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Billet de blog 23 mars 2013

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Rapport OCDE sur la France : quelques évidences avec des œillères

L'OCDE vient de publier son rapport annuel sur la situation économique de la France, présenté le 19 mars 2013 par son Secrétaire général Angel Gurria au Ministre de l'Economie Pierre Moscovici. Selon l'OCDE, la politique du gouvernement va plutôt dans le bons sens avec une priorité donnée à la réduction du déficit avec un soutien aux entreprises, à l'emploi des jeunes et à l'éducation, mais n'est pas assez audacieuse en termes de réformes, de réduction des dépenses publiques, de simplification de la fiscalité, d'équilibre financier de nos systèmes de santé et de retraites. L'organisation occulte malheureusement certains éléments essentiels.

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L'OCDE vient de publier son rapport annuel sur la situation économique de la France, présenté le 19 mars 2013 par son Secrétaire général Angel Gurria au Ministre de l'Economie Pierre Moscovici. Selon l'OCDE, la politique du gouvernement va plutôt dans le bons sens avec une priorité donnée à la réduction du déficit avec un soutien aux entreprises, à l'emploi des jeunes et à l'éducation, mais n'est pas assez audacieuse en termes de réformes, de réduction des dépenses publiques, de simplification de la fiscalité, d'équilibre financier de nos systèmes de santé et de retraites. L'organisation occulte malheureusement certains éléments essentiels.

DIAGNOSTIC

  • Une des plus faible croissance du PIB/habitant depuis 1990 (juste devant le Japon et l'Italie qui sont les derniers)
  • Les dépenses publiques les plus élevées : 56% du PIB contre 41% pour la moyenne OCDE
    Leur hausse est essentiellement due aux dépenses de retraites et de santé
  • Un niveau trop élevé de dette publique (94.5% en 2013) et un déficit commercial extérieur très important
  • Un poids particulièrement élevé des cotisations sociales payées par le salarié et l’employeur, qui atteignait, en 2010, près de 16% du PIB, un record au sein de l’OCDE, ce qui nuit à la compétitivité des entreprises et limite leurs marges donc la capacité à investir
  • Une croissance nulle induisant une hausse du chômage
  • Un effondrement du niveau scolaire et trop de jeunes sans formation, avec un chômage des jeunes très important
  • Un système de protection sociale élevé qui a permis à la France de juguler la hausse des inégalités qu'on observe dans les autres pays

Ce diagnostic est juste, mais il élude les points suivants :

  • Le coût particulièrement élevé du logement en France, à la location comme à l'achat (2 à 3 fois plus élevé en France qu'en Allemagne, pour une part importante dans le budget des ménages, plus que les 12% pris en compte dans l'indice de prix de l'Insee (40% chez les classes populaires, au moins 25% chez les classes moyennes)
  • Les inégalités de revenus paraissent stables selon l'indice de Gini, mais le pouvoir d'achat a diminué. Les dépenses contraintes (eau, gaz, électricité, transport et carburant) on augmenté bien plus que l'inflation, de même pour l'alimentation de base, la viande, les fruits et légumes, les céréales. Si on regarde le pouvoir d'achat comparé aux autres pays, le facteur coût du logement pèse fortement. A revenu égal, un Allemand payant 2 à 3 fois moins cher son loyer (ou le remboursement d'un emprunt pour achat immobilier), il a un pouvoir d'achat de fait 15% plus élevé, un meilleur niveau de vie.
  • Le défaut de compétitivité des entreprises est attribué implicitement au coût du travail trop élevé du fait du poids trop important des cotisations sociales. Or le coût du travail sur les secteurs concurrentiels notamment à l'international (surtout l'industrie) n'est pas plus élevé que dans des pays compétitif tels que l'Allemagne.D'après un rapport de l'Insee, le coût du travail dans les industries allemandes serait supérieur à celui des industries francaises. Dans les manufactures, le coût horaire (33€) est le même dans les deux pays. C'est dans le secteur automobile que l'écart se creuse: le coût du travail allemand serait supérieur de 30% au coût francais ! La différence est notoire dans les services: le coût horaire en Allemagne s'élève à 26,8€, contre 32,1€ en France. Mais les services sont moins sujets à compétition internationale (restauration, aide à la personne ...).
  • Les dépenses publiques comprennent les prestations sociales, notamment les dépenses de santé et de retraites, qui constituent le plus gros poste et qui expliquent aussi la hausse des dépenses publiques. Dans d'autres pays comme l'Allemagne, qui font plus appel à des assurances complémentaires privées, payées par les ménages sur leurs revenus nets, ce poste est forcément moins élevé, sans pour autant que les prestations soient moindres. Donc attention à l'effet d'optique sur la comparaison de cette donnée entre les pays.

