disent moins soumis à une hiérarchie religieuse qui a cherché à atténuer les conflits entre sectes protestantes. Ils se sont donné plus d’autonomie. Ils revendiquent cependant eux aussi d’être « confessants ».
Dans les deux cas, le caractère dogmatique de l’enseignement est clairement revendiqué. C’est bien une restriction de la liberté d’enseignement. Où se placent alors la formation à l’autonomie du jugement et l’objectivité du savoir ?
Le département d’études hébraïques et juives
On peut opposer l’attitude prosélyte et dogmatique des facultés catholique et protestante à celle du département d’études hébraïques et juives, créé en 1955, actuellement installé à la faculté des langues et cultures étrangères. Ce n’est pas une faculté de théologie. On n’y forme pas les ministres du culte juif, même si l’on peut constater qu’un certain nombre de professeurs sont aussi rabbins.
Il y a 4 postes d’enseignants-chercheurs (1 poste de professeur, 1 poste de maître de conférences, 1 poste d’attaché temporaire d’enseignement et 1 poste de lecteur) et 1 administratif pour 37 étudiants en formation spécialisée, 116 inscrits non spécialistes et 3 étudiants en doctorat. On peut y suivre un cursus classique Licence-master-doctorat. On y étudie la littérature ancienne et moderne en hébreu, la pensée juive, l’histoire juive. L’étudiant qui veut faire un master s’inscrit dans le master d’Études méditerranéennes, orientales et slaves, spécialité Monde moyen et proche-oriental, parcours Études hébraïques et juives. Il y a un parcours identique pour les langues arabe, persane ou japonaise.
5 La liberté de recherche en question
Ce qui est vrai du caractère bridé de l’enseignement en théologie l’est aussi de la recherche.
La première question à trancher est de savoir si la théologie est une science. Aucun scientifique ne peut l’admettre car aucune science ne peut reposer sur un dogme ni une vérité révélée. D’ailleurs les théologiens eux-mêmes le reconnaissent dans la mesure où par exemple ils ont intitulé leur école doctorale « Théologie et sciences religieuses ».
Il y a entre les scientifiques et les théologiens des oppositions fondamentales sur le but de la recherche, sur la méthode et sur la validation des résultats. Le matérialisme méthodologique est la base de la recherche scientifique. Tout chercheur, quelles que soient ses opinions personnelles, part de la matérialité des faits et construit des hypothèses, qu’il teste, qu’il modifie, voire abandonne. La théologie quant à elle est une spéculation qui impose des présupposés. Appliquer la méthode de rationalité logique sur le socle dogmatique ne suffit pas à constituer une science.
L’histoire des sciences de la nature a été celle de la longue quête de l’autonomie dans la définition de l’objet scientifique. Les sciences sociales se construisent aujourd’hui sur ce modèle, en élaborant des critères de scientificité. La métaphysique doit rester hors champ. La théologie vise autre chose que l’explication du phénomène : « Pour les autres disciplines, la théologie peut se charger d’un service intellectuel, au sein de la communauté universitaire, en apportant sa contribution comme discipline mais aussi comme Weltanschauung. Réciproquement, au sein de la communauté ecclésiale, elle plaide pour le bien-fondé de la réflexion intellectuelle et de la recherche scientifique[14]. » La théologie apporte une vision du monde, une idéologie, elle cherche à donner un sens aux phénomènes.
La méthodes de recherche proposées en théologie doivent elles aussi être interrogées : « Le théologien doit donc faire montre de qualités d’ouverture et de dialogue, de collaboration et d’inventivité. Cela ne signifie pas pour autant qu’il ait à renoncer à ce qu’il doit être selon les critères ecclésiaux, notamment s’agissant de « la fidélité à la Tradition.[15] » Or, le dialogue n’est pas un débat scientifique, surtout s’il dépend d’une fidélité à une idéologie.
Comme dans l’enseignement, la théologie catholique cherche à intervenir partout dans la recherche. « Rien de ce qui se cherche, se pense ou s’enseigne sur ce campus ne doit demeurer étranger à la théologie[16] ». C’est là un discours hégémonique, qui n’a finalement guère changé depuis Galilée.
6 Les effets de la gouvernance universitaire à Strasbourg
Il est encore un point qu’il convient d’aborder, celui de la gouvernance de l’Université de Strasbourg aujourd’hui réunifiée. Les composantes des trois anciennes universités forment la nouvelle entité. Les modalités de fonctionnement des universités depuis le vote de la loi LRU ont considérablement réduit la représentation des enseignants-chercheurs et considérablement accru les pouvoirs du président et de son équipe. Les facultés ne sont pas représentées en tant que telles. Les conseils sont composés d’élus de listes. Les membres des facultés de théologie ont le droit de briguer n’importe quel mandat, comme n’importe quel autre de leurs collègues. La composition de l’équipe présidentielle relève du président et est mise aux voies du CA. De 2008 à 2012, le premier vice président, en charge des affaires financières a été un professeur de théologie, doyen de la faculté de théologie catholique et prêtre diocésain. Dans la deuxième mandature, le même théologien catholique a été élu premier vice-président, chargé des questions de la formation initiale et de la formation continue. Est-ce faire un procès d’intention que de souligner le poids proprement extraordinaire qu’on a ainsi accordé à l’Église catholique ? A un moment où le ministère demande de revoir à la baisse le nombre des cursus, des mentions de masters, on peut s’interroger sur les critères qui seront retenus.
7 Le coût pour les citoyens français
Un récent article du Monde (« Dans le maquis des associations d’État[17] », 3 juillet 2013) soulignait, dans la répartition des crédits accordés par l’État (1,2 milliard d’euros), la place significative de structures de financement d’écoles de commerce ou d’ingénieurs en principe privées, et ajoutait même : « peut-être plus étonnant encore, la France finance par ce biais bon nombre d’institutions d’enseignement religieux. Les Instituts catholiques de Lille ou de Paris recevaient ainsi respectivement 980 000 et 830 000 euros en 2011. D’autres associations, comme celle des évêques fondateurs de l’Institut catholique, sont également fortement subventionnées (8,2 millions d’euros en 2011).
Au total, les subventions versées à ces établissements privés, catholiques ou écoles de commerce, via les associations, atteint un montant très important : 58,6 millions d’euros, soit plus que l’intégralité des subventions versées aux associations par le ministère de l’économie et des finances. La raison de cette dotation généreuse remonte à l’exercice de la ministre Valérie Pécresse. En 2010, alors ministre de l’enseignement supérieur, elle avait signé un protocole où ces établissements promettaient de s’engager dans de nouvelles missions (mixité sociale, recherche), en échange de fonds plus importants. »
Le financement des facultés de théologie de Strasbourg (nous n’avons pu obtenir celui du Centre de Metz) est à ajouter à ce bilan. Il est toutefois difficile à établir et l’Université de Strasbourg reste très discrète sur toutes les répartitions.
Si l’on se réfère au budget des facultés tel qu’il a été présenté aux élus du Conseil d’administration de l’Université de Strasbourg en 2013, on note :
- pour la théologie protestante : 96 008 euros (dont 51 698 euros de déficit compensé par la contribution de l’établissement)
- pour la théologie catholique : 140 700 euros (dont 58 497 euros de déficit compensé par la contribution de l’établissement).
Les budgets additionnés, pour Strasbourg seulement, représenteraient ainsi 236 708 euros, dont 110 195 de déficit compensé par l’université. Ce chiffre cependant ne rend pas compte du coût réel global de ces facultés. Il faut en effet y ajouter le coût des salaires pour l’employeur (33 professeurs, 24 maîtres de conférences, 12 personnels BIATOS : 6 342 000 euros selon une estimation moyenne), les retraites, le financement de l’école doctorale commune aux deux facultés, l’usage des locaux et les subventions de recherche, qui se répartissent dans de nombreux et divers programmes financés par l’Agence nationale de la recherche (ANR), les instances européennes (PCRD) ou encore le conseil scientifique de l’Université. L’addition reste à faire.
8 Une stratégie autojustificatrice : étendre les privilèges chrétiens à l’islam
L’université devra-t-elle banaliser la diffusion des théories dogmatiques et se faire le porte-parole des religions ? Si rien ne s’y oppose, car l’idéologie libérale européenne pousse dans ce sens, par l’annonce médiatique permanente du « retour du religieux ». Le « fait religieux », « l’utilité sociale des religions » sont des thèmes avancés pour remettre les autorités religieuses en selle dans la sphère politique. Pour justifier cet objectif et maintenir leurs privilèges, les religions reconnues sont prêtes, à Strasbourg, à élargir leur cercle et laisser entrer l’islam dans leur système.
Pour l’instant, on note qu’à la demande du ministère de l’Intérieur, un diplôme de niveau master 2 a été ouvert à la Faculté de droit de l’Université de Strasbourg depuis quelques années. Il a pour intitulé « Islam et droit ». Il offre deux spécialités : « Islamologie » et « Finance islamique (théologie, économie et droit) ». En 2011/2012 il a accueilli environ 20 étudiants. L’agence d’évaluation AERES lui a attribué la note C, lui reprochant un manque de convergence et l’absence de master 1 correspondant. Est-ce une tête de pont vers une reconnaissance de l’islam théologique ?
La montée médiatique de l’islam politique dans ses formes les plus radicales fait en effet (ré)apparaître la question des relations entre religion et vie publique. C’est une question politique, qui demande une solution politique, mais certains veulent la réduire à une affaire religieuse qui pourrait être traitée à l’université. Le projet de création d’une faculté de théologie musulmane à Strasbourg a été avancé plusieurs fois. Dans les années 80, le président Etienne Trocmé (président de l’Université des lettres et sciences humaines et professeur de théologie protestante) avait demandé dans quelles conditions elle pourrait être envisagée. Il s’était avéré que la nature même des cours susceptibles de figurer dans une telle faculté se rapprochait plus du droit (études de la charia) que des études coraniques comparables à l’exégèse des textes chrétiens. Le projet n’eut pas de suites. Des hommes politiques s’y sont essayés ensuite. François Grosdidier[18] (UMP) a déposé en juin 2006 une proposition de loi visant à intégrer le culte musulman dans le droit concordataire d’Alsace et de Moselle. L’exposé des motifs faisait valoir l’égalité de tous les citoyens devant la loi et réclamait l’actualisation du droit local. Il rappelait que le décret 2001-31 a simplifié le régime juridique des cultes reconnus et déconcentré la plupart des décisions aux préfets, voire aux autorités cultuelles elles-mêmes. Aucune suite n’a été donnée.
Une autre intervention d’homme politique UMP, celle de l’ancien adjoint au maire Robert Grossmann[19], allait dans le même sens en 2011 : il était urgent de créer une faculté islamique à Strasbourg pour former des imams pour la France et ne pas subir la menace que représente le prêche d’imams étrangers fanatiques.
Des initiatives sont venues aussi de l’intérieur de l’université. Un théologien protestant a présenté en 2002 un projet complet de cursus pour une licence de théologie musulmane à l’Université Marc Bloch de Strasbourg. Le CA de l’Université Marc Bloch n’a pas donné suite.
