Luljaze (avatar)

Luljaze

Abonné·e de Mediapart

19 Billets

0 Édition

Billet de blog 1 février 2015

Luljaze (avatar)

Luljaze

Abonné·e de Mediapart

M6r, l'urgence de l'action et le lent travail de l'histoire

Luljaze (avatar)

Luljaze

Abonné·e de Mediapart

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Quand on signe au m6r.fr, c'est dans un élan d'espoir. L'espoir que notre voix va enfin compter, que l'on va être nombreux, motivés, que l'on va former tous ensemble une immense vague qui va enfin renverser le vieux système miteux et croulant, qu'on puisse le passer, ce coup de balai, pour pouvoir construire quelque chose de beau, de neuf, de bien pensé, avec nos mains, nos petites mains à nous tous. On signe parce qu'on en a marre, ras le bol et la casquette, qu'on est exaspéré, indigné, révolté, qu'on fulmine de colère et de rage devant autant de gâchis, autant de choses qui étaient belles et se délabrent, autant de possibilités qui ne se réalisent pas pour des raisons ineptes, autant d'injustices inutiles. On voudrait que ça change, et vite. Et plus vite que ça ! DU BALAI !

Puis on est plein d'enthousiasme ! C'est notre premier engagement politique, ou premier depuis longtemps, on regarde autour de nous, on voit que d'autres y arrivent, alors pourquoi pas nous ? La victoire de Syriza ce week-end soulève un immense enthousiasme, une incroyable impatience d'en découdre à notre tour avec le système et la caste qui accapare un pouvoir qu'ils nous ont volé. De préférence avant d'en arriver au point où en est la Grèce, chômage à 27 %, chute alarmante de la santé publique, services publics laminés, hausse inquiétante des suicides, ruine de l'économie, fachos en embuscade, etc. On voit que eux, leur première mesure ou presque est de réintégrer les personnes qui faisaient le ménage de l’administration des Finances du pays, qui avaient été virés par l'administration précédente. Ils vont tenir bon, j'en suis sûre.

Plus près encore, en Espagne, il y a Podemos, un mouvement semblable au nôtre (dont nous nous inspirons largement à vrai dire :-) ), perce dans les élections, met à la ramasse tous les vieux partis, et se place en tête des sondages électoraux, bien partis pour l'emporter la prochaine fois. Ils ont organisé une marche, hier, on voit que les places publiques sont remplies par une foule immense. Alors pourquoi pas nous ? Là maintenant, tout de suite ?

Sauf que Rome ne s'est pas fait en un jour, la 6ème non plus. Encore, Rome on pouvait prévoir son plan, les sept collines et tout, alors qu'une sixième république, citoyenne, écologique et sociale, ça, il n'y a pas de mode d'emploi pour le faire. Ni pour l'obtenir, avec quelle stratégie on va mettre par terre le vieux système, et en reconstruire un nouveau. Mais ce fichu système, tout croulant et moisi soit-il, se défend encore pas mal. Acculé, menacé, cerné, tremblant sur ses bases de sable, il se raidit, tente de se défendre, devient agressif, sort ses griffes. Pas contre ses vieux ennemis qui le servent plus qu'ils ne le combattent (les anti-système de service), mais contre nous ! Les gens simples qui voulons changer le monde. Nous sommes le vrai danger. Parce que potentiellement, nous sommes très nombreux. Donc puissants. Et si nous sommes capables de nous rappeler que c'est nous le souverain, gare à eux !

Alors un peu de philo. Un peu de temps en temps, ça fait du bien, ça décrasse les neurones. Bon, trop, ça prend le chou, d'accord. Soyons modestes.

D'une part, il y a l'urgence de l'action, nous sommes à bout, nous en pouvons plus, nous voulons que ça change.

D'autre part, il y a le lent travail de l'histoire. Le temps que ça prend pour convaincre les autres. Sa famille, ses voisins, ses potes, ses collègues de boulot, ses anciens camarades, les gens qu'on connaît pas, ses « amis » sur facebook, les autres. Ça prend du temps de convaincre que l'objectif est valable, que l'on peut y arriver, que nous sommes nombreux. Un temps infini, et une patience de fourmi. Pour faire bouger les masses petit à petit. Puis on sait pas comment faire, nous. Nous ne sommes pas politiques, enfin, pas plus qu'un autre, avec nos petits bras musclés on ne va pas bien loin. Puis on se décourage, on se dit que ça sert à rien. Alors que eux sont surpuissants, organisés, capables d'anticiper, de dominer, de ruiner en un instant le fruit d'un mois d'efforts.

L'opposition entre les deux, ça s'appelle une dialectique. Une dialectique, c'est une opposition dynamique, et inextricable. Donc on va dire que le m6r.fr est pris dans la dialectique de l'urgence de l'action et du lent travail de l'histoire. Ça veut dire que plus l'action est urgente, plus le travail de l'histoire est lent et difficile (punaise, quelle inspiration aujourd'hui ! Bon, stop la philo).

L'organisation du m6r n'est pas une mince affaire. Déjà parce qu'on sait pas comment s'y prendre. Ensuite parce qu'auto-organiser quelque chose, c'est pas évident évident. Déjà à 5 on n'est pas d'accord, alors à 75 000 ! Et on voudrait que ça aille si vite !

