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Billet de blog 13 janvier 2014

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« 14-18 Fusillés pour l’Exemple ». Réhabilitations et documentaires au Fipa 2014 et sur France 3 Corse Via Stella

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FIPA 2014 BIARRITZ. A la grande boucherie de 14 −18 s’est ajoutée la barbarie des tribunaux militaires. Des soldats ont été « fusillés pour l’exemple », exécutés par leur propre pays. Suite à des condamnations injustes soit disant pour trahison, automutilation, désertion. Certains ont été réhabilités dès 1918, d’autres après 100 ans de silence. Des familles réclament encore la dignité des inscriptions sur les Monument aux Morts. Mais les cinéastes veillent accomplissant un remarquable travail de mémoire.
Ainsi le Fipa de Biarritz 2014 (21-25 janv.) programme un Close Up on the World War 1914-1918 pour « explorer l'imaginaire collectif, les réminiscences et traces multiples politiques, sociales ». En Corse, les élus territoriaux et France 3 Corse Via Stella ont réagit dès 2011 avec une motion et un documentaire de Jackie Poggioli « Fucilati in prima ligna ». A Paris le 15 janvier s’ouvre une exposition « Fusillés pour l’exemple, les fantômes de la République ». FIPA 2014 . Comment les cinéastes font-ils éclater la vérité sur des faits tabous et occultés depuis un siècle ? Quelles sont leurs motivations, les enjeux de leurs recherches ? « Á l'heure où l'on commémore le centenaire de la guerre 14-18, la télévision s'empare de la mémoire d'un des événements les plus sanglants et néanmoins décisifs de notre histoire contemporaine » : le 27e Festival International des programmes audiovisuels propose des débats et des documentaires. Dont un Close Up World War 1914-1918 : « au plus près de la création qui tant nous émeut, nous interpelle et nous concerne, à travers un florilège des œuvres nées de l’excellence de la production télévisuelle du monde entier. Car partager ne se contente pas de rimer avec images : il est le maître-mot de l’audiovisuel. » précise le président du FIPA Didier Decoin.
Une rencontre sur le thème « Comment raconter la guerre de 14 à la télévision? » sera animé à Biarritz par Gilles Heuré, écrivain et journaliste à Télérama. Sera présenté le film « Juste avant l’orage » de Don Kent, une « minutieuse et poétique radioscopie » de l’Europe avant l’explosion de 14-18. La documentariste Georgette Cuvelier signe « 14-18 Refuser la guerre » film choral d’après des témoignages français, allemands, anglais et russes. Est aussi programmé « Ten orlog At war » du belge Mickaël Cops un voyage de trois amis sur la ligne de front. 
FRANCE 3 CORSE VIA STELLA. Arpenter les sites historiques et les cimetières de la Picardie qui longent les tranchées : Jackie Poggioli l’a fait dès 2010. Un travail salué et prolongé par une motion de l’Assemblée de Corse. Son film « Fucilati in prima ligna » révéle la longue marche des anciens compagnons, des amis, des descendants des poilus accusés à tort et fusillés du fait de l’arbitraire de certains tribunaux militaires. Une traversée du temps pour les familles miraculeusement accompagnée par le travail de mémoire de documentaristes tenaces dans leur engagement quasi militant au service de la vérité historique. Journaliste à France 3 Corse Via Stella, Jackie Poggioli défie le temps ! Au fil de son documentaire, elle relate non seulement la tragédie des fusillés insulaires, mais elle découvre trois nouveaux cas de soldats corses de 14 -18, eux-aussi injustement accusés. Recherches dans les archives, la presse, l’actualité politique de l’époque et les visites des cimetières… comment avance-t-on dans l’investigation sur la guerre de 14-18 ? «  Il faut, dit-elle, remonter à la source. Je suis d’Aullène en Corse-du-Sud c’est le village de Joseph Tomasini fusillé pour l’exemple, dont l’exécution fût dévoilée dès 1918. Mon grand - père, capitaine déjà à la retraite, s’était réengagé et a fait toute la guerre. Il avait toujours fidèlement défendu la mémoire de Joseph Tomasini, il y avait donc la tradition familiale et la mémoire orale du village. Après j’ai voulu en savoir plus, on racontait tant de choses, on ne savait rien du dossier mais on avait cette proximité avec cette histoire. Après un siècle il me semblait aberrant que de très jeunes hommes aient été ainsi tués. Alors on se lance dans l’investigation. Etre journaliste c’est pour faire la lumière. » L’histoire tragique de Joseph Tomasini ? L’un de ses compagnons co accusé Jules Arrios, est blessé et opéré par le chirurgien aux armées Robert Proust. Le frère de l'écrivain découvre alors les exécutions et lance la procédure de révision concernant Arrio et tous les soldats inculpés avec Tomasini. Le scandale des « Fusillés pour l’exemple » commence...