En 2012, dans le cadre de l’examen et du classement des projets d’excellence, le CA de l’Université (réunifiée) de Strasbourg a proposé de repêcher un projet Religions et Société (RESO) mal noté et non retenu par l’Agence nationale de la recherche (ANR). Ce projet envisageait la création s’un institut de l’islam et proposait des recherches en vue « d’intégrer la formation des cadres de l’islam » dans une structure universitaire. Il était porté par Francis Messner, aujourd’hui chargé du rapport sur la formation des imams à l’université publique[20]. Le Conseil scientifique l’a rejeté, après la protestation véhémente de la liste intersyndicale[21] qui a fait remarquer aussi que la proposition de repêchage s’accompagnait d’une aide financière qui s’élevait à plus d’un quart de million d’euros, c’est-à-dire supérieure à celle qui avait été initialement demandée. Il y a fort à parier que n’ayant pu franchir la porte académique, le projet essaye d’entrer par la porte politique. S’agira-t-il de justifier l’ingérence de l’État dans le fonctionnement de l’islam contre l’allégeance d’imams fonctionnaires de la République ? Parce qu’il n’y aura aucune raison de refuser aux imams ainsi formés le statut de fonctionnaires qu’on accorde aux ministres des autres cultes. Or un imam n’est pas un curé : tout musulman peut conduire la prière. Que veut dire former des imams ? La création d’une faculté islamique dans une université publique posera le problème du choix des sectes reconnues. L’islam n’est pas un. Comment sera fait le choix ? Quelle sera la position de cette faculté face aux centres qui existent déjà ?
Il existe en effet une structure musulmane à Strasbourg. Il s’agit de la création récente, en 2012, de la Faculté libre turque de théologie musulmane. Cette faculté privée doit ouvrir ses portes à une trentaine de jeunes gens à la rentrée 2013. Elle a son siège dans d’anciens locaux libérés par la Poste, dans le quartier de Hautepierre. Elle est financée par le ministère de l’Intérieur turc. Elle se donne pour mission la formation des imams turcs en France, en langue turque. Elle n’a recherché aucune relation avec l’université.
9 Le grand marché du diplôme européen
L’ouverture du grand marché européen du diplôme a été amorcée par la mise en place du « processus de Bologne », accord qui vise à la reconnaissance des diplômes en Europe. Les contenus des diplômes n’ont pas servi de base à l’établissement des équivalences. On a reconnu des niveaux, non des savoirs. Le texte s’embarrasse peu de savoir si les instances qui délivrent les diplômes sont publiques ou privées. Il en résulte que la tendance de fond qui balaie le paysage de l’enseignement supérieur en Europe est celle de l’effacement entre public et privé et de la concurrence à partir de critères assez peu scientifiques.
L’initiative du ministre des affaires étrangères de Nicolas Sarkozy, Bernard Kouchner, se situe dans cette perspective. En signant en 2008 avec le Saint-Siège une convention de reconnaissance mutuelle des diplômes, il est allé servilement faire allégeance au Vatican. Cette convention va bien au-delà de celle que le gouvernement français avait signée avec le Saint-Siège en 1924 pour la reconnaissance des diplômes canoniques de la faculté de théologie catholique de Strasbourg. Le ministre a travaillé au seul bénéfice des facultés privées catholiques françaises. Les universités publiques non seulement ne gagnent rien mais même perdent beaucoup puisque les facultés privées obtiennent le droit exorbitant de la collation de grades nationaux. L’État abandonne le monopole de la collation des grades, sans aucune contrepartie. Jean Riedinger, secrétaire de l’Observatoire chrétien de la laïcité, dans son blog « Nous sommes aussi l’Église », du 9 mai 2009[22], met le doigt sur la bonne question : ce ne sont pas seulement les diplômes canoniques qui sont visés mais tous les diplômes des établissements d’enseignement supérieur dûment habilités par le Saint-Siège (article 2 du protocole additionnel). C’est aller plus loin que l’accord de type concordataire alsacien, qui ne visait que les diplômes de théologie. De plus, le Saint-Siège habilite seul ses instituts et facultés installés sur le territoire français. L’État français n’a pas son mot à dire. La référence faite au processus de Bologne, qui, lui, maintient la souveraineté de chaque État, est donc très discutable. « L’État soumet son appréciation à une religion », écrit J. Riedinger. L’accord est, de fait, un pas en avant dans la privatisation des savoirs, conforme à l’idéologie libérale.
L’émotion soulevée a été importante mais peu d’informations ont filtré depuis la publication du décret d’application, en 2009, sur les conditions effectives de cette reconnaissance forcée des diplômes privés par les universités publiques. Sollicité par un grand nombre d’associations laïques, le Conseil d’État a déclaré que la collation des grades restait un monopole des universités publiques et a argué que les universités, dans le cadre de leur autonomie, pouvaient trancher et reconnaître ou non les diplômes des facultés catholiques privées. L’argument ne tient guère : ne sont supprimées ni la recevabilité des demandes d’équivalence auprès des universités françaises ni la possibilité d’obtenir des en équivalences en crédits européens (ECTS).
C’est donc un retour en force à la fois du cléricalisme catholique et du libéralisme au plus haut sommet de la pyramide éducative française. Le rapport du Haut Conseil à l’intégration a relevé cette question et propose de dénoncer cet accord. Ce serait effectivement une bonne nouvelle pour la laïcité.
10 La laïcité demain dans les universités
L’université devrait avoir un rôle important à jouer dans le développement de l’esprit laïque parce qu’elle doit former à l’esprit critique et assurer la liberté de penser, conditions d’avancement de la science. C’est une mission ambitieuse. Face à cela, l’Université de Strasbourg vante fièrement une conception de sa mission qui n’est en fait qu’une version étriquée des droits de l’homme, soumise au contrôle des Églises. A Strasbourg, les religions ont un statut de droit public et l’humanisme agnostique ou athée un statut de droit privé. C’est une atteinte à l’égalité des droits des citoyens. Laisser s’accréditer dans la société que ce modèle pourrait s’imposer comme solution parce qu’il reconnaîtrait la diversité religieuse est très dangereux parce qu’il part de la reconnaissance publique des religions dans la sphère publique. Il faut sortir de ce modèle et, pour l’enseignement supérieur, accorder leur complète autonomie aux facultés de théologie. Il existe plusieurs structures de recherche en sciences religieuses en France, qui, à la différence des facultés de théologie, abordent leurs disciplines avec une vision laïque de leurs objets de recherches. Le recrutement ne s’y fait pas par Églises interposées. Elles offrent la garantie de la liberté de penser et de travailler. Les facultés de théologie de Strasbourg ne doivent plus être de statut différent des autres facultés privées religieuses.
La reconnaissance des religions n’est pas la garantie du vivre ensemble. A cet égard, on ne peut que s’inquiéter des propos de Nicolas Cadène[23] lorsqu’il reprend les arguments du Conseil constitutionnel et du Conseil d’État sur différentes décisions intervenues depuis 2000 et fait sienne l’idée de « laïcité de cohabitation » pour justifier la non introduction des lois laïques sur certaines parties des territoires de la République. Cohabitation/séparation : ce devrait être l’un ou l’autre ou alors les mots n’ont plus de sens.
En Alsace, la droite et une partie de la gauche agitent le spectre de la révolte sociale si les lois laïques étaient introduites. Mais qui aujourd’hui peut lire sans rire les articles du concordat et des articles organiques, et même les avatars de leurs reformulations ? On joue sur l’ignorance des citoyens pour faire croire que c’est une base juridique incontestable alors qu’on n’applique pratiquement plus aucun de tous ces articles ! Les enjeux sont visiblement ailleurs. On veut en fait maintenir les privilèges religieux financés par l’impôt de tous les Français, dans la plus grande discrétion.
On veut aussi promouvoir sans le dire une autre conception de la République, celle de la décentralisation et de l’Europe des régions. Éric Sander, secrétaire de l’Institut du droit local[24], écrivait déjà en 204 que « l’idée d’unification législative est reléguée au musée Grévin du droit depuis une dizaine d’années[25] » parce que « embryon du droit régional, le droit local est du droit national d’application territoriale qui ne heurte nullement le principe d’indivisibilité de la République[26] ». Il concluait son article par cet espoir : « Peut-être aboutira-t-on à terme à l’institution d’une gestion totalement régionale des cultes s’étendant, par exemple, aux personnels ou encore aux aspects financiers[27] ». Or, depuis le 7 avril dernier, la question a été tranchée par les électeurs. Au referendum organisé dans le Bas-Rhin et le Haut-Rhin en avril dernier pour faire accepter la suppression des départements et leur remplacement par une assemblée unique aux pouvoirs élargis en matière d’éducation, de droit du travail et d’environnement, les citoyens ont répondu non. Le projet régional à base ethnique et anti-républicaine n’a pas passé. C’est un fait nouveau et positif que ce vote puisse s’analyser comme la volonté des citoyens vivant en Alsace d’être traités comme des citoyens tout court et non comme une communauté identitaire. C’est un signe fort d’adhésion à la loi commune de la République qui contredit tous les discours sur l’attachement indéfectible des Alsaciens à leur particularisme.
Invoquer le droit local comme un bloc qu’il serait dangereux de toucher parce que la moindre modification mettrait en péril les avantages que certains textes comportent est une imposture. Quel est le rapport entre la loi sur la chasse et l’enseignement religieux ? Quel est le rapport entre la façon de gérer les cotisations de la Sécurité sociale et le blasphème ? Affirmer que la convention de 1902 est le « joyau du droit local[28] », c’est vraiment faire peu de cas de la liberté de l’université et de la liberté de conscience des citoyens résidant en Alsace-Moselle.
L’expérience de l’Université de Strasbourg n’est donc pas une avancée en matière de liberté d’enseignement et de liberté de pensée. Elle ne saurait servir de modèle à d’autres universités françaises. Il faut réaffirmer la laïcité des universités en France veiller à ce que l’autonomie en marche et les pressions de l’Europe ne poussent pas dans un sens liberticide et communautariste.
Françoise Olivier-Utard
Annexe 1 : LE CONCORDAT du 15 juillet 1801
Convention entre le Gouvernement français et Sa Sainteté Pie VII.
Le gouvernement de la république française reconnaît que la religion catholique, apostolique et romaine, est la religion de la grande majorité des Français.
Sa Sainteté reconnaît également que cette même religion a retiré et attend encore, en ce moment, le plus grand bien et le plus grand éclat de l’établissement du culte catholique en France, et de la profession particulière qu’en font les consuls de la république.
En conséquence, d’après cette reconnaissance mutuelle, tant pour le bien de la religion que pour le maintien de la tranquillité intérieure, ils sont convenus de ce qui suit :
ARTICLE 1er. La religion catholique, apostolique et romaine, sera librement exercée en France ; son culte sera public, en se conformant aux règlements de police que le gouvernement jugera nécessaires pour la tranquillité publique.
ARTICLE 2. Il sera fait par le Saint-Siège, de concert avec le gouvernement, une nouvelle circonscription des diocèses français.
ARTICLE 3. Sa Sainteté déclarera aux titulaires des évêchés français qu’elle attend d’eux avec une entière confiance, pour le bien de la paix et de l’unité, toute espèce de sacrifices, même celui de leurs sièges.