Difficile pour nous de répondre aux impatiences légitimes que nous ressentons de façon toute aussi aiguë. Mais il est difficile d'aller plus vite que la musique. Plus vite que nos propres capacités d'action. Qui sommes nous à « organiser » le m6r ? Aucune idée, vraiment. Les 9/10ème je les ai jamais rencontrés, je ne connais d'eux qu'un nom, un mail, une voix parfois. On se croiserait dans la rue par hasard qu'on se reconnaîtrait sans doute pas, alors qu'on fait tellement de boulot ensemble ! Certains je les connais d'une autre vie, ça ne m'a pas étonné de les retrouver là, qu'on ait eu la même idée d'appuyer sur le bouton j'aide du m6r.fr. Dès fois on glane une info personnelle au hasard des discussions plus techniques, une compétence que l'on ignorait et qui sort subitement de l'ombre nous sauver le projet en cours.

Nous sommes des gens normaux, nous avons nos vies, nos joies, nos peines. Certains ont un travail, un travail prenant qui leur laisse peu de temps pour aider, d'autres pas et en cherchent, certains sont étudiants encore, et en janvier c'est coton, ya les partiels, révisions, rendus de travaux. Certains ont une famille, des gosses, dont il faut s'occuper, et qui va prévoir qu'il devait bosser pour le m6r mais qu'en fait sa famille a besoin de lui, ou qu'il va simplement choper la crève et rester à agoniser dans son lit pendant 3 jours ? Personne évidemment. Donc, le m6r et la révolution, c'est bien sympa, mais ça passe après, et c'est bien normal. Qui nous blâmerait pour cela ?

Enfin les amis, soyons cohérents. Vous (enfin, des gens, je sais pas qui vous êtes non plus) nous engueulez fréquemment parce qu'on va pas assez vite, qu'on n'apporte pas les modifications prévues, qu'on obtempère pas à la minute, que les outils qu'on propose ne sont pas parfaits et marchent pas très bien. Vous êtes impatients, avides d'avancer et de réussir, autant que nous le sommes. Mais en même temps on ne peut pas à la fois réclamer avec justesse un mouvement citoyen, du peuple pour le peuple, dénoncer à juste titre les partis politiques pourris et corrompus jusqu'à la moelle, les arrivistes, faux-jetons, profiteurs, arnaqueurs professionnels en tous genres qui y pullulent, ET EN MÊME TEMPS nous reprocher notre amateurisme ! C'est justement le but ! Personne ne comprendrait que le m6r ait subitement plein de pognon, recrute des permanents et chargés de mission, et se fasse sa petite popote tranquillou en bon vieux notable du PS ou de l'UMP.

Alors, nous sommes ce que nous sommes. Nous faisons un travail d'amateurs, de bons amateurs même. Des gens qui savent un minimum ce qu'ils font, qui offrent leurs compétences dans le domaine où par ailleurs ils sont pros (ou pas), mais qui prennent sur leur temps libre pour le faire. Nous sommes tous absolument bénévoles, et même, nous sommes les premiers à avancer les frais sur nos deniers, si besoin est, pour que ça puisse rouler le temps qu'on récolte des fonds. Et les litres de café, on y pense aux litres de café ?? Et perso, je roule pas sur l'or, les autres non plus (sinon ils bosseraient pas pour le m6r.fr ^^).

Alors les engueulades, OK, ça fait partie de l'ensemble, ça me dérange pas outre mesure, mais allez y mollo quand même. N'oublions pas que tout ce qui est fait, l'est par les efforts de militants bénévoles. Oui j'emploie le mot de militant, au risque d'en agacer certains (ou plutôt pour le pur plaisir de, mouahahaha) qui couinent par réflexe dès qu'il le lisent (militant = corrompu par un parti = arriviste aux dents longues = fraudeur fiscal en puissance = avide de pouvoir = va nous trahir à la première occasion ; je caricature mais j'ai lu des tas de trucs de ce genre sur le mur citoyen du m6r). Et comment on s'appellerait sinon ? Juste des gens qui travaillent activement pour faire avancer ses idées.

Nous pouvons faire avancer le m6r une fois nous sommes bien crevés par notre journée de 8h + vie quotidienne, de famille, et tâches diverses, comme tout le monde. Ce temps-là est pris sur le temps que les autres ont de libre pour se détendre, flâner, aller au ciné, lire un bouquin, glander en paix sur son canap à regarder une bonne vieille série, voir ses amis, son/sa/ses cher/e/s et tendre/s.

Alors si vous voulez un travail de pro, payés largement, faut s'adresser à Bygmalion, ce sont eux les spécialistes. Si vous voulez un mouvement citoyen, il faut en accepter les principes et les conséquences : on n'a pas que ça à faire ! Donc ça prend des plombes, et c'est normal. Nous aussi on aimerait que ça aille plus vite. D'ailleurs, si ce post t'a motivé pour nous filer un coup de patte, c'est par là : >>>>>> https://www.m6r.fr/2014/09/jaide/ <<<<<<<

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.