La presse rend compte de la naissance d’un nouveau centre d’art contemporain à Metz, unanimité pour louer l’architecture du lieu mais aussi la qualité de l’exposition inaugurale. Une problématique exigeante: réflexion sur la notion de chef d’œuvre. Une sélection particulièrement remarquable, rien moins que huit cent pièces, peintures, sculptures, photographies, livres et manuscrits divers. Dix-sept salles. Des œuvres exceptionnelles bien souvent, comme Tristesse du roi de Matisse, Portrait prémonitoire de Guillaume Apollinaire par Chirico, un Delaunay heureusement extirpé des réserves, des Pollock, Klein, Mondrian, Ernst, le triptyque des bleu de Mirό, bref, de quoi passer des heures à contempler, rêver, tenter de comprendre, réfléchir. Curieusement, les médias, peut-être gênés, n’ont guère développé une information corollaire, seule France Inter (à une seule reprise) et le Républicain lorrain ont osé relever le temps que le Président de la République a consacré à la visite de tant de chefs d’œuvre : Monsieur Sarkozy a mis trente minutes pour visiter l’ensemble de l’exposition, il est resté trois secondes devant les « Bleus » de Mirό, une seconde par Bleu, ont-ils seulement eu le temps de s’imprimer dans l’auguste rétine ? Il est vrai qu’il a six cerveaux mais quand même!
Cet homme qui fonce à toute allure sans rien voir de ce qu’on lui présente n’aura pas ensuite un mot dans son discours inaugural pour louer les œuvres croisées au pas de charge. Il a d’ailleurs livré à cette occasion sa conception de la culture : « La culture en France est un élément d'une stratégie de développement économique ». Et cette définition plutôt restrictive et déprimante de la culture, il l’a faite tellement sienne qu’il l’a utilisée à trois reprises, en profitant, in fine, pour parler TGV et liaison Moselle Saône, incapable en somme d’aligner deux mots de réaction sensible ou d’admiration, désireux de retomber le plus vite possible sur le terrain lucratif de l’économie. Il aurait pu demander à l’une de ses plumes de lui trousser au moins quelques phrases convenues sur les richesses de notre patrimoine culturel, sur la question du chef d’œuvre, non, même pas, huit cents œuvres majeures, le travail d’une équipe de conservateurs, n’en valent pas la peine. Seul élément de réconfort à la fin du discours cette saillie qui se voulait humoristique : « moi qui n'ai jamais été ministre de la Culture -- c'est mal parti pour que je le devienne ! ». Au fond réjouissons-nous qu’il méprise la culture, nous l’avons échappé belle !Le discours présidentiel est ici : http://www.elysee.fr/president/les-actualites/discours/2010/inauguration-du-centre-pompidou-metz.8804.htmlPS : Signalons à ceux qui pensent que le site officiel de l’Elysée, vitrine de notre pays, devrait au minimum respecter les règles élémentaires de l’orthographe, que les photographies de la visite présidentielle à Metz y sont ainsi présentées : « Le Président de la République inaugure le centre Pompidou-Metz. Après avoir visiter (sic) l'exposition ''chefs d'œuvre'', il rencontre des artistes contemporains en présence de grands collectionneurs français ». Les conseillers valent le Prince!