D’après cette exhortation, s’ils se refusaient à ce sacrifice commandé pour le bien de l’Église (refus néanmoins auquel Sa Sainteté ne s’attend pas), il sera pourvu, par de nouveaux titulaires, au gouvernement des évêchés de la circonscription nouvelle, de la manière suivante :
ARTICLE 4. Le premier consul de la république nommera, dans les trois mois qui suivront la publication de la bulle de Sa Sainteté, aux archevêchés et évêchés de la circonscription nouvelle. Sa Sainteté conférera l’institution canonique suivant les formes établies par rapport à la France, avant le changement de gouvernement.
ARTICLE 5. Les nominations aux évêchés, qui vaqueront dans la suite, seront également faites par le premier consul et l’institution canonique sera donnée par le Saint-Siège en conformité de l’article précédent.
ARTICLE 6. Les évêques, avant d’entrer en fonctions, prêteront directement, entre les mains du premier consul, le serment de fidélité qui était en usage avant le changement de gouvernement, exprimé dans les termes suivants :
« Je jure et promets à Dieu, sur les saints Évangiles, de garder obéissance et fidélité au gouvernement établi par la constitution de la république française ; je promets aussi de n’avoir aucune intelligence, de n’assister à aucun conseil, de n’entretenir aucune ligue, soit au dedans, soit au dehors, qui soit contraire à la tranquillité publique ; et si, dans mon diocèse ou ailleurs, j’apprends qu’il se trame quelque chose au préjudice de l’État, je le ferai savoir au gouvernement. »
ARTICLE 7. Les ecclésiastiques de second ordre prêteront le même serment entre les mains des autorités civiles désignées par le gouvernement.
ARTICLE 8. La formule de prière suivante sera récitée à la fin de l’office divin, dans toutes les églises catholiques de France : Domine, salvam fac Rempublicam ; Domine, salvos fac consules.
ARTICLE 9. Les évêques feront une nouvelle circonscription des paroisses de leurs diocèses, qui n’aura d’effet que d’après le consentement du gouvernement.
ARTICLE 10. Les évêques nommeront aux cures ; leur choix ne pourra tomber que sur des personnes agréées par le gouvernement.
ARTICLE 11. Les évêques pourront avoir un chapitre dans leur cathédrale, et un séminaire dans leur diocèse, sans que le gouvernement s’engage à les doter.
ARTICLE 12. Toutes les églises métropolitaines, cathédrales, paroissiales et autres non aliénées, nécessaires au culte, seront remises à la disposition des évêques.
ARTICLE 13. Sa Sainteté, pour le bien de la paix et l’heureux rétablissement de la religion catholique, déclare que ni elle, ni ses successeurs, ne troubleront en aucune manière les acquéreurs des biens ecclésiastiques aliénés, et qu’en conséquence la propriété de ces mêmes biens, les droits et revenus y attachés, demeureront incommutables entre leurs mains ou celles de leurs ayants cause.
ARTICLE 14. Le gouvernement assurera un traitement convenable aux évêques et aux curés dont les diocèses et les paroisses seront compris dans la circonscription nouvelle.
ARTICLE 15. Le gouvernement prendra également des mesures pour que les catholiques français puissent, s’ils le veulent, faire, en faveur des églises, des fondations.
ARTICLE 16. Sa Sainteté reconnaît dans le premier consul de la république française les mêmes droits et prérogatives dont jouissait près d’elle l’ancien gouvernement.
ARTICLE 17. Il est convenu entre les parties contractantes que, dans le cas où quelqu’un des successeurs du premier consul actuel ne serait pas catholique, les droits et prérogatives mentionnés dans l’article ci-dessus , et la nomination aux évêchés, seront réglés, par rapport à lui, par une nouvelle convention.
Les ratifications seront échangées à Paris dans l’espace de quarante jours.
Fait à Paris, le 26 messidor an 11.
ANNEXE 2 : les articles organiques
[ Nous avons choisi de reproduire ici le texte primitif des articles organiques concernant les cultes catholique, protestants et juif. Des modifications leur ont été apportées mais elles sont relativement mineures, portant sur des détails : le mot « consul » a été remplacé en 2001 par celui de « ministre de l’intérieur » ou de « préfet », la restriction à la nationalité française a été étendue à l’appartenance à un pays de la communauté européenne etc. Quand un article ou une section entière ont été abrogés, nous le signalons entre crochets].
Articles organiques du 8 avril 1802, concernant le culte catholique
TITRE Ier. Du régime de l'Église catholique dans ses rapports généraux avec les droits et la police de l'État.
I.Aucune bulle, bref, rescrit, décret, mandat, provision, signature servant de provision, ni autres expéditions de la cour de Rome, même ne concernant que les particuliers, ne pourront être reçues, publiées, imprimées, ni autrement mises à exécution, sans l'autorisation du Gouvernement.
II. Aucun individu se disant nonce, légat, vicaire ou commissaire apostolique, ou se prévalant de toute autre dénomination, ne pourra, sans la même autorisation, exercer sur le sol français ni ailleurs, aucune fonction relative aux affaires de l'église gallicane.
III. Les décrets des synodes étrangers, même ceux des conciles généraux, ne pourront être publiés en France, avant que le Gouvernement en ait examiné la forme, leur conformité avec les lois, droits et franchises de la République française, et tout ce qui, dans leur publication, pourrait altérer ou intéresser la tranquillité publique.
IV. Aucun concile national ou métropolitain, aucun synode diocésain, aucune assemblée délibérante n'aura lieu sans la permission expresse du Gouvernement.
V. Toutes les fonctions ecclésiastiques seront gratuites, sauf les oblations qui seraient autorisées et fixées par le règlement.
VI. Il y aura recours au conseil d'état, dans tous les cas d'abus de la part des supérieurs et autres personnes ecclésiastiques.
Les cas d'abus sont, l'usurpation ou l'excès de pouvoir, la contravention aux lois et règlements de la République, l'infraction des règles consacrées par les canons reçus en France, l'attentat aux libertés, franchises et coutumes de l'église gallicane, et toute entreprise ou tout procédé qui, dans l'exercice du culte, peut compromettre l'honneur des citoyens, troubler arbitrairement leur conscience, dégénérer contre eux en oppression, ou en injure, ou en scandale public.
VII. Il y aura pareillement recours au conseil d'état, s'il est porté atteinte à l'exercice du culte et à la liberté que les lois et les règlements garantissent à ses ministres.
VIII. Le recours compétera à toute personne intéressée. A défaut de plainte particulière, il sera exercé d'office par les préfets.
Le fonctionnaire public, l'ecclésiastique ou la personne qui voudra exercer ce recours, adressera un mémoire détaillé et signé, au conseiller d'état chargé de toutes les affaires concernant les cultes, lequel sera tenu de prendre, dans le plus court délai, tous les renseignements convenables ; et, sur son rapport, l'affaire sera suivie et définitivement terminée dans la forme administrative, ou renvoyée, selon l'exigence des cas, aux autorités compétentes.
TITRE II. Des Ministres.
SECTION PREMIÈRE.Dispositions générales.
IX. Le culte catholique sera exercé sous la direction des archevêques et évêques dans leurs diocèses, et sous celle des curés dans leurs paroisses.
X. Tout privilège portant exemption ou attribution de la juridiction épiscopale, est aboli.
XI. Les archevêques et évêques pourront, avec l'autorisation du Gouvernement, établir dans leurs diocèses des chapitres cathédraux et des séminaires. Tous autres établissements ecclésiastiques sont supprimés.
XII. Il sera libre aux archevêques et évêques d'ajouter à leur nom le titre de Citoyen ou celui de Monsieur. Toutes autres qualifications sont interdites.
SECTION II.Des Archevêques ou Métropolitains.
XIII. Les archevêques consacreront et installeront leurs suffragants. En cas d'empêchement ou de refus de leur part, ils seront suppléés par le plus ancien évêque de l'arrondissement métropolitain.
XIV. Ils veilleront au maintien de la foi et de la discipline dans les diocèses dépendant de leur métropole.
XV. Ils connaîtront des réclamations et des plaintes portées contre la conduite et les décisions des évêques suffragants.
SECTION III.Des Évêques, des Vicaires généraux et des Séminaires.
XVI. On ne pourra être nommé évêque avant l'âge de trente ans, et si on n'est originaire Français.
XVII. Avant l'expédition de l'arrêté de nomination, celui ou ceux qui seront proposés, seront tenus de rapporter une attestation de bonne vie et mœurs, expédiée par l'évêque dans le diocèse duquel ils auront exercé les fonctions du ministère ecclésiastique ; et ils seront examinés sur leur doctrine par un évêque et deux prêtres, qui seront commis par le premier Consul, lesquels adresseront le résultat de leur examen au conseiller d'état chargé de toutes les affaires concernant les cultes.
XVIII. Le prêtre nommé par le premier Consul fera les diligences pour rapporter l'institution du Pape.
Il ne pourra exercer aucune fonction avant que la bulle portant son institution ait reçu l'attache du Gouvernement, et qu'il ait prêté en personne le serment prescrit par la convention passée entre le Gouvernement français et le Saint-Siège.
Ce serment sera prêté au premier Consul ; il en sera dressé procès-verbal par le secrétaire d'état.
XIX. Les évêques nommeront et institueront les curés. Néanmoins ils ne manifesteront leur nomination, et ils ne donneront l'institution canonique, qu'après que cette nomination aura été agréée par le premier Consul.
XX. Ils seront tenus de résider dans leurs diocèses ; ils ne pourront en sortir qu'avec la permission du premierConsul.
XXI. Chaque évêque pourra nommer deux vicaires généraux, et chaque archevêque pourra en nommer trois ; ils les choisiront parmi les prêtres ayant les qualités requises pour être évêques.
XXII. Ils visiteront annuellement et en personne une partie de leur diocèse, et, dans l'espace de cinq ans, le diocèse entier.
En cas d'empêchement légitime, la visite sera faite par un vicaire général.
XXIII. Les évêques seront chargés de l'organisation de leurs séminaires, et les règlements de cette organisation seront soumis à l'approbation du premier Consul.
XXIV. Ceux qui seront choisis pour l'enseignement dans les séminaires, souscriront la déclaration faite par le clergé de France en I682, et publiée par un édit de la même année ; ils se soumettront à y enseigner la doctrine qui y est contenue, et les évêques adresseront une expédition en forme, de cette soumission, au conseiller d'état chargé de toutes les affaires concernant les cultes.
XXV. Les évêques enverront, toutes les années, à ce conseiller d'état, le nom des personnes qui étudieront dans les séminaires et qui se destineront à l'état ecclésiastique.
XXVI. Ils ne pourront ordonner aucun ecclésiastique, s'il ne justifie d'une propriété produisant au moins un revenu annuel de trois cents francs, s'il n'a atteint l'âge de vingt-cinq ans, et s'il ne réunit les qualités requises par les canons reçus en France.
Les évêques ne feront aucune ordination avant que le nombre des personnes à ordonner ait été soumis au Gouvernement et par lui agréé.
SECTION IV.Des Curés.
