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Billet de blog 23 janvier 2009

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Karoutchi homosexuel, et alors?

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C'est une première, indiscutablement. La première fois qu'un ministre en exercice annonce son homosexualité. Ainsi donc, Roger Karoutchi, secrétaire d'Etat aux relations avec le Parlement, proche de Nicolas Sarkozy, «confident» de toujours de Cécilia Sarkozy comme les journalistes aiment à le présenter dans les portraits, préfère les garçons.

OK.

C'est, de fait, un évènement. A part Bertrand Delanoë en 1998, aucun homme politique de premier plan n'a jusqu'ici affiché publiquement son homosexualité. A droite, seuls Jean Luc Roméro et Philippe Meynard, maire UDF de Barsac en Gironde s'y sont risqués, non sans avoir encaissé de violents uppercuts. Et la gauche, les débats sur le Pacs l'avaient bien montré (c'était il y a dix ans), n'est pas vraiment plus à l'aise avec ses élus homosexuels.

Certainement, Roger Karoutchi assume ici une posture courageuse au regard des positions très caricaturales de certains de ses amis de l'UMP, les Boutin, Vanneste et autres parangons de l'ordre moral. Il dit ce que d'autres taisent encore, par honte d'eux-mêmes, par crainte de sanction électorale, par lâcheté, par paresse, par choix. Pourquoi pas. Au passage, Karoutchi ringardise les tradis de l'UMP, qui sont encore nombreux. C'est savoureux et politiquement très habile. Karoutchi s'inscrit ainsi parfaitement dans la fameuse logique du contre-pied chère à son mentor Sarkozy : toujours prendre son camp à revers.

N'empêche. Ce coming out médiatiquement très orchestré me fout vraiment en rogne. Samedi, le magazine L'Optimum publiera un entretien avec M. Karoutchi. Dimanche, ses "révélations" lui vaudront un passage dans «7 à 8», l'émission d'Harry Rozelmack sur TF1. Et puis il y aura le plateau d'un vingt heures, et un livre dans la foulée ou Karoutchi promet de tout dire.

Message subliminal : voici le nouveau Karoutchi. Un Karoutchi "sorti du placard", authentique, libéré. Un homme neuf, prêt à croquer l'avenir. Et accessoirement, mis sur orbite pour les élections régionales de 2010. Ce scrutin, Karoutchi rêve d'en sortir victorieux. Mais pour espérer battre Jean-Paul Huchon, le socialiste qui préside aujourd'hui l'Ile-de-France, il faudra d'abord qu'il terrasse sa rivale du gouvernement, Valérie Pécresse. Or, pour l'instant, la dame des Yvelines est donnée grande favorite en cas de primaire au sein de l'UMP...

Disons-le tout net : si M. Karoutchi s'est cru obligé de dire qu'il est homosexuel pour espérer gagner en sympathie auprès des électeurs, ce coming-out est simplement pitoyable.


Je n'ai pas vu en avance l'émission de dimanche soir, ou Roger Karoutchi est censé parler de sa vie privée. Mais franchement, j'espère que nous n'aurons pas à assister à une de ces séquences pesantes, pénibles, larmoyantes avec gros plan sur le visage, ou l'interviewé "avouerait" son homosexualité comme on "confesse" un "douloureux problème". Le genre de confession télévisée qui prouve avec évidence combien le regard collectif porté sur la différence sexuelle est, aujourd'hui encore, terriblement normatif et culpabilisant.

En fait, puisqu'émission il y aura, je vais vous dire ce dont je rêverais : un Karoutchi absolument flamboyant, grinçant, provocateur, intarissable sur sa vie privée à une heure de grande écoute. Bref, à peu près le contraire de l'image que renvoie aujourd'hui le très inconnu secrétaire d'Etat aux Relations avec le Parlement. Mais franchement, je crois que je peux toujours me brosser.