Laissant toutefois dans l’ombre en France, des dizaines de cas similaires. Joseph Tomasini loin de s’être automutilé avait reçu des éclats de schnarpels allemands. Son exécution est une barbarie de plus. 
Autre tragédie celle du soldat corse François-Marie Guidicelli (140e d’Infanterie) , accusé à tort en 1915 d'abandon de poste, le jeune homme avait été exécuté le jour de son 21ème anniversaire et inhumé à Caix (Somme). Après un hommage, sa dépouille est retournée à Santa Reparata ( Hte Corse - sept. 2013) . Des retrouvailles et le fil de l’histoire renoué, entre le destin d’un soldat corse et sa famille, et ce grâce à la perséverance de Jackie Poggioli. Sur les 600 fusillés français de 14-18 une dizaine est récensée en Corse. Certains ont été réhabilités, d’autres pas. Pendant un siècle, les témoignages , les livres, les films ( Les Sentiers de la gloire de S Kubrick, film interdit  par la censure en France pendant plusieurs décennies)  sont restés confidentiels. Parfois illettrés et peu francophones les soldats corses ont été particulièrement vulnérables face aux tribunaux militaires et Jackie Poggioli a montré « au travers de témoignages, la douleur et l’injuste indignité que supportent encore aujourd’hui les familles de ces soldats exécutés. » . En solidarité avec les centaines de familles françaises dont les ascendants ont été arbitrairement fusillés  : l’Assemblée de Corse a voté une motion : « la réhabilitation, en France, de quelques soldats, dont Joseph Gabrielli de Pietraserena et Joseph Tomasini d’Aullène, grâce à l’action de la Ligue des Droits de l’Homme et aux anciens combattants jusqu’aux années 1930, ne suffit pas à apaiser les mémoires. Celles des familles concernées et celle de la République, en Corse comme sur l’ensemble du territoire français ». Suite au travail de la section de Corse de laLDH  et suite à l’hommage aux habitants de Sarcus (Somme), "qui pendant 95 ans, ont entretenu dans le cimetière les tombes de Sylvestre Marchetti et de son compagnon d’infortune, Julien Lançon, également fusillé pour l’exemple" : les élus de Corse demandent que « une commission permanente chargée d'établir certains faits concernant le sort de tous les soldats fusillés pour l'exemple non réhabilités, composée d'historiens, de juristes, des associations, du Service historique de la Défense. Les noms de tous les réhabilités seraient inscrits, après accord des familles, sur les monuments aux morts. L'inscription « mort pour la France » serait transcrite dans les registres d'état civil. ». En observant ces retours dans l’île, ces réhabilitations, on constate que la Corse éprouve en continu le besoin viscéral de reconnaissance pour ses soldats, pour son histoire si particulière, si complexe, si occultée. Ainsi il a fallut attendre 70 ans pour que la Corse 1er Département français libéré en 1943 ( par la Résistance et suite à une insurrection populaire ) soit mentionné dans les livres d’histoire. Pourquoi l’île doit-elle toujours se reconnecter à sa propre histoire ? Jackie Poggioli  : «  on vit dans une zone périphérique cela se retrouve dans les discours dominants, les faits historiques. Ainsi mon grand-père remobilisé en 14 était très inquiets de voir partir de très jeunes soldats sans aucune expérience du continent et en Corse quasiment sans préparation militaire. D’autres maltraitances ont été constatées en Corse en 1914 : la mobilisation de jeunes de 17 ans sans accord des parents, de pères veufs avec enfants à charge, de pères de plus de 6 enfants. Les jeunes soldats corses souvent corsophones étaient vulnérables, ne parvenaient pas à se défendre. Il y a eu aussi une vague de corsophobie avec une campagne violente dans la presse et à l’Assemblée Nationale en 14 . Cela a concerné tles provençaux du le 15 e Corps d’Armée. On leur avait attribué l’échec de la première offensive ratée de 1914. Ensuite tout cela s’est atténué. Mais il y a eu aussi une exécution collective sommaire de 39 soldats corses du 173e  Régiment d’infanterie le 21-08-14, engagés sur le front dans des conditions qui accusaient le haut commandement. En l’état actuel des connaissances historiques, l’Assemblée de Corse constate qu’il n’existe pas de trace d’un procédé de cet ordre dans un régiment métropolitain". Un fait rapporté par le Commandant Jacquand dans un document révélé par Jackie Poggioli, qui relate également les comportements discriminatoires subis par les survivants du 173e RI au lendemain du déclenchement de la bataille de Dieuze le 20 août 1914.

Liliane Vittori

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