XXVII. Les curés ne pourront entrer en fonctions qu'après avoir prêté, entre les mains du préfet, le serment prescrit par la convention passée entre le Gouvernement et le Saint-Siège. Il sera dressé procès-verbal de cette prestation, par le secrétaire général de la préfecture, et copie collationnée leur en sera délivrée.
XXVIII. Ils seront mis en possession par le curé ou le prêtre que l'évêque désignera.
XXIX. Ils seront tenus de résider dans leurs paroisses.
XXX. Les curés seront immédiatement soumis aux évêques dans l'exercice de leurs fonctions.
XXXI. Les vicaires et desservants exerceront leur ministère, sous la surveillance et la direction des curés.
Ils seront approuvés par l'évêque et révocables par lui.
XXXII. Aucun étranger ne pourra être employé dans les fonctions du ministère ecclésiastique, sans la permission du Gouvernement.
XXXIII. Toute fonction est interdite à tout ecclésiastique, même français, qui n'appartient à aucun diocèse.
XXXIV. Un prêtre ne pourra quitter son diocèse pour aller desservir dans un autre, sans la permission de son évêque.
SECTION V.Des Chapitres cathédraux, et du gouvernement des Diocèses pendant la vacance du Siège.
XXXV. Les archevêques et évêques qui voudront user de la faculté qui leur est donnée d'établir des chapitres, ne pourront le faire sans avoir rapporté l'autorisation du Gouvernement, tant pour l'établissement lui-même, que pour le nombre et le choix des ecclésiastiques destinés à les former.
XXXVI. Pendant la vacance des sièges, il sera pourvu par le métropolitain, et, à son défaut, par le plus ancien des évêques suffragants, au gouvernement des diocèses.
Les vicaires généraux de ces diocèses continueront leurs fonctions, même après la mort de l'évêque, jusqu'à son remplacement.
XXXVII. Les métropolitains, les chapitres cathédraux seront tenus, sans délai, de donner avis au Gouvernement de la vacance des sièges, et des mesures qui auront été prises pour le gouvernement des diocèses vacants.
XXXVIII. Les vicaires généraux qui gouverneront pendant la vacance, ainsi que les métropolitains ou capitulaires, ne se permettront aucune innovation dans les usages et coutumes des diocèses.
TITRE III.Du Culte.
XXXIX. Il n'y aura qu'une liturgie et un catéchisme pour toutes les églises catholiques de France.
XL. Aucun curé ne pourra ordonner des prières publiques extraordinaires dans sa paroisse, sans la permission spéciale de l'évêque.
XLI. Aucune fête, à l'exception du dimanche, ne pourra être établie sans la permission du Gouvernement.
XLII. Les ecclésiastiques useront, dans les cérémonies religieuses, des habits et ornements convenables à leur titre ; ils ne pourront, dans aucun cas, ni sous aucun prétexte, prendre la couleur et les marques distinctives réservées aux évêques.
XLIII. Tous les ecclésiastiques seront habillés à la française et en noir.
XLIV. Les chapelles domestiques, les oratoires particuliers, ne pourront être établis sans une permission expresse du Gouvernement, accordée sur la demande de l'évêque.
XLV. Aucune cérémonie religieuse n'aura lieu hors des édifices consacrés au culte catholique, dans les villes où il y a des temples destinés à différents cultes.
XLVI. Le même temple ne pourra être consacré qu'à un même culte.
XLVII. Il y aura, dans les cathédrales et paroisses, une place distinguée pour les individus catholiques qui remplissent les autorités civiles et militaires.
XLVIII. L'évêque se concertera avec le préfet pour régler la manière d'appeler les fidèles au service divin par le son des cloches. On ne pourra les sonner pour toute autre cause, sans la permission de la police locale.
XLIX. Lorsque le Gouvernement ordonnera des prières publiques, les évêques se concerteront avec le préfet et le commandant militaire du lieu, pour le jour, l'heure et le mode d'exécution de ces ordonnances.
L. Les prédications solennelles appelées sermons, et celles connues sous le nom de stations de l'avent et du carême, ne seront faites que par des prêtres qui en auront obtenu une autorisation spéciale de l'évêque.
LI. Les curés, aux prônes des messes paroissiales, prieront et feront prier pour la prospérité de la République française et pour les Consuls.
LII. Ils ne se permettront dans leurs instructions, aucune inculpation directe ou indirecte, soit contre les personnes, soit contre les autres cultes autorisés dans l'État.
LIII. Ils ne feront au prône aucune publication étrangère à l'exercice du culte, si ce n'est celles qui seront ordonnées par le Gouvernement.
LIV. Ils ne donneront la bénédiction nuptiale qu'à ceux qui justifieront, en bonne et due forme, avoir contracté mariage devant l'officier civil.
LV. Les registres tenus par les ministres du culte, n'étant et ne pouvant être relatifs qu'à l'administration des sacrements, ne pourront, dans aucun cas, suppléer les registres ordonnés par la loi pour constater l'état civil des Français.
LVI. Dans tous les actes ecclésiastiques et religieux, on sera obligé de se servir du calendrier d'équinoxe établi par les lois de la République ; on désignera les jours par les noms qu'ils avaient dans le calendrier des solstices.
LVII. Le repos des fonctionnaires publics sera fixé au dimanche.
TITRE IV.De la circonscription des Archevêchés, des Évêchés et des Paroisses ; des édifices destinés au Culte, et du traitement des Ministres.
SECTION I.De la circonscription des Archevêchés et des Évêchés.
LVIII. Il y aura en France dix archevêchés ou métropoles et cinquante évêchés.
LIX. La circonscription des métropoles et des diocèses sera faite conformément au tableau ci-joint.
SECTION II.De la circonscription des Paroisses.
LX. Il y aura au moins une paroisse dans chaque justice de paix.
Il sera, en outre, établi autant de succursales que le besoin pourra l'exiger.
LXI. Chaque évêque, de concert avec le préfet, réglera le nombre et l'étendue de ces succursales. Les plans arrêtés seront soumis au Gouvernement, et ne pourront être mis à exécution sans son autorisation.
LXII. Aucune partie du territoire français ne pourra être érigée en cure ou en succursale, sans l'autorisation expresse du Gouvernement.
LXIII. Les prêtres desservant les succursales sont nommés par les évêques.
SECTION III.Du traitement des Ministres.
LXIV. Le traitement des archevêques sera de 15 000 fr.
LXV. Le traitement des évêques sera de 10 000 fr.
LXVI. [article abrogé en 1909] Les curés seront distribués en deux classes.
Le traitement des curés de la première classe sera porté à 1 500 francs, celui des curés de la seconde classe à 1 000 francs.
LXVII. Les pensions dont ils jouissent en exécution des lois de l'Assemblée constituante, seront précomptées sur leur traitement.
Les conseils généraux des grandes communes pourront, sur leurs biens ruraux ou sur leurs octrois, leur accorder une augmentation de traitement, si les circonstances l'exigent.
LXVIII. [article abrogé en 1909] Les vicaires et desservants seront choisis parmi les ecclésiastiques pensionnés en exécution des lois de l'Assemblée constituante.
Le montant de ces pensions et le produit des oblations formeront leur traitement.
LXIX. Les évêques rédigeront les projets de règlement relatifs aux oblations que les ministres du culte sont autorisés à recevoir pour l'administration des sacrements. Les projets de règlement rédigés par les évêques, ne pourront être publiés, ni autrement mis à exécution, qu'après avoir été approuvés par le Gouvernement.
LXX. Tout ecclésiastique pensionnaire de l'État sera privé de sa pension, s'il refuse, sans cause légitime, les fonctions qui pourront lui être confiées.
LXXI. Les conseils généraux de département sont autorisés à procurer aux archevêques et évêques un logement convenable.
LXXII. Les presbytères et les jardins attenants, non aliénés, seront rendus aux curés et aux desservants des succursales. A défaut de ces presbytères, les conseils généraux des communes sont autorisés à leur procurer un logement et un jardin.
LXXIII. Les fondations qui ont pour objet l'entretien des ministres et l'exercice du culte, ne pourront consister qu'en rentes constituées sur l'État : elles seront acceptées par l'évêque diocésain, et ne pourront être exécutées qu'avec l'autorisation du Gouvernement.
LXXIV. [article abrogé en 1813] Les immeubles, autres que les édifices destinés au logement et les jardins attenants, ne pourront être affectés à des titres ecclésiastiques, ni possédés par les ministres du culte, à raison de leurs fonctions.
SECTION IV. Des édifices destinés au culte
LXXV. Les édifices anciennement destinés au culte catholique actuellement dans les mains de la nation, à raison d’un édifice par curé et par succursale, seront mis à la disposition des évêques par arrêté du préfet du département. Une expédition de ces arrêtés sera adressée à au conseiller d’État charge de toutes les affaires concernant les cultes.
LXXVI. Il sera établi des fabriques pour veiller à l’entretien et à la conservation des temples, à l’administration des aumônes.
LXXVII. Dans les paroisses où il n’y aura point d’édifice disponible pour le culte, l’évêque se concertera avec le préfet pour la désignation d’un édifice convenable.
Articles organiques du 8 avril 1802, concernant les cultes protestants
Loi relative à l’organisation des Cultes.
Du 18 Germinal, an X de la République une et indivisible
Au nom du peuple français, Bonaparte, premier Consul, proclame loi de la République le décret suivant, rendu par le Corps législatif le 18 germinal an X, conformément à la proposition faite par le Gouvernement le 15 dudit mois, communiquée au Tribunat le même jour.
Titre I. Dispositions générales pour toutes les Communions protestantes.
I. Nul ne pourra exercer les fonctions du culte, s’il n’est Français.
II. Les églises protestantes, ni leurs ministres, ne pourront avoir des relations avec aucune puissance ni autorité étrangère.
III. Les pasteurs et ministres des diverses communions protestantes prieront et feront prier, dans la récitation de leurs offices, pour la prospérité de la République française et pour les Consuls.
IV. Aucune décision doctrinale ou dogmatique, aucun formulaire, sous le titre de confession ou sous tout autre titre, ne pourront être publiés ou devenir la matière de l’enseignement, avant que le Gouvernement en ait autorisé la publication ou promulgation.
V. Aucun changement dans la discipline n’aura lieu sans la même autorisation.
VI. Le conseil d’état connaîtra de toutes les entreprises des ministres du culte, et de toutes dissensions qui pourront s’élever entre ces ministres.
VII. Il sera pourvu au traitement des pasteurs des églises consistoriales, bien entendu qu’on imputera sur ce traitement les biens que ces églises possèdent, et le produit des oblations établies par l’usage ou par des règlements.
VIII. Les dispositions portées par les articles organiques du culte catholique, sur la liberté des fondations, et sur la nature des biens qui peuvent en être l’objet, seront communes aux églises protestantes.
IX. Il y aura deux académies ou séminaires dans l’est de la France, pour l’instruction des ministres de la confession d’Augsbourg.