Principales propositions de l'OCDE

  • Priorité à l'assainissement des finances publiques, à la réduction du déficit public, mais l'OCDE met en garde contre un excès de rigueur qui pourrait pénaliser la croissance. Elle admet qu'avec une croissance moins élevée que prévue, il est plus raisonnable d'accepter en 2013 un déficit de 3.5% au lieu de 3% initialement.
  • Pour réduire le déficit de façon durable, il faut baisser les dépenses publiques en renforçant l'efficience :
    - en simplifiant les structures administratives, en supprimant l'échelon du département, en regroupant des communes ;
    - en économisant sur les dépenses de santé (1.3 points de PIB, soit environ 27 Mds euros)
    - en réformant les retraites avec un système à points garantissant l'équilibre
    - en réformant l'indemnisation du chômage (cela veut dire la réduire en montant ou durée, la soumettre à conditions). En revanche indemniser les jeunes sans emploi en leur versant un RSA et en les accompagnant mieux vers la formation et vers l'emploi.
  • Réformer plus radicalement la fiscalité trop complexe, qui perturbe les choix des ménages et des entreprises au risque de pénaliser l’activité économique : Imposer tous les produits d’épargne de la même façon, supprimer des exemptions fiscales (niches), supprimer les avantages fiscaux des retraités (exo de cotisations maladie des retraités et suppression du taux réduit sur la CSG) quitte à augmenter le minimum vieillesse), renoncer à la taxe à 75% sur les hauts revenus, individualiser l’impôt (suppression du quotient conjugal), simplifier et rationaliser les prélèvement fiscaux
  • Réduire davantage les prélèvements sur le travail
  • Simplifier les procédures de licenciement et améliorer l’efficacité de la formation professionnelle
  • Réformer le SMIC avec progressivité en fonction de l'âge
  • Rationaliser les politiques du logement (Quid ?)
  • Education : mieux adapter la réponse de l’enseignement aux besoins des entreprises, mieux assurer la transition de l’école vers l’emploi

Beaucoup de propositions intéressantes, mais qui s'inscrivent dans un schéma de pensée de la doxa libérale avec des œillères

  • Pourquoi ne pas envisager de financer une partie du déficit public par un emprunt auprès de la BCE, pour l'ensemble de la zone euro, comme le fait la FED aux Etats-Unis ? Bien sûr il y a un risque de générer de l'inflation, mais qui peut être contrôlée et gérable en période de déflation ou de récession. Bien sûr une telle décision ne pourrait être prise qu'au niveau de la zone euro mais faut-il encore le proposer pour faire avancer l'idée ...
  • Améliorer la compétitivité de nos entreprises à l'international, oui, mais cela doit-il vraiment passer par une  baisse du coût du travail et donc des cotisations sociales, ceci en réduisant les dépenses publiques notamment de protection sociale ? Si on regarde bien la situation réelle du coût du travail sur le périmètre où joue la compétitivité internationale, essentiellement l'industrie, il est faux de dire que le coût du travail est trop élevé en France (comparé à l'Allemagne par exemple). C'est la compétitivité hors-coût qui est plutôt à déplorer : problème de stratégie industrielle, de positionnement des produits, de manque d'innovation, de contraintes administratives et juridiques pesantes sur les entreprises ...
  • Le logement est un problème crucial : manque cruel de logements et coût beaucoup trop élevé justement à cause de l'insuffisance de l'offre qui tire les prix à la hausse. Si le logement était deux fois moins cher, les ménages pourraient consentir plus d'effort ailleurs, sur leurs salaires, sur des prestations. Il faut surtout libérer du foncier et construire, avec une politique d'urbanisation adaptée.

http://www.oecd.org/fr/economie/etudes/france-2013.htm

http://www.oecd.org/fr/economie/perspectives-de-leconomie-franaise.htm

http://www.oecd.org/fr/economie/la-france-doit-faire-davantage-pour-stimuler-sa-competitivite-et-creer-des-emplois.htm

http://www.challenges.fr/economie/20130318.CHA7328/fiscalite-impots-taxe-prelevements-sociaux-la-lecon-de-l-ocde-a-la-france-de-hollande.html

http://www.wikistrike.com/article-l-ocde-invite-la-france-a-supprimer-les-departements-et-fusionner-les-communes-116416424.html

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