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Billet de blog 29 janvier 2015

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M6r, pourquoi une pétition ?

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Au début ça paraissait simple. Une bonne vieille pétition en ligne, les gens signent, font passer le message, et plus ça va, plus on est nombreux. Et plus on est nombreux, plus on a de la force pour passer à la prochaine étape. La prochaine étape ? Malheur… Qu'est-ce qu'on va faire après avoir agrégé des gens autour d'une idée simple ? Comment on va faire pour que le mouvement s'auto-organise ? Par où on commence ? Il faut bien donner une impulsion de départ, puis se donner les moyens de s'auto organiser. Comment, mystère et boule de gomme. On va bien trouver.

Mais pour le moment, le problème est surtout que, étant victimes de notre succès, le serveur sur lequel est hébergé la pétition est saturé par l'afflux soudain de signataires, et la page inaccessible. Il faut changer cela en urgence, sous peine de faire plouf, et de perdre la dynamique du lancement. Heureusement, nous étions en plein pendant la fête de l'Huma, où se trouvent rassemblés des tas de gens susceptibles de signer. Le bruit de l'ouverture de la pétition court vite. Les signatures papier affluent. Des gens s'occupent de faire le tour des allées. On blêmit juste un peu en pensant au temps que ça prendra de valider informatiquement toutes ces signatures, déchiffrer les écritures, que faire de ceux qui ne laissent pas leur contact, etc.

Pour l'heure, la pétition avance vite. On passe le cap des 10 000 tellement vite qu'on a même pas le temps de s'en rendre compte. Le cap des 25 000 est passé le 18 septembre, soit 5 jours après le lancement, sans même avoir pris en compte les signatures papier de la fête de l'Huma.

Signer la pétition, c'est à mi-chemin entre l'engagement politique (s'encarter), et aller à une manif (qui n'engage à rien, c'est simplement ponctuel).

Il y a eu de grosses manifs pour la sixième république, ne serait-ce que la marche du 5 mai 2013 qui a rassemblé 120 000 personnes à Paris, de Bastille à République, ou les meetings pour la sixième république en 2012, organisés par le Front de Gauche à la Bastille à Paris, au Prado à Marseille, et au Capitole à Toulouse (certes, tous les gens qui sont favorables à la sixième République ne votent pas Front de Gauche, mais dans le grand groupe de ceux qui sont pour la 6ème, on peut déjà compter comme sous-ensemble la majeure partie de ces électeurs, particulièrement s'ils se rendent à un meeting pour la 6ème République). Il y a donc du potentiel de gens déjà plus ou moins acquis à la cause. L'ennui d'une manif ou d'un meeting, c'est qu'une fois l'événement terminé, les gens disparaissent dans la nature. L'ennui d'un meeting politique, c'est qu'il rassemble ses partisans, intéresse peut-être d'autres qui viennent en curieux, mais ne s'adresse qu'à des gens qui ont l'intention de voter. Le problème de notre « démocratie » est qu'on a tellement l'impression justifiée qu'il ne sert à rien de voter, que nombre des personnes favorables à une 6ème République ne vont pas voter, justement pour ne pas participer à cette mascarade. Et plus encore, les personnes favorables à un changement des institutions ne sont pas toutes en accord avec un programme politique, et heureusement : que ferions-nous d'une 6ème République où tout le monde serait d'accord ?

Donc, espérer obtenir la 6ème avec juste des manifs, mauvais plan, on est sûrs de perdre la moitié des gens en cours de route, et donc s'essouffler et rater l'objectif. Comme on ne change pas une République en 3 jours, sauf mouvement populaire spontané absolument impréparable, il faut s'organiser sur le long terme, en attendant la grande vague qui emportera tout.

Quant à adhérer à un parti politique, c'est un engagement beaucoup plus précis, qui implique du temps, de la motivation, à long terme. Bien peu des précédents vont jusque là. Puis on peut être d'accord sur un point du programme, et même beaucoup, et en désaccord complet sur le reste. Ou alors être d'accord sur beaucoup de choses, et ne pas pouvoir encadrer la moitié des portes paroles. Ou alors être d'accord sur beaucoup de choses, mais ne pas vouloir s'engager dans un mouvement, ne pas avoir le temps ni l'envie de militer, distribuer des tracts le dimanche matin dans le froid, ou coller des affiches la nuit après une journée de travail.