X. Il y aura un séminaire à Genève, pour l’instruction des ministres des églises réformées.
XI. Les professeurs de toutes les académies ou séminaires seront nommés par le premier Consul.
XII. Nul ne pourra être élu ministre ou pasteur d’une église de la confession d’Augsbourg, s’il n’a étudié, pendant un temps déterminé, dans un des séminaires français destinés à l’instruction des ministres de cette confession, et s’il ne rapporte un certificat en bonne forme, constatant son temps d’étude, sa capacité et ses bonnes mœurs.
XIII. On ne pourra être élu ministre ou pasteur d’une église réformée, sans avoir étudié dans le séminaire de Genève, et si on ne rapporte un certificat dans la forme énoncée dans l’article précédent.
XIV. Les règlements sur l’administration et la police intérieure des séminaires, sur le nombre et la qualité des professeurs, sur la manière d’enseigner et sur les objets d’enseignement, ainsi que sur la forme des certificats ou attestations d’étude, de bonne conduite et de capacité, seront approuvés par le Gouvernement.
TITRE II. Des Églises réformées.
SECTION I. De l’organisation générale de ces Églises.
XV. Les églises réformées de France auront des pasteurs, des consistoires locaux et des synodes.
XVI. Il y aura une église consistoriale par six mille âmes de la même communion.
XVII. [article abrogé en 1905] Cinq églises consistoriales formeront l’arrondissement d’un synode.
SECTION II. Des Pasteurs et des Consistoires locaux.
XVIII. Le consistoire de chaque église sera composé du pasteur ou des pasteurs desservant cette église, et d’anciens ou notables laïques, choisis parmi les citoyens les plus imposés au rôle des contributions directes : le nombre de ces notables ne pourra être au-dessous de six ni au-dessus de douze.
XIX. Le nombre des ministres ou pasteurs, dans une même église consistoriale, ne pourra être augmenté sans l’autorisation du Gouvernement.
XX. Les consistoires veilleront au maintien de la discipline, à l’administration des biens de l’église et à celle des deniers provenant des aumônes.
XXI. Les assemblées des consistoires seront présidées par le pasteur ou par le plus ancien des pasteurs. Un des anciens ou notables remplira les fonctions de secrétaire.
XXII. Les assemblées ordinaires des consistoires continueront de se tenir aux jours marqués par l’usage. Les assemblées extraordinaires ne pourront avoir lieu sans la permission du sous-préfet, ou du maire en l’absence du sous-préfet.
XXIII. Tous les deux ans, les anciens du consistoire seront renouvelés par moitié : à cette époque, les anciens en exercice s’adjoindront un nombre égal de citoyens protestants, chefs de famille et choisis parmi les plus imposés au rôle des contributions directes de la commune où l’église consistoriale sera située, pour procéder au renouvellement. Les anciens sortants pourront être réélus.
XXIV. Dans les églises où il n’y a point de consistoire actuel, il en sera formé un. Tous les membres seront élus par la réunion des vingt-cinq chefs de famille protestants les plus imposés au rôle des contributions directes : cette réunion n’aura lieu qu’avec l’autorisation et en la présence du préfet ou du sous-préfet.
XXV. Les pasteurs ne pourront être destitués qu’à la charge de présenter les motifs de la destitution au Gouvernement, qui les approuvera ou les rejettera.
XXVI. En cas de décès, ou de démission volontaire, ou de destitution confirmée d’un pasteur, le consistoire formé de la manière prescrite par l’article XVIII, choisira à la pluralité des voix pour le remplacer. Le titre d’élection sera présenté au premier Consul par le conseiller d’état chargé de toutes les affaires concernant les cultes, pour avoir son approbation. L’approbation donnée, il ne pourra exercer qu’après avoir prêté, entre les mains du préfet, le serment exigé des ministres du culte catholique.
XXVII. Tous les pasteurs actuellement en exercice sont provisoirement confirmés.
XXVIII. Aucune église ne pourra s’étendre d’un département dans un autre.
SECTION III. Des Synodes. [Cette section a été abrogée en 1905]
XXIX. Chaque synode sera formé du pasteur ou d’un des pasteurs et d’un ancien ou notable de chaque église.
XXX. Les synodes veilleront sur tout ce qui concerne la célébration du culte, l’enseignement de la doctrine et la conduite des affaires ecclésiastiques. Toutes les décisions qui émaneront d’eux, de quelque nature qu’elles soient, seront soumises à l’approbation du Gouvernement.
XXXI. Les synodes ne pourront s’assembler que lorsqu’on en aura rapporté la permission du Gouvernement.
On donnera connaissance préalable au conseiller d’état chargé de toutes les affaires concernant les cultes, des matières qui devront y être traitées. L’assemblée sera tenue en présence du préfet ou du sous-préfet ; et une expédition du procès-verbal des délibérations sera adressée par le préfet au conseiller d’état chargé de toutes les affaires concernant les cultes, qui, dans le plus court délai, en fera son rapport au Gouvernement.
XXXII. L’assemblée d’un synode ne pourra durer que six jours.
TITRE III. De l’organisation des Églises de la Confession d’Augsbourg
SECTION I. Dispositions générales.
XXXIII. Les églises de la confession d’Augsbourg auront des pasteurs, des consistoires locaux, des inspections et des consistoires généraux.
SECTION II. Des Ministres ou Pasteurs, et des Consistoires locaux de chaque église.
XXXIV. On suivra, relativement aux pasteurs, à la circonscription et au régime des églises consistoriales, ce qui a été prescrit par la section II du titre précédent, pour les pasteurs et pour les églises réformées.
SECTION III. Des Inspections.
XXXV. Les églises de la confession d’Augsbourg seront subordonnées à des inspections.
XXXVI. Cinq églises consistoriales formeront l’arrondissement d’une inspection.
XXXVII. Chaque inspection sera composée du ministre et d’un ancien ou notable de chaque église de l’arrondissement : elle ne pourra s’assembler que lorsqu’on en aura rapporté la permission du Gouvernement. La première fois qu’il écherra de la convoquer, elle le sera par le plus ancien des ministres desservant les églises de l’arrondissement. Chaque inspection choisira dans son sein deux laïques, et un ecclésiastique, qui prendra le titre d’inspecteur, et qui sera chargé de veiller sur les ministres et sur le maintien du bon ordre dans les églises particulières. Le choix de l’inspecteur et des deux laïques sera confirmé par le premier Consul.
XXXVIII. [article abrogé en 2001] L’inspection ne pourra s’assembler qu’avec l’autorisation du Gouvernement, en présence du préfet ou du sous-préfet, et après avoir donné connaissance préalable au conseiller d’état chargé de toutes les affaires concernant les cultes, des matières que l’on se proposera d’y traiter.
XXXIX. L’inspecteur pourra visiter les églises de son arrondissement ; il s’adjoindra les deux laïques nommés avec lui, toutes les fois que les circonstances l’exigeront ; il sera chargé de la convocation de l’assemblée générale de l’inspection. Aucune décision émanée de l’assemblée générale de l’inspection, ne pourra être exécutée sans avoir été soumise à l’approbation du Gouvernement.
SECTION IV. Des Consistoires généraux.
XL. Il y aura trois consistoires généraux : l’un à Strasbourg, pour les protestants de la confession d’Augsbourg, des départements du Haut et Bas Rhin ; l’autre à Mayence, pour ceux des départements de la Sarre et du Mont-Tonnerre ; et le troisième à Cologne, pour ceux des départements de Rhin-et-Moselle et de la Roer.
XLI. Chaque consistoire sera composé d’un président laïque protestant, de deux ecclésiastiques inspecteurs, et d’un député de chaque inspection. Le président et les deux ecclésiastiques inspecteurs seront nommés par le premier Consul. Le président sera tenu de prêter entre les mains du premier Consul ou du fonctionnaire public qu’il plaira au premier Consul de déléguer à cet effet, le serment exigé des ministres du culte catholique. Les deux ecclésiastiques inspecteurs et les membres laïques prêteront le même serment entre les mains du président.
XLII. Le consistoire général ne pourra s’assembler que lorsqu’on en aura rapporté la permission du Gouvernement, et qu’en présence du préfet ou du sous-préfet : on donnera préalablement connaissance au conseiller d’état chargé de toutes les affaires concernant les cultes, des matières qui devront y être traitées. L’assemblée ne pourra durer plus de six jours.
XLIII. Dans le temps intermédiaire d’une assemblée à l’autre, il y aura un directoire composé du président, du plus âgé des deux ecclésiastiques inspecteurs, et de trois laïques, dont un sera nommé par le premier Consul : les deux autres seront choisis par le consistoire général.
XLIV. Les attributions du consistoire général et du directoire continueront d’être régies par les règlements et coutumes des églises de la confession d’Augsbourg, dans toutes les choses auxquelles il n’a point été formellement dérogé par les lois de la République et par les présents articles.
Collationné à l’original, par nous président et secrétaires du Corps législatif. A Paris, le 18 Germinal, an X de la République. Signé MARCORELLE, président ; CHAMPION (du Jura), METZGER, FRANCQ l’aîné, MEYNARD, secrétaires.
SOIT la présente loi revêtue du sceau de l’État, insérée au Bulletin des lois, inscrite dans les registres des autorités judiciaires et administratives, et le ministre de la justice chargé d’en surveiller la publication. A Paris, le 28 Germinal, an X de la République.
Signé BONAPARTE, premier Consul. Contre-signé, le secrétaire d’état, HUGUES B. MARET. Et scellé du sceau de l’État.
Vu, le ministre de la justice, signé ABRIAL.
Articles organiques concernant le culte juif
Décret impérial du 17 mars 1808 qui prescrit des mesures pour l’exécution du règlement du 10 décembre 1806 concernant les juifs (Article de Napoléon Ier).
Au Palais des Tuileries, le 17 mars 1808. Napoléon, empereur des Français, roi d’Italie et protecteur de la Confédération du Rhin,
Sur notre rapport du ministre de l’intérieur ;
Notre Conseil d’état entendu,
Nous avons décrété et décrétons ce qui suit :
ART I. Le règlement délibéré dans l’assemblée générale des Juifs, tenue à Paris le 10 décembre 1806, sera exécuté et annexé au présent décret. 2. Nos ministres de l’intérieur et des cultes sont chargés, chacun en ce qui le concerne, de l’exécution du présent décret.
Signé NAPOLEON. Par l’Empereur : Le Ministre Secrétaire d’état, signé HUGUES B. MARET.
REGLEMENT Les députés composant l’assemblée des Israélites, convoqués par décret impérial du 30 mai 1806, après avoir entendu le rapport de la commission des neuf, nommée pour préparer les travaux de l’assemblée, délibérant sur l’organisation qu’il conviendrait de donner à leurs coreligionnaires de l’Empire français et du royaume d’Italie, relativement à l’exercice de leur culte et à sa police intérieure, ont adopté unanimement le projet suivant :
I. Il sera établi une synagogue et un consistoire israélite dans chaque département renfermant deux mille individus professant la religion de Moïse.
II. Dans le cas où il ne se trouvera pas deux mille Israélites dans un seul département, la circonscription de la synagogue consistoriale embrassera autant de départements, de proche en proche, qu’il en faudra pour les réunir. Le siège de la synagogue sera toujours dans la ville dont la population israélite sera la plus nombreuse.
III. Dans aucun cas, il ne pourra y avoir plus d’une synagogue consistoriale par département.
IV. Aucune synagogue particulière ne sera établie, si la proposition n’en est faite par la synagogue consistoriale à l’autorité compétente. Chaque synagogue particulière sera administrée par deux notables et un rabbin, lesquels seront désignés par l’autorité compétente.
V. Il y aura un grand rabbin par synagogue consistoriale.
VI. Les consistoires seront composés d’un grand rabbin, d’un autre rabbin, autant que faire se pourra, et de trois autres Israélites, dont deux seront choisis parmi les habitants de la ville où siégera le consistoire.
VII. Le consistoire sera présidé par le plus âgé de ses membres, qui prendra le nom d’ancien du consistoire.
VIII. Il sera désigné par l’autorité compétente, dans chaque circonscription consistoriale, des notables, au nombre de vingt-cinq, choisis parmi les plus imposés et les plus recommandables des Israélites.
IX. Ces notables procéderont à l’élection des membres du consistoire, qui devront être agréés par l’autorité compétente.
X. Nul ne pourra être membre du consistoire, 1° s’il n’a trente ans ; 2° s’il a fait faillite, à moins qu’il ne soit honorablement réhabilité ; 3° s’il est reconnu avoir fait l’usure.
XI. Tout Israélite qui voudra s’établir en France ou dans le royaume d’Italie, devra en donner connaissance, dans le délai de trois mois, au consistoire le plus voisin du lieu où il fixera son domicile.
XII. Les fonctions du consistoire seront, 1° de veiller à ce que les rabbins ne puissent donner, soit en public, soit en particulier, aucune instruction ou explication de la loi qui ne soit conforme aux réponses de l’assemblée, converties en décisions doctrinales par le grand sanhédrin ; 2° de maintenir l’ordre dans l’intérieur des synagogues, surveiller l’administration des synagogues particulières, régler la perception et l’emploi des sommes destinées aux frais du culte mosaïque, et veiller à ce que, pour cause ou sous prétexte de religion, il ne se forme, sans une autorisation expresse, aucune assemblée de prières ; 3° d’encourager par tous les moyens possibles, les Israélites de la circonscription consistoriale à l’exercice des professions utiles, et de faire connaître à l’autorité ceux qui n’ont pas des moyens d’existence avoués ; 4° de donner, chaque année, à l’autorité connaissance du nombre de conscrits israélites de la circonscription.
XIII. Il y aura à Paris, un consistoire central, composé de trois rabbins et de deux autres Israélites.
XIV. Les rabbins du consistoire central seront pris parmi les grands rabbins ; et les autres membres seront assujettis aux conditions de l’éligibilité portées en l’article X.
XV. Chaque année, il sortira un membre du consistoire central, lequel sera toujours rééligible.
XVI. Il sera pourvu à son remplacement par les membres restants. Le nouvel élu ne sera installé qu’après avoir obtenu l’agrément de l’autorité compétente.
XVII. Les fonctions du consistoire central seront, 1° de correspondre avec les consistoires ; 2° de veiller dans toutes ses parties à l’exécution du présent règlement ; 3° de déférer à l’autorité compétente toutes les atteintes portées à l’exécution dudit règlement, soit par infraction, soit par inobservation ; 4° de confirmer la nomination des rabbins, et de proposer, quand il y aura lieu, à l’autorité compétente, la destitution des rabbins et des membres du consistoire.
XVIII. L ’élection du grand rabbin se fera par les vingt cinq notables désignés en l’article VIII.
XIX. Le nouvel élu ne pourra entrer en fonction qu’après avoir été confirmé par le consistoire central.
XX. Aucun rabbin ne pourra être élu, 1° s’il n’est natif ou naturalisé français ou Italien du Royaume d’Italie, 2° s’il ne rapporte une attestation de capacité, souscrite par trois grands rabbins italiens, s’il est italien, et français, s’il est français, et, à dater de 1820, s’il ne sait la langue française en France, et l’italienne dans le royaume d’Italie ; celui qui joindra à la connaissance de la langue hébraïque quelques connaissance des langues grecque et latine, sera préféré, toutes choses égales d’ailleurs.
XXI. Les fonctions de rabbins sont 1°, d’enseigner la religion, 2° la doctrine renfermée dans les décisions du grand sanhédrin ; 3° de rappeler en toute circonstance l’obéissance aux lois, notamment et en particulier à celles relatives à la défense de la patrie, mais d’y exhorter plus spécialement encore tous les ans, à l’époque de la conscription, depuis le premier de l’autorité jusqu’à la complète exécution de la loi, 4° de faire considérer aux Israélites le service militaire comme un devoir sacré, et de leur déclarer que, pendant le temps où ils se consacreront à ce service, la loi les dispense des observances qui ne pourraient point se concilier avec lui, 5° de prêcher dans les synagogues, et réciter les prières qui s’y font en commun pour l’Empereur et la famille impériale, 6° de célébrer les mariages et de déclarer les divorces, sans qu’ils puissent, dans aucun cas, y procéder que les parties requérantes ne leur aient bien et dîment justifié de l’acte civil de mariage ou de divorce.
XXII. Le traitement des rabbins membres du consistoire central est fixé à six mille francs ; celui des grands rabbins des synagogues consistoriales, à trois mille francs ; celui des rabbins des synagogues particulières sera fixé par la réunion des Israélites qui auront demandé l’établissement de la synagogue ; il ne pourra être moindre de mille francs. Les israélites des circonscriptions respectives pourront voter l’augmentation de ce traitement.
XXIII. Chaque consistoire proposera à l’autorité compétente un projet de répartition entre les Israélites de la circonscription, pour l’acquittement du salaire des rabbins ; les autres frais du culte seront déterminés et répartis sur la demande des consistoires par l’autorité compétente. Le paiement des rabbins membres du consistoire central sera prélevé proportionnellement sur les sommes perçues dans les différentes circonscriptions.
XXIV. Chaque consistoire désignera hors de son sein un Israélite non rabbin, pour recevoir les sommes qui devront être perçues dans la circonscription.
XXV. Ce receveur paiera par quartier les rabbins, ainsi que les frais du culte, sur une ordonnance signée au moins par trois membres du consistoire. Il rendra ses comptes chaque année, à jour fixe, au consistoire assemblé.
XXVI. Tout rabbin qui, ne se trouvera pas employé, et qui voudra cependant conserver son domicile ne France ou dans le royaume d’Italie, sera tenu d’adhérer, par une déclaration formelle t qu’il signera, aux décisions du grand sanhédrin. Copie de cette déclaration sera envoyée, par le consistoire qui l’aura reçue au consistoire central.
XXVII. Les rabbins membres du grand sanhédrin seront préférés, autant que faire se pourra, à tous autres pour les places de grands rabbins.
Certifié conforme : Le Ministre Secrétaire d’état, signé HUGUES B. MARET .
ANNEXE 3 : Convention du 5 décembre 1902
I Convention entre le Saint-Siège et le gouvernement allemand
Le soussigné Cardinal Mariano Rampolla del Tindaro, secrétaire d’Etat de sa Sainteté, de la part du Saint-Siège
Et
Le Baron Georges de Hertling, Chambellan de Sa Majesté le Roi de Bavière, membre du Reichstag de l’Empire germanique, membre de l’Académie royale bavaroise des sciences, professeur de l’université de Munich, délégué de la part du gouvernement impérial allemand
Article I :
L’instruction scientifique sera donnée aux jeunes clercs du diocèse de Strasbourg par une faculté de théologie catholique qui sera érigée à l’Université de Strasbourg. En même temps, le grand séminaire épiscopal continuera d’exister et de fonctionner pour l’éducation pratique desdits clercs qui y recevront l’enseignement nécessaire dans toutes les matières se rapportant à l’exercice des fonctions sacerdotales.
Article II : ladite faculté comprend les branches suivantes :
La propédeutique théologique à la philosophie
La théologie dogmatique
La théologie morale
L’apologétique
L’histoire ecclésiastique
L’exégèse de l’Ancien Testament
L’exégèse du Nouveau Testament
Le droit canon
La théologie pastorale
L’archéologie sacrée
Article III : La nomination des professeurs se fera après entente préalable avec l’évêque. Avant d’entrer en fonctions, les professeurs auront à faire la profession de foi entre les mains du doyen, suivant les formes de l’Église.
Article IV : Les rapports entre la faculté et ses membres d’un côté, et l’Église et les autorités ecclésiastiques de l’autre, sont déterminés par des règlements établis pour les facultés de théologie catholiques de Bonn et Breslau.
Article V : Si la preuve est fournie par les autorités ecclésiastiques qu’un des professeurs doit être considéré comme incapable de continuer son professorat, soit pour manque d’orthodoxie, soit en raison de manquement grave aux règles de la vie et de conduite d’un prêtre, le gouvernement pourvoira sans délai à son remplacement et prendra les mesures propres à faire cesser la participation dudit professeur aux affaires confiées à la faculté.
II Texte commentaire :
Pour mieux préciser le sens et la portée des articles de la Convention, concernant l’érection d’une faculté de théologie catholique à l’Université de Strasbourg, on a jugé nécessaire d’y joindre cette note explicative qui forme partie intégrante avec la Convention.
L’article premier de la Convention établit que le Grand Séminaire épiscopal qui, jusqu’à ce jour, était seul chargé de l’enseignement catholique donné aux futurs prêtres, ne sera destiné à l’avenir qu’à leur éducation ecclésiastique et pratique. Il ne saurait être en effet ni dans les intentions du gouvernement impérial ni dans celles du Saint-Siège que le Grand Séminaire ait le caractère d’une institution pouvant faire concurrence à la faculté. Les deux institutions doivent bien au contraire se compléter l’une l’autre. L’enseignement scientifique sera donné à la faculté et le Grand Séminaire sera chargé de l’éducation ecclésiastique et pratique des jeunes clercs. Cette division de la tâche répartie entre ces deux facteurs suppose un accord établi en ce sens qu’à l’avenir il ne sera fait au grand séminaire aucun cours académique sur des matières qui font partie du programme de la faculté de théologie catholique. L’accord n’exclut pas les répétitions et les conférences pratiques qui pourraient être faites au Grand Séminaire sur ces matières, mais les cours académiques proprement dits seront réservés expressément à la faculté ; on pourra seulement au Séminaire enseigner certains chapitres de la théologie pastorale, par exemple, l’administration du sacrement de la pénitence.
La faculté de théologie catholique ne pourra satisfaire aux obligations de la tâche qui lui est assignée dans l’article premier qu’à la condition de représenter toutes les branches des sciences théologiques et d’avoir des cours dans chacune de ces branches indiquées dans l’article second de la Convention. C’est répondre à l’esprit éclairé de Léon XIII auquel la science est redevable de tant d’encouragements que de donner à la faculté une organisation qui en fasse dès sa fondation une haute école de l’ensemble des sciences qui constituent la théologie catholique. ce n’est qu’à cette condition que la faculté sera à même de donner aux futurs prêtres un enseignement scientifique d’une extension et d’un caractère tels que l’église est en droit de les demander pour ses futurs prêtres et qu’elle pourra devenir le foyer des étude scientifiques pour la théologie catholique en Alsace-Lorraine. L’apologétique et l’archéologie sacrée ne devront pas manquer de figurer dans le cycle des cours de la faculté. Depuis que le grand savant J.-B. Rossi a donné des bases solides à l’archéologie sacrée, l’intérêt du monde savant et notamment du clergé de l’Alsace-Lorraine s’est porté vivement vers cette science. Il est donc indispensable qu’elle soit cultivée à la nouvelle faculté au même titre que les autres sciences théologiques.
