Depuis le traité de Maastricht, le vieux rêve des Etats-Unis d'Europe, où chaque pays sera comme une région, où chaque peuple sera comme une population locale, où l'économie pourra prospérer, désormais libérée de l'entrave des Etats obsolètes, ce vieux rêve, donc, espère trouver enfin sa plus parfaite incarnation.
Hélas, quelques arriérés n'ont pas compris et ont voulu freiner le Grand Projet. Qu'importe! On est passé outre. On a fait tout de même la zone de libre échange, la monnaie unique et tout le tralala économique. C'était bien pensé puisque l'économie prime tout et que l'économie ordonne tout : le reste devait suivre, nécessairement. Et tout le reste devra suivre, de gré ou de force.
Et vlan, voilà la crise financière, boursière, industrielle, sociale : tout fout le camp. Pas l'idéal européen, heureusement.
Depuis que l'on essaie de faire l'Europe, cela va de mal en pis.
La faute à qui? Les États-Nations, bien sûr. De toute façon, c'est toujours sa faute. Vivement qu'ils disparaissent et que les mêmes qui les dirigeaient s'occupent directement de l'Europe toute entière, ça ira mieux!
Les États sont surendettés. Et les marchés provoquent des crises. Mais attention, il ne faudrait pas qu'encore une fois une certaine perversion de l'esprit nous fasse voir le mal ailleurs qu'il n'est. Les spéculateurs ne sont pas responsables : la spéculation est seulement un « thermomètre » qui nous permet de mesurer combien notre endettement est insupportable. La faute aux États, on vous dit!
Bon, évidemment, de mauvais esprits feront remarquer que sans de telles spéculations les Etats n'en seraient pas là et qu'on a rarement vu un thermomètre risquer de tuer un patient. Mais ils sont de ces arriérés dont je vous parlais plus haut. Négligeons les.
On pourrait aussi souligner qu'un système dans lequel l'Etat doit se désengager de l'économie sauf lorsqu'il s'agit d'éponger les dettes du privé, directement ou indirectement, est un système qui lui laisse difficilement autre chose... que de dettes.
Mais balayons de notre mépris toutes ces considérations futiles et mesquines.
Finissons-en avec les États, c'est mieux, c'est plus urgent – et, somme toute, ça fait du bien, non?
Le paradis économique prévu ne sont pas au rendez-vous, parce que les Etats sont endettés (je vous l'avais déjà dit? Vraiment?). Mais s'ils sont endettés, c'est parce qu'ils ont été mal gérés. Et s'ils ont été mal gérés, c'est parce qu'ils sont des Etats (puisque celui-ci par définition, ne sait pas s'occuper d'économie) . Tout se tient. Le cercle de la logique est étroit. Il n'y a pas à en sortir.
Ou plutôt si, il faut en sortir : comment?
C'est simple : puisqu'ils sont incapables, quelqu'un d'autre doit gérer leur budget. La commission européenne par exemple. C'est à dire au fond, les mêmes, mais en mieux, puisque « européens » désormais. Métamorphose.
On aurait pu penser que si, vraiment, un État est responsable de sa faillite et qu'il faut en tirer les conséquences, il faut laisser l'Etat faillir. Mais ce ne serait pas très généreux, n'est-ce pas? Non, il est bien mieux de le placer sous tutelle.
Évidemment, comme toute la politique dépend de l'usage que l'on fait de ses petites économies, cette mise sous tutelle, c'est au fond appliquer directement au pays la politique européenne. Ce sera tout de même plus efficace, non?
Bon, alors bien sûr, il faudra quelque temps s'abstenir de demander le suffrage du peuple, puisqu'il ne servira plus à rien. Mais quoi? On ne sort pas des crises les plus graves sans quelques menus sacrifices!
Et puis comme cela, on les aura peut-être enfin, nos États-Unis d'Europe. Et, soyons honnêtes, c'est cela qu'on veut, non? Le reste, qu'est-ce qu'on peut bien en avoir à f...?