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Billet de blog 9 novembre 2013

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Droit des patients : ces appellations d’origine contrôlée

Depuis une dizaine d’années environ, on assiste à des regains d’intérêts, fluctuants cela dit, pour la prévalence du respect dans le milieux hospitalier. La France en avait fait l'une de ses priorités en 2002 lors du lancement du Plan Kouchner en élevant la santé au rang de démocratie (donc participative). Noble choix que celui de Bernard Kouchner, dont son projet de loi prévoyait également une charte du patient hospitalisé ainsi que son meilleur traitement global et celui de ses proches. 

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Depuis une dizaine d’années environ, on assiste à des regains d’intérêts, fluctuants cela dit, pour la prévalence du respect dans le milieux hospitalier. La France en avait fait l'une de ses priorités en 2002 lors du lancement du Plan Kouchner en élevant la santé au rang de démocratie (donc participative). Noble choix que celui de Bernard Kouchner, dont son projet de loi prévoyait également une charte du patient hospitalisé ainsi que son meilleur traitement global et celui de ses proches. 

Régulièrement dans notre actualité, nous observons des vagues médiatiques abordant la recrudescence (ou non) de cas de maltraitance en EHPAD (Etablissement d’Hébergement pour Personnes Agées Dépendantes), on entend aussi parler d’« hôpitaux inhumain », etc. 

Ces discussions sur la bienséance, le respect de la dignité humaine et les capacités d’écoute en structure de soins sont un ensemble de normes éthiques formant la partie immergée de ce géant iceberg que sont les droits du patient. 

Mais, il faut le savoir, au stade universitaire, en médecine et dans les IFSI IFAS/AP (Instituts de Formation en Soins Infirmiers et Instituts de Formation d’Aides Soignants/Auxiliaires de Puériculture), les futurs professionnels de la santé sont conditionnés à un nouveau jargon « assoupli » et renouvelé en permanence. Ces nouvelles expressions remplacent désormais des termes pathologiques jugés auparavant trop stigmatisants, à connotation excessivement péjoratifs, voire irrespectueux pour le patient.

En suivant ce schéma, issu, non pas indépendamment de chaque écoles ou des facultés, mais directement de l’OMS, nous ne parlons plus aujourd’hui d’un patient « obèse » mais en surcharge pondérale. D’un patient « handicapé » mais en situation de handicap. Ou encore d’une personne « autiste » mais atteinte d’un trouble de la communication et de l’affectivité.

Une atteinte à l’intégrité morale du patient. 

Les experts de l’OMS avancent des théories psychiatriques, voire psychosomatiques. La maladie serait alors vécue comme un traumatisme, ce qui se conçoit évidemment, cependant c’est l’appellation à connotation péjorative qui perturberaient certains patients. Dans la thèse psychosomatique, c’est donc le terme médical en lui même qui causerait des désagréments psychiques avec des répercutions physiques supplémentaires. Le patient aurait, de ce fait, beaucoup plus du mal à se soigner et à progresser dans sa rémission.

Il est bien sur avéré que des considérations insultantes de la part de soignants peuvent troubler des patients qui se sentiraient a fortiori blessés dans leur égo et leur intégrité morale. Il parait évident que les auteurs de ces humiliations doivent être poursuivis. 

Mais il ne s’agit pas ici de cas extrêmes de maltraitantes morales.

L’OMS joue à cache-cache

Ces modifications dans les termes pathologiques ressemblent un jeu de cache-cache entre le patient simplement malade et le patient conscient de sa pathologie.

Le patient doit accepté sa maladie. Dans le cas de maladies graves, incurables ou dégénératives, on observe, en psychiatrie, les cinq phases du processus de deuil (Déni, Colère, Marchandage, Dépression, Acceptation). Ces étapes sont fondamentales dans le processus de guérison de certaines pathologies (bien qu’elles ne soient pas psychiques!).

Pourtant, en regardant les directives de l’OMS de plus près, il semblerait qu’elle encourage le déni ou du moins le contournement de la maladie. On évite la pathologie en elle-même pour mieux l’attaquer sur un autre front : « je ne suis pas handicapé, c’est ma situation qui est handicapante » dans le cadre quotidien par exemple. Dans ce cas précis, il est largement plus question des responsabilités des pouvoirs publics en terme de voirie ou des constructeurs de matériel spécialisé que celles des soignants. D’ailleurs en ces termes, la médecine n’est pas incluse dans la définition. Au passage, prendre en considération l’enveloppe sociale de chaque pathologie, est l'un des objectifs de l’OMS. Ce qui en théorie est une cause juste et noble. 

Opérer pour la reconnaissance de ces pathologies à incidence sociale, en modifiant ses termes, c’est donc encourager certains patients à nier leurs propres maladies.

L’exemple de l’obésité

L’obésité est une forme avérée de surcharge pondérale dont l’IMC (Indice de Masse Corporelle) est supérieur à 30. Nous n’utiliserons pourtant pas concrètement ce terme d’obésité pour les patients concernés. L’OMS a choisi d’y substituer celui de « surcharge pondérale ». 

De nombreux défenseurs des droits des patients se massent autour de cette question de l’obésité à cause notamment des nombreuses discriminations qu'engendrent la maladie. Cependant, en des termes médicaux, la surcharge pondérale est en réalité un terme attribué pour un IMC plus faible, à peine plus élevé que l'IMC d’une personne en surpoids. En parlant de surcharge pondérale, on revient à nier une obésité bien réelle, à éluder la question d'un éventuel traitement et donc d’une certaine façon à mentir au patient. Il lui semble alors que sa pathologie n’est pas vraiment inquiètante et nécessite un simple régime et un peu de sport. Pourtant, l’obésité est une maladie bien réelle, entrainant de lourdes complications, dans de nombreux cas, elle entraine du diabète, des risques inhérents d’insuffisance cardiaque et/ou de maladies cardio-vasculaires graves telles que l'infarctus du myocarde, des tromboses veineuses profondes ou des ischémies cérébrales et une mortalité précoce (c’est-à-dire avant 65 ans).

Oui, c’est une vraie maladie. Mais comment faire prendre conscience à un patient que son cas est préoccupant, en lui disant seulement qu’il est en surpoids… 

Bien que le respect soit un facteur et un moteur de la relation de confiance entre le soignant et le patient*, l’honnêteté n’en est pas moins importante. Dans ce cas, qu’est-ce qui est le plus juste moralement, pour un professionnel de santé? Mentir et rester aimable ou être franc et objectif au risque d’être blessant?

* Patrick THOMINET, « Ethics and trust » in Soins n°779 Copyright Elsevier Masson SAS

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