En outre le gouvernement impérial, prenant en juste considération les besoins des élèves de la Faculté de théologie catholique, estime qu’il est de son devoir naturel de faire nommer à la faculté de philosophie de l’Université de Strasbourg un professeur d’histoire et un professeur de philosophie appartenant à la religion catholique.
L’article troisième de la Convention accorde à l’évêque du diocèse de Strasbourg de coopérer à la nomination des professeurs, et cela dans une plus large mesure que dans les autres pays allemands. aucun professeur ne pourra donc être nommé sans l’entente préalable entre l’autorité épiscopale et le gouvernement. Reste assurée à l’évêque la faculté d’appeler à tut moment des négociations, l’attention du gouvernement sur les candidats qualifiés. En leur qualité de professeurs de théologie catholique, les titulaires, avant leur entrée en fonction, auront à faire leur professio fidei suivant les règles établies par le droit canonique.
Dans l’article quatrième on s’en réfère aux dispositions correspondantes en vigueur pour les facultés de théologie catholiques de Bonn (section II, paragraphe IV, n. 3) et de Breslau (p. 48c).
Le droit de l’Église autant que son intérêt exigent que l’enseignement scientifique ne soit donné aux clercs que par des professeurs dont les doctrines et la conduite répondent à l’enseignement et aux préceptes de l’Église. Le gouvernement impérial reconnaît parfaitement la légitimité de cette exigence et donne l’assurance qu’il pourvoira sans délai au remplacement du moment que la preuve sera fournie par l’autorité ecclésiastique qu’un professeur doit être considéré comme incapable de continuer son professorat, soit pour manque d’orthodoxie, soit en raison de manquements graves aux règles de vie et de conduite d’un prêtre. Le gouvernement prendra en même temps les mesures propres à faire cesser la participation dudit professeur aux affaires confiées à la faculté. Le gouvernement admettra également que la preuve du manque d’orthodoxie aura été fournie toutes les fois qu’il aura été constaté par une décision donnée ou approuvée que le Saint-Père jugeant en dernière instance que le professeur s’est rendu coupable d’avoir, dans ses écrits ou de vive voix enseigné ou défendu en matière dogmatique ou morale une doctrine contraire à l’enseignement de l’Église catholique.
L’article qui se trouvait dans le premier projet de convention et qui réservait à l’évêque le droit de revenir à l’ancien état des choses en cas de non accomplissement de l’accord, a été supprimé, parce qu’il énonçait une clause dont le contenu s’entend de soi-même et qui est d’autant plus superflue que la législation existante garantit au surplus à l’évêque la possibilité de transférer à nouveau, dans ce cas, au grand séminaire, le droit de fermer sous tous les rapports les jeunes clercs à l’état ecclésiastique.
Berlin le 20 novembre 1902
Signé Baron Georges de Hertling.
III Constitution de la faculté de théologie dans l’université de Bonn (Allemagne) à laquelle la Convention et la note renvoient.
a) Personne ne peut être nommé ni admis à la faculté de théologie sans que l’avis de l’évêque soit demandé préalablement ; l’évêque a le droit de refuser la nomination ou l’admission à raisons d’objections fondées contre la doctrine ou la conduite de la personne en question.
b) dans le cas où l’évêque aurait à faire des objections contre la doctrine ou la conduite de la personne en question, le gouvernement prendra des mesures énergiques et y remédiera.
c) la faculté de théologie se trouve sous la surveillance de l’évêque (dans les questions spirituelles) en tant que l’Église participe au fonctionnement de la faculté. L’évêque peut l’inspecter ou la faire inspecter quand il lui plaît. Les livres et les programmes des cours lui seront soumis, il peut y faire des observations que la faculté accueillera avec respect.
d) L’évêque surveillera de même les membres de la faculté dans leur qualité de prêtres. Si quelqu’un manquait à cette qualité, l’évêque pourra faire la correction nécessaire en avertissant le gouvernement.
NB Les constitutions de la faculté de théologie de Breslau auxquelles la convention et la note renvoient aussi sont analogues aux constitutions de Bonn.
IV Bref « Cum venerabilis » du 3 septembre 1903 par lequel Pie X accorde à la faculté certains privilèges.
« Argentinensis studiorum Universitatis theologicae Facultati de apostolica nostra auctoritate praesentium vi perpetuumque in modum jus concedimus provehendi ad grdaum licentiae ac doctoris laurea decorandi discipulos, facto autem legitimo periculo ac ejusdem facultatis decano, quandocumque in gradibus suo munere defungitur, birreti rubri usum concedimus : hisce tamen perpetuo servatis condicionibus et legibus :
« Nimirum ut professores in dictam theologicam facultatem adlecti, docendi munus habeant ab ecclesiastica auctoritate demandatum ; iidemque quod doctrinam studiorumque theologicorum rationem pertinet, inspectioni ac moderationi ecclesiasticae ipsius auctoritatis obnixxi sint ; et circa fidei professionem sacrorum conaonum praescripta servent ; tandem ut theologicae aurea a facultate praefata nequeat conferri nisi anté venia et potestas singulis viribus impetrata ab Episcopo, cujus etiam erit, theses et lucubratas dissertationes , necnon periculorum instituendorum exitum agnoscendi »
Annexe 4 : Convention entre le gouvernement français et le Saint-Siège, 1923.
Nonciature apostolique de France, Paris, 16 novembre 1923
Monsieur le Président,
Je m’empresse d’accuser réception à V. Exc. de sa Note du 10 novembre concernant le maintien à l’université de Strasbourg de la faculté de théologie catholique.
En même temps j’ai l’honneur de communiquer à V. Exc. ce qui suit :
Le Saint-Siège, le 5 novembre 1902, signa avec le gouvernement allemand une convention relative à la création d’une Faculté de Théologie catholique à l’Université de Strasbourg, à cette Faculté, Pie X de s. m. accorda ensuite certains privilèges par le bref Venerabilis du 3 septembre 1903. Après le retour de l’Alsace Lorraine à la France et la cessation consécutive de l’autorité allemande sur ce territoire, la convention devint caduque ainsi que le bref, conformément à la déclaration du Saint-Siège dans la lettre du 15 mars 1919 et à l’allocation consistoriale du 21 novembre 1921. Le gouvernement français demande que la convention soit remise en vigueur avec tous les privilèges concédés par Pie X, lui-même, se substituant au gouvernement allemand. Le Saint-Siège y consent bien volontiers à la condition que soient maintenues les bases de ladite convention, exposées dans les quatre documents annexes. Il désire seulement que certains points soient mieux éclairés et précisés, dans le but surtout d’éviter à l’avenir les graves inconvénients qui se vérifièrent dans le passé, au préjudice de la formation ecclésiastique et scientifique des jeunes clercs. En conséquence le Saint-Siège donne son consentement aux conditions suivantes :
1) Tout ce qui est prescrit dans les quatre documents annexes reste en vigueur et doit être exactement observé. Toutefois la clause contenue dans le document II touchant l’engagement pris par le gouvernement impérial de faire nommer à la faculté des lettres un professeur d’histoire et un professeur de philosophie qui soient de religion catholique tombe du fait que le gouvernement français n’exige plus que les étudiants de la faculté de théologie catholique soient tenus de suivre certains cours à la faculté des lettres, et qu’il admet, à la demande du Saint-Siège, que l’évêque pourvoie dans son séminaire même à l’enseignement des principes de la philosophie aux jeunes séminaristes.
2) si dans ces documents se rencontrent des dispositions présentant entre elles quelque différence, les plus favorables aux droits de l’évêque doivent prévaloir.
3) Ces paroles du document II : « reste assurée à l’évêque la faculté d’appeler à tout moment des négociations l’attention du gouvernement sur des candidats qualifiés » doivent s’entendre dans ce sens que les indications de l’évêque seront accueillies par la faculté de théologie, à moins que ne s’y opposent des raisons sérieuses étrangères à la doctrine.
4) Ces paroles du document III : « les livres et les programmes des cours lui (à l’évêque) seront soumis ; il peut y faire ses observations que la faculté accueillera avec respect » doivent s’entendre en ce sens qu’on devra tenir compte des observations de l’évêque.
5) La mission canonique pour l’enseignement de la théologie étant conférée par l’évêque, au terme du document IV, il est entendu que si l’évêque la retire à un professeur, celui-ci devra immédiatement cesser son enseignement. En cas de contestation de la part du professeur, l’interdiction épiscopale devra être confirmée par le Saint-Siège, mais l’appel au Saint-Siège n’est pas in suspensivo.
6) La fréquentation des cours de la faculté par les jeunes séminaristes devra être organisée par un règlement de l’évêque que chacun dans la faculté devra respecter et faire respecter.
7) Dans le cas où les conditions exposées dans les documents annexes seraient violées au préjudice de la formation ecclésiastique des jeunes séminaristes, ou si la faculté refusait obéissance aux prescriptions du Saint-Siège, l’évêque, après avoir averti en vain le doyen de la faculté, aura le droit et le devoir d’agir conformément aux instructions du Saint-Siège, contenues dans la lettre citée plus haut, du 15 mars 1919 ainsi qu’il est dit à la fin du document II.
Il est bien entendu que cette mesure ne pourra être prise par l’évêque avant que le Saint-Siège n’ait constaté que les conditions se sont vérifiées.
Sur la base des quatre documents ci-joints ainsi mieux expliqués et précisés le Saint-Siège déclare et décide que la convention du 5 décembre 1902 est désormais en vigueur entre le gouvernement français et le Saint-Siège avec les privilèges concédés par Pie X mentionnés dans le document IV.
Signe Cerretti.
Le 17 novembre 1923, le ministre français approuve et signe.
« J’ai l’honneur d’accuser réception à v. Exc. De la dépêche en date du 16 novembre, que je viens de recevoir sous le n° 2977, touchant le maintien de la Faculté de théologie catholique de l’Université de Strasbourg.
Je déclare en accepter les conclusions et en conséquence considérer comme remise en vigueur entre le gouvernement de la République française et le Saint-Siège, la Convention conclue le 5 décembre 1902 entre le Saint-Siège et le gouvernement impérial allemand touchant le fonctionnement de la Faculté de théologie catholique de l’Université de Strasbourg, moyennant les éclaircissements et les précisions qui s’ensuivent. »
ANNEXE 5 : Accord entre la République française et le Saint-Siège sur la reconnaissance des grades et diplômes dans l’enseignement supérieur, ensemble un protocole additionnel d’application, signé à Paris le 18 décembre 2008.
La République française, d’une part, et Le Saint-Siège, d’autre part, ci-après dénommés « les Parties»,
considérant la Convention sur la reconnaissance des qualifications relatives à l’enseignement supérieur dans la région européenne, signée à Lisbonne le 11 avril 1997 et ratifiée par les deux Autorités ;
réaffirmant leur engagement, dans le cadre du « processus de Bologne », de participer pleinement à la construction de l’espace européen de l’enseignement supérieur en améliorant la lisibilité des grades et des diplômes d’enseignement supérieur délivrés par les établissements habilités à cet effet sont convenus de ce qui suit :
Article 1er Objet de l’accord
Le présent accord, selon les modalités énoncées dans son protocole additionnel, a pour objet : 1. la reconnaissance mutuelle des périodes d’études, des grades et des diplômes de l’enseignement supérieur délivrés sous l’autorité compétente de l’une des Parties, pour la poursuite d’études dans le grade de même niveau ou dans un grade de niveau supérieur dans les établissements dispensant un enseignement supérieur de l’autre Partie, tels que définis à l’article 2 du présent accord ; 2. la lisibilité des grades et des diplômes de l’enseignement supérieur délivrés sous l’autorité compétente de l’une des Parties par une autorité compétente de l’autre Partie.
Article 2 Champ d’application
Le présent accord s’applique :
Pour l’enseignement supérieur français : aux grades et diplômes délivrés sous l’autorité de l’Etat par les établissements d’enseignement supérieur.
Pour les Universités catholiques, les Facultés ecclésiastiques et les établissements d’enseignement supérieur dûment habilités par le Saint-Siège : aux grades et diplômes qu’ils délivrent dans les disciplines énumérées dans le protocole additionnel. Une liste des institutions ainsi que des grades et diplômes concernés sera élaborée par la Congrégation pour l’Éducation catholique, régulièrement tenue à jour et communiquée aux Autorités françaises.
Article 3 Entrée en vigueur
Le présent accord entre en vigueur le premier jour du deuxième mois suivant la date de la dernière notification des parties s’informant mutuellement de l’accomplissement des procédures internes requises pour son entrée en vigueur.
Article 4 Modalités de mise en œuvre
Un protocole additionnel joint au présent accord et faisant partie intégrante de ce dernier, prévoit les modalités d’application des principes contenus au présent accord. Ce document pourra être précisé ou modifié par les autorités compétentes désignées par les deux Parties, sous la forme d’un échange de lettres.
Article 5 Résolution des différends
En cas de différend concernant l’interprétation ou l’application du présent accord et de son protocole additionnel, les services compétents des deux Parties se consultent en vue de régler le différend par voie de négociation amiable.
Article 6 Durée de l’accord
Le présent accord est conclu pour une durée indéterminée. Il peut être dénoncé par chacune des Parties et cette décision entrera en application trois mois après cette notification officielle. En foi de quoi, les soussignés, dûment habilités à cet effet, ont signé le présent accord.
Fait à Paris, le jeudi 18 décembre 2008, en double exemplaire, en langue française.
Protocole additionnel
Article 1er Champ d’application du protocole additionnel
Le présent protocole s’applique :
Pour l’enseignement supérieur français : aux grades et diplômes délivrés sous l’autorité de l’État par les établissements d’enseignement supérieur autorisés.
Pour les universités catholiques, les facultés ecclésiastiques et les établissements d’enseignement supérieur dûment habilités par le Saint-Siège : aux grades et diplômes qu’ils délivrent dans les disciplines énumérées à l’article 2 du protocole additionnel. Une liste des institutions ainsi que des diplômes concernés sera élaborée par la Congrégation pour l’Éducation catholique, régulièrement tenue à jour et communiquée aux autorités françaises.
Article 2 Information sur les grades et diplômes :
Pour l’enseignement supérieur français : les grades fixent les principaux niveaux de référence de l’Espace européen de l’enseignement supérieur. Ils sont au nombre de quatre : le baccalauréat comme condition d’accès aux diplômes de l’enseignement supérieur ; la licence (180 crédits européens ECTS sur la base de 60 crédits ECTS par an) ; le master (300 crédits européens ECTS sur la base de 60 crédits ECTS par an) ; le doctorat. Le grade est conféré par un diplôme délivré sous l’autorité de l’État et porteur de la spécialité.
Pour les universités catholiques, les facultés ecclésiastiques et les établissements d’enseignement supérieur dûment habilités par le Saint-Siège : ― diplômes délivrés par les universités catholiques et les établissements d’enseignement supérieur dûment habilités par le Saint-Siège ; ― diplômes ecclésiastiques directement délivrés par les facultés ecclésiastiques sous l’autorité du Saint-Siège.
Article 3 Reconnaissance des diplômes conférant un grade et entrant dans le champ d’application
Pour l’application du présent protocole, le terme « reconnaissance » signifie qu’un diplôme obtenu dans l’une des Parties est déclaré de même niveau pour produire les effets prévus par l’Accord. Sur requête préalable des intéressés, sont reconnus de même niveau : a) Le doctorat français et les diplômes ecclésiastiques de doctorat ; b) Les diplômes français de master (300 crédits ECTS) et les diplômes ecclésiastiques de licence ; c) Le diplôme français de licence (180 ECTS) et les diplômes ecclésiastiques de baccalauréat. Les autorités compétentes pour la reconnaissance des diplômes sont : ― pour la lisibilité des grades et diplômes de l’enseignement supérieur délivrés sous l’autorité compétente de l’une des Parties : ― en France : le Centre national de reconnaissance académique et de reconnaissance professionnelle ― Centre ENIC-NARIC France près le Centre international d’études pédagogiques (CIEP) ; ― auprès du Saint-Siège : le bureau du Saint-Siège pour les reconnaissances académiques, qui se trouve auprès de la Nonciature en France. ― pour la poursuite d’études : ― dans les établissements d’enseignement supérieur français : l’établissement d’enseignement supérieur dans lequel souhaite s’inscrire l’étudiant ; ― dans les universités catholiques, les facultés ecclésiastiques et les établissements d’enseignement supérieur dûment habilités par le Saint-Siège : le bureau du Saint-Siège pour les reconnaissances académiques, qui se trouve auprès de la Nonciature en France.
Article 4 Reconnaissance des périodes d’études et des diplômes ne conférant pas un grade
1. Les études et les établissements où elles sont poursuivies doivent correspondre aux conditions prévues à l’article 1er du présent protocole.
2. Sur demande préalable des intéressés, les examens ou périodes partielles d’études validées dans des établissements dispensant un enseignement supérieur donnant lieu à la délivrance d’un diplôme reconnu dans l’une des Parties sont pris en compte, notamment sur la base du système de crédits européens ECTS, pour la poursuite d’études au sein des établissements dispensant un enseignement supérieur reconnu dans l’autre Partie.
3. L’autorité compétente pour la reconnaissance des périodes d’études est : ― dans les établissements d’enseignement supérieur français : l’établissement d’enseignement supérieur au sein duquel le demandeur souhaite poursuivre ses études ; ― dans les universités catholiques, les facultés ecclésiastiques et les établissements d’enseignement supérieur dûment habilités par le Saint-Siège : en accord avec la Congrégation pour l’éducation catholique, le bureau du Saint-Siège pour les reconnaissances académiques, qui se trouve auprès de la Nonciature en France.
Article 5 Suivi du présent protocole
Les services compétents des deux Parties se réunissent en tant que de besoin pour l’application du présent protocole. Les services chargés de l’information sur les diplômes délivrés dans chacune des deux Parties sont : ― pour la France : le centre ENIC-NARIC France ; ― pour le Saint-Siège : en accord avec la Congrégation pour l’éducation catholique, le bureau du Saint-Siège pour les reconnaissances académiques, qui se trouve auprès de la Nonciature en France.
Fait à Paris, le 16 avril 2009.
Par le Président de la République : Nicolas Sarkozy
Le Premier ministre, François Fillon
Le ministre des affaires étrangères et européennes, Bernard Kouchner.
[1] Document disponible sur le site : www.hci.gouv.fr
[2] Document disponible sur le site du Figaro : http://www.lefigaro.fr/assets/pdf/Avis.pdf
[3] Voir le texte complet en Annexe 3.
[4] Voir en Annexe 1, et 2 les textes du concordat et des articles organiques des cultes catholique, protestant et juif.
[5] Jean-Pierre Wagner : « Théologie catholique : une faculté unique en France », l’Actu, Journal électronique de l’Université de Strasbourg, n° 75, édition du 24 mai 2013.
[6] Christian Pfister : Rapport sur l’université de Strasbourg, Paris, 1917.
[7] Voir en Annexe 2 le texte des articles organiques concernant les cultes protestants.
[8] Le livret est téléchargeable sur le site de l’ESPE, Université de Strasbourg.
[9] Dernières Nouvelles d’Alsace, 25 septembre 2013.
[10] Michel Deneken, « La théologie dans la nouvelle Université de Strasbourg », Recherches de sciences religieuses, 2004/4 tome 96, p. 529. Article en ligne.
[11] Michel Deneken, « La théologie dans la nouvelle Université de Strasbourg », Recherches de sciences religieuses, 2004/4 tome 96, p. 543.
[12] Jean-Pierre Wagner : « Théologie catholique : une faculté unique en France », L’Actu, Journal électronique de l’Université de Strasbourg, n° 75, édition du 24 mai 2013.
[13] Jean-Pierre Wagner : « Théologie catholique : une faculté unique en France », l’Actu, Journal électronique de l’Université de Strasbourg, n° 75, édition du 24 mai 2013.
[14] Michel Deneken, « La théologie dans la nouvelle Université de Strasbourg », Recherches de sciences religieuses, 2004/4 tome 96, p. 539.
[15] Michel Deneken, « La théologie dans la nouvelle Université de Strasbourg », Recherches de sciences religieuses, 2004/4 tome 96, p. 543.
[16] Ibid. p. 545.
[17] Samuel Laurent, Jonathan Parienté et Jules Bonnard : Dans le maquis des associations d’État », Le Monde, 3 juillet 2013, p. 20-21
[18] Texte disponible en ligne : proposition de loi n° 3216 du 6 juin 2006, François Grosdidier, http:/www.assemblee-nationale.fr/12propositions/pions3216.asp.
[19] Robert Grossmann, blognote, 13 mars 2011, Un islam de France, débat sur Facebook.
[20] Ce rapport a été commandité par le ministre de l’Intérieur E. Valls et la ministre de l’enseignement supérieur G. Fioraso. Il devait être rendu public dans les prochains mois.
[21] Cette liste est celle des élus Snesup-FSU, SNCS-FSU, Snasub-FSU, SNTRS-CGT, SNPREES-FO et Sud-Education-Uds.
[22] Jean Riedinger, « Les diplômes du Saint-Siège reconnus en France », publié le 9 mai 2009 par NSAE dans l’Observatoire chrétien de la laïcité (OCI), disponible en ligne.
[23] Rapport d’étape de l’Observatoire de la laïcité, p. 50 à 56.
[24] Institut privé qui s’autoproclame « scientifique » et défend farouchement l’idée que le droit local forme un tout à préserver.
[25] Éric Sander : : « De 1902 à 2002 : la pérennité du statut de la faculté de théologie catholique », Revue des sciences religieuses, janvier 2004, p. 24.
[26] Ibid. p. 22.
[27] Ibid. p. 25.
[28] Ibid, p. 21.