Je tente ici de donner une petite suite à mon échange avec Dianne et Samines, sur le fil du dernier billet de Nefertari, échange dont je les remercie.
La Pyramide Déchaînée, votre gazette de Médiapart City, neuvième édition.
Pour dire vite, je soulève une question, à laquelle l'usage du club et des commentaires des articles me conduit : ce petit monde est-il fatalement un unique lieu de débats, sorte d'immense salon de discussion, ou peut-il parfois devenir le tremplin d'un passage à l'action, si modeste soit-elle ?
Et cette réflexion s'est précisée pour moi, lorsque j'ai rencontré lors de la journée porte ouverte de Mediapart le 12 mars 2011, un ancien salarié de la Generali (assurances), venant témoigner de la grève de la faim de tout un groupe licencié dans des conditions iniques. L'écoutant parler, cela m'a sauté aux yeux que je ne pouvais pas prendre connaissance, dans ce lieu de l'information libre, d'un tel problème, sans tenter de convertir cette information en action. En d'autres temps, nous avons connu une telle initiative lorsque Bérangère Bonvoisin créa sur la scène du théâtre de La Madeleine, à Paris, un spectacle uniquement fondé sur un fil de discussion (autour du thème de la laïcité) : moment fort du croisement d'une parole et d'un geste.
Cette préoccupation, je la résume par une formule :
virtuel --> réel
Le propos du billet tente d'être une critique, au sens de questionnement, et, j'espère, n'est pas une expression chagrine.
Nous vivons une période d'intenses discours, tout parle partout, toutes ces paroles se transmettent très vite, disparaissent aussi vite. Le fonctionnement technique du club est à l'image de ce mouvement incessant où l'on a l'impression que rien ne reste dans la réalité de ce quotidien en fuite.
Ce que je recherche est un lien, une fabrique de liens, non pas en termes d'affinités momentanées, mais en terme de processus de construction : Mediapart a créé un journal d'un type nouveau, je ne m'étends pas, et en ce lieu, si on lit ce qui s'écrit, on mesure que ce qui fait trop défaut, c'est la traduction des dénonciations, indignations, en actions. Je ne parle pas, je le redis, d'une forme de militantisme spécialisé, qu'il soit pour un parti ou un syndicat ...J'évoque ce que dit en d'autres termes Stéphane Hessel : « l'indignation » ne peut pas se passer de « l'engagement ». Comment ne pas être touché, appelé par cette vigueur du désir de riposte, de résistance ? Pourquoi ne pas saisir chaque occasion, à la mesure de nos forces, pour faire avancer un geste, un pas, une envie de créer avec les autres ?
Je ne dénie pas la vertu de la discussion que j'aime beaucoup aussi, mais je désire ouvrir les murs, ou les fonctionnements trop bien établis qui tournent comme des allant-de-soi. Quelles pudeurs, quelles craintes, quels renoncements ou quelles fatigues peuvent justifier que cette conversion virtuel/réel ne se tente pas ? Car ce n'est pas une injonction que je formule, mais une simple invitation.
En conclusion, je pense que ce qui fait du « bien » à l'homme, c'est de se sentir actif, désirant. La période est très sombre, répétitive, facteur d'immobilité, et le désir va mal.
Alors saisissons la moindre occasion pour faire mentir ce constat !
Agrigente, Nicolas de Staël, 1954