Donc faire un parti, mauvais plan. Déjà, parce qu'il en existe déjà des tonnes, de partis. A quoi servirait d'en créer un autre, en voulant recruter d'une part une partie de leurs membres, d'autre part, tous les autres qui ne veulent pas entrer dans un parti. Ça serait le plouf assuré.

Donc la soluce trouvée pour agréger les gens, sur des bases claires, sans qu'ils repartent dans la nature, mais sans exiger d'eux l'adhésion à un parti a été la pétition.

Je rappelle son texte : « Je demande l’élection d’une assemblée constituante qui fonde avec les citoyens la 6e République. Une République débarrassée de la monarchie présidentielle et fondant les nouveaux droits personnels, écologiques et sociaux dont notre pays a besoin. »

Le but est de rassembler le peuple sur des objectifs politiques élevés. C'est à dire, faire en sorte que le maximum de gens puisse adhérer à ses objectifs, mais sans tomber dans le travers inverse qu'il y ait tellement de gens tellement divers que le message soit confus devant la diversité des revendications qu'il ne reste plus rien. C'est le problème de ces rassemblements de masse qui ne débouchent sur rien : il y a un très fort potentiel politique rassemblé, mais comme il ne se dirige vers aucun objectif en particulier, faute de l'avoir défini préalablement, et chacun vient avec ses idées… et repart avec ses idées. Rien ne peut se faire dans ses conditions, ou alors il faut avoir 40 ans devant soi.

Donc il faut quand même mettre un peu de contenu : au minimum, porter la revendication d'un changement de Constitution et de retour à un pouvoir populaire.

Mais le problème qui se pose juste après, est : qu'est-ce qu'on met dans cette fameuse constitution ?

D'une part, on ne peut pas dire : bon les amis, on va faire une constituante, et les résultats de cette assemblée libre et souveraine, ça sera ceci, cela, et cela. Ça serait plus une constituante, mais du foutage de gueule, si on pouvait d'avance prévoir ce qu'elle va donner. Donc l'exigence de la constituante doit laisser très largement indéterminé son résultat.

D'autre part, on sait que le changement des institutions de la 5ème a été porté par de nombreux hommes politiques, qui mettaient pas mal de choses très différentes à l'intérieur. Le FN a un moment porté cette demande, avant de changer d'avis se disant que l'autoritarisme de la 5ème irait bien pour appliquer leur programme. François Bayrou pour le centre également. Ou plus récemment le Front de Gauche a axé sa campagne présidentielle sur cette revendication. Si on ne met rien d'autre que l'exigence de changement d'institution dans le contenu de la pétition, on risque de se retrouver avec l'alliance de la carpe et du lapin, de la chèvre et du chou, du loup et de la brebis. La diversité politique du m6r est son principal atout, mais de là à faire militer ensemble les racistes et les anti-racistes, certainement pas. En tout cas, très peu pour moi.

Alors comment faire ? Il ne faut pas que les gens qui signent se disent qu'ils adhèrent à un mouvement qui propose de changer la constitution, en espérant obtenir un régime présidentialiste débarrassé du Parlement, et se sente floué parce qu'il va obtenir tout le contraire si le processus aboutit. Donc il a fallu indiquer un minimum comment on la voyait, cette constitution. Dire ce qu'on reprochait précisément à la constitution actuelle pour vouloir en changer, et au profit de quoi. Mais que ces principes soient suffisamment ouverts pour qu'une majorité puisse s'y reconnaître. Donc une petite phrase de précision : fin du régime de monarchie « républicaine », revendication de droits nouveaux (donc inscription du m6r dans le mouvement progressiste) de type personnels, écologiques et sociaux. Donc les gens qui signent adhèrent à ces revendications, très générales, mais en même temps précises dans leur inscription politique. Des revendications qui proposent un progrès pour l'ensemble du pays, mais qui ne sont pas politiquement neutres. Tout le monde peut s'y reconnaître (elles n'excluent personne a priori).

Donc, sur une pétition qui fait deux phrases, on peut raisonnablement supposer que les signataires ont lu en entier les principes auxquels ils adhèrent en signant. Nous sommes à présent plus de 75 000 sur m6r.fr.

Prochain épisode : m6r, l'urgence et l'action, ou comment s'organiser sur le long terme sans s'essouffler.

Les illustrations sont toutes chipées aux visuels citoyens partagés lors de la manif virtuelle, pour voir l'album complet, par ici : https://www.m6r.fr/visuels-citoyens/

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