Viviane Reding, Vice Présidente de la Commission européenne, est en charge de la Justice, des droits fondamentaux et de la citoyenneté. Le 14 septembre lors d'une conférence de presse, elle a annoncée le lancement probable de poursuites contre la France pour discrimination sur base ethnique.
Cette attaque très sévère de la commission européenne a évidemment suscité une levée de boucliers de la part des ministres, de l'UMP et même du président Sarkozy qui a laissé entendre que si le Luxembourg, pays dont Mme Reding est citoyenne, voulait accueillir des Roms, il était le bienvenu.
Dans la presse je n'ai pas trouvé la transcription de son discours lu lors de cette conférence donc je vous invite à lire attentivement la traduction officielle en français.
En effet, en sortant des bouts de phrase du contexte, il facile d'en pervertir le sens.
Vous pouvez aussi regarder la vidéo intégrale de son intervention, mais elle s'exprime en anglais.
Au cas où la video ne veut pas jouer, suivre ce lien : http://ec.europa.eu/avservices/player/streaming.cfm?type=ebs&sid=165269
C'est dur, cela fait mal, mais je ne me faisais plus guère d'illusions sur le mythe de "la France, pays des droits de l'homme".
Néanmoins c'est salutaire car madame Reding, non seulement pointe :
- la politique xénophobe, ethniquement ciblée des destructions des campements et des expulsions des roms, officialisée par cette circulaire datée du 5 Aout de Ministère de l'intérieur,
- le fait qu'une telle politique viole divers droits fondamentaux de l'Europe (cf la charte) ainsi que les accords adoptés à l'unanimité et signés par la France,
- le fait que la France (Besson et Lellouche) ait menti à la commission lors d'une audition sur le même sujet.
L'autre point qui m'interpelle est le suivant :
- Madame Reding est tout sauf une gauchiste. Elle est membre du Parti Chrétien Social au Luxembourg qui est plutôt de centre droit.
- Elle se consacre à l'Europe depuis 1989 (parlementaire et présidente ou vice présidente de diverses commission du parlement Européen puis commissaire depuis 1999). Entre 2004 et 2009, en tant que commissaire en charge des médias et de la société de l'information, elle a géré, entre autres le "paquet télécom", controversé à l'époque de par son aspect libéral.
Il faut donc que ce soit Mme Reding, appuyée par toute la commission, à l'unanimité comme vient de le rappeler Mr Barroso, qui rappelle à l'ordre la France. C'est bien connu : La commission européenne n'est qu'une bande de gauchistes ....
Tout cela pour mettre en exergue le silence sidérant de la droite française sur le sujet. Certes, il y a eu de Villepin, Bayrou, ou plus timidement Juppé ou Raffarin pour oser émettre un avis dissonant.
Oui, mais tous les autres ... Ont ils oubliés leur valeurs démocratiques et républicaines, sans parler des déclarations des droits de l'homme (je ne parle pas des irrécupérables comme Lefebvre ou Morano ...).
Maintenant, le mal est fait. Nicolas Sarkozy, avec la complicité tacite ou active de l'UMP et du nouveau centre a enlevé au monde les dernières illusions qu'il pouvait avoir sur la France.
Le Financial Times, journal anglo-saxon des milieux économiques, bancaires et financiers (comme Les Échos ou La Tribune en France), donc journal gauchiste par excellence, écrivait dans son éditorial du 15 septembre : "Sarkozy's shameful Roma actions" (Roms : Les actes honteux de Sarkozy). Là aussi, si le lien ne s'ouvre pas, lire le fichier attaché.
Au cœur de l'article on peut lire :
"It is to be hoped that being named and shamed in this way will cause Mr Sarkozy to rethink France’s approach. No one questions the country’s right to police its own borders or to deport those who have no right to be there. But as a member of the EU, France has signed up to a series of fundamental, and admirable, values. It must now honour them. This includes not discriminating against people on the basis of their ethnic background. Mr Sarkozy might also pause to reflect on his own inflammatory rhetoric on the sensitive issue of immigration. Talk about stripping migrants of their citizenship sits oddly on the lips of the child of a Hungarian immigrant."
Qui se traduit (appoximativement) par :
"Il faut espérer qu'être ainsi désigné et exposé à la honte de cette manière incitera M. Sarkozy repenser l'approche de la France. Personne ne questionne le droit du pays à faire la police à ses propres frontières ou à déporter ceux qui n'ont aucun droit de se trouver présent. Mais comme un membre de l'UE, la France a ratifié et adhéré à une série de valeurs fondamentales et admirables. Elle doit maintenant les honorer. Cela comprend la non discrimination contre les gens sur la base de leur fond ethnique. M. Sarkozy pourrait aussi marquer une pause pour réfléchir à sa propre rhétorique incendiaire sur le point sensible de l'immigration. Parler du fait de dépouiller des migrants de leur citoyenneté sied bizarrement dans la bouche de l'enfant d'un immigrant hongrois."
On peut toujours espérer.
Donc cela fait mal mais c'est salutaire. En effet, le milieu politique français semble être incapable de dépasser l'aspect partisan. Nicolas Sarkozy a réussit à tout cristalliser ce qui fait que le moindre rappel à des valeurs ne peut être vu que sous la loupe d'une opposition forcément sectaire.
Donc, s'il faut que cela vienne de l'étranger, en l'occurrence de la commission européenne, tant pis. Cela vaut toujours mieux que cette misère morale qui nous envahie.