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Michel de Pracontal

Journaliste scientifique, j'ai travaillé à Science et Vie, à L'Evénement du Jeudi, et au Nouvel Observateur (de 1990 à 2009). Je suis aussi auteur de plusieurs livres dont le dernier, Kaluchua, vient de paraître au Seuil. Sur twitter: @MicheldePrac.

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Billet de blog 7 avril 2012

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Journaliste scientifique, j'ai travaillé à Science et Vie, à L'Evénement du Jeudi, et au Nouvel Observateur (de 1990 à 2009). Je suis aussi auteur de plusieurs livres dont le dernier, Kaluchua, vient de paraître au Seuil. Sur twitter: @MicheldePrac.

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Samedi-sciences (37): un T. Rex à plumes!

Le Tyrannosaurus Rex, familièrement appelé T. Rex ou, à l’américaine, T-Rex (avec un trait d’union abusif), a été la star du film Jurassic Park de Steven Spielberg. Grosse tête, dents énormes, courtes pattes avant et peau de lézard, l’aspect de la bête est très typé : plus que tout autre espèce, le T. Rex mérite ce nom de dinosaure, qui signifie étymologiquement «lézard terrible».

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Journaliste scientifique, j'ai travaillé à Science et Vie, à L'Evénement du Jeudi, et au Nouvel Observateur (de 1990 à 2009). Je suis aussi auteur de plusieurs livres dont le dernier, Kaluchua, vient de paraître au Seuil. Sur twitter: @MicheldePrac.

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Le Tyrannosaurus Rex, familièrement appelé T. Rex ou, à l’américaine, T-Rex (avec un trait d’union abusif), a été la star du film Jurassic Park de Steven Spielberg. Grosse tête, dents énormes, courtes pattes avant et peau de lézard, l’aspect de la bête est très typé : plus que tout autre espèce, le T. Rex mérite ce nom de dinosaure, qui signifie étymologiquement «lézard terrible». Il est lui-même le « roi des lézards tyrans », l'un des plus grands carnivores terrestres ayant existé sur la planète, mesurant jusqu'à près de 12 mètres de longueur, 4 mètres à hauteur de hanches et pesant jusqu'à 6,7 tonnes. Peut-on se représenter un tel monstre reptilien paré de plumes comme un vulgaire paon ? Autant imaginer Zizi Jeanmaire chantant Mon truc en plumes au milieu du parc de Steven Spielberg !

Illustration 1
Représentation artistique de Yutyrannus huali © Brian Cho/Science

Et pourtant, une équipe de chercheurs chinois dirigé par Xing Xu, de l’université de Shenyang, dans la