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Billet de blog 11 avril 2011

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L'ombre de l'extrême-droite plane sur les élections finlandaises

Les Finlandais se rendront aux urnes dimanche prochain pour élire leurs représentants au Parlement, dont dépend la formation du gouvernement.

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Les Finlandais se rendront aux urnes dimanche prochain pour élire leurs représentants au Parlement, dont dépend la formation du gouvernement. Depuis 2007, c'est une coalition de centre-droit qui dirige le pays (1). Cette élection pourrait être bouleversée par l’irruption sur la scène politique des «Vrais Finlandais » (Perussuomalaiset en VO), le parti nationaliste d’extrême droite.

Les Finlandais appelés aux urnes

Historiquement, le système politique finlandais est minoritaire : aucun parti n'a suffisamment d'influence pour gouverner seul. Aujourd’hui, la Présidente de la République de Finlande est une sociale-démocrate (gauche) et le Premier ministre membre du Parti du Centre (centre-droit). Les gouvernements au pouvoir ont toujours été issus d'une coalition, qui donne invariablement lieu à d'intenses tractations avant et après le scrutin.

Depuis quelques semaines, les partis se sondent et testent leurs points de convergence en vue de ce gouvernement de coalition. Des points de divergences ont commencé à émerger, notamment sur les questions de taxation, de prestations sociales, sur l’âge de la retraite, sur la sortie du nucléaire ou sur l'immigration. A l’heure où j’écris ces lignes, toutes les coalitions sont virtuellement possibles, et l’avenir du gouvernement dépend en réalité davantage des tractations qui suivront l’élection que du scrutin lui-même.

Ces dernières années, cette recherche permanente du compromis a eu tendance à agacer les électeurs Finlandais, fatigués de voir leur classe politique se déchirer pour le moindre maroquin ministériel. Il faut chercher ici une des nombreuses explications qui ont poussé le parti des « Vrais Finlandais » en première ligne dans la bataille électorale.

L’émergence des « Vrais Finlandais »

Cette poussée des Vrais Finlandais, crédités de 17 % des voix par de récents sondages, les consacrerait comme la quatrième force politique, dans un pays qui historiquement n’en a toujours compté que trois (Centre, Sociaux-Démocrates et Coalition Nationale), lui donnant toute latitude pour réclamer un ou plusieurs portefeuilles ministériels. Parallèlement, quatre électeurs sur dix se disent favorables à la participation des Vrais Finlandais au futur gouvernement, selon un sondage publié fin janvier.

Anti-européen (ils s’opposent à l’inscription dans la Constitution de l’adhésion à l’Union Européenne), anti-immigration, anti-mariage gay et anti-protocole de Kyoto, le parti emmené par le charismatique Timo Soini dénote dans le paysage politique finlandais.

Timo Soini, chef de file des "Vrais Finlandais" (DR)

Comment expliquer un tel succès ? Un portrait éclairant de Timo Soini, publié par l’hebdomadaire suédois Fokus, montre bien que malgré leurs prises de positions extrêmes, le parti des Vrais Finlandais a toujours été un parti « acceptable », vierge de tout passé néonazi, à la différence d’autres partis d’extrême-droite d’Europe du Nord. Ancré dans le monde rural, descendant du parti populiste des années 70 du légendaire Veikko Vennamo et se voulant proche du people, le parti n’a pas cette image de pestiféré qui handicape beaucoup de partis d’extrême-droite. Il n’en est pas moins auréolé d’une image trouble, celle d’un parti qui sans prendre de position ouvertement xénophobe, entretient une ambiguïté qui lui permet de ramener à lui un pan inavouable de l’électorat.

Un climat délétère

Cette percée du parti nationaliste intervient alors que les débats sur l’immigration et les crimes racistes n’ont jamais été autant présents dans la vie politique et sociale du pays. Cette situation a même poussé le gouvernement à adopter une loi durcissant les sanctions contre les individus se rendant coupables de crimes racistes.

« La période de récession durcit le comportement des gens en Finlande » expliquait au Helsingin Sandomat la secrétaire générale du Ministère de l’Intérieur. « Le même phénomène s’est produit ailleurs en Europe. Le taux de chômage des immigrants a augmenté, ils étaient les premiers à sortir du marché du travail. L’élection approche et nous parlons beaucoup des problèmes liés à l’immigration ».

Le rôle ambigu des autres forces politiques

Face au classique dilemme des gouvernements dépassés par leur(s) droite(s), le gouvernement Finlandais, par la voix de son premier Ministre, a clairement affiché la couleur. Si les Suédois, par exemple, refusent toute tractation avec SD (l’extrême droite locale), Mari Kiviniemi s’est affirmée « prête à travailler avec tous les partis de Finlande dans le gouvernement, si nous parvenons à négocier un programme ».

Mari Kiviniemi, premier Ministre de Finlande (DR)

Timo Soini a renvoyé l’ascenseur en se déclarant lui aussi prêt à collaborer avec le Parti du Centre, actuellement au pouvoir. Ce qui n’est pas sans consolider ce dernier dans les négociations en cours, étant donné l’importance du vote « vrai finlandais » annoncé par les sondages.

Problème : difficile de transiger sur des sujets comme l’Union Européenne ou les politiques d’immigration, les chevaux de bataille des Vrais Finlandais.

C’est la Ligue Verte qui, dans le gouvernement, se montre la plus critique vis à vis des Vrais Finlandais, en distillant quelques piques sibyllines : « les politiques qui surfent sur la peur portent la responsabilité du climat de plus en plus difficile dans ce pays » avait lancé Anni Sinnemäki, Ministre du Travail et chef de file écologiste.

L’issue de l’élection et la formation du gouvernement dépendront beaucoup du score des Vrais Finlandais. S’il est aussi élevé que prévu, alors le parti arrivé en tête, probablement le parti du Centre ou la Coalition Nationale, sera contraint de l’intégrer à son gouvernement. Quitte à laisser certains partis – la Ligue Verte et tous les partis de gauche – sur la touche, faute d’un programme gouvernemental acceptable. En revanche, si le résultat de l’extrême-droite est plus faible qu’attendu et que le rapport de force reste inchangé au Parlement, alors le gouvernement ne devrait subir que des changements marginaux.

Il faut garder à l’esprit que le parti des Vrais Finlandais n’avait récolté que 4,1 % des suffrages lors des précédents élections en 2007, bien en dessous de ce qui lui était promis par les sondages. Même si la déferlante est annoncée avec encore plus de force cette fois-ci, il ne faut pas vendre la peau du grizzly nationaliste avant d’avoir voté.

M.U.

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(1) Une alliance entre le parti du Centre (50 sièges, dirigé par Mari Kiviniemi), la Coalition Nationale (51 sièges, dirigé par Jyrki Katainen), la Ligue Verte (le parti écologiste, de Anni Sinnemäki, 14 sièges) et le Parti du Peuple Suédois (10 sièges dirigé par Stefan Wallin, la Finlande compte une minorité importante de suédophone). Les sociaux-démocrates (gauche) comptent 45 sièges, l’Alliance de gauche 17, True Finns 6, les chrétiens démocrates 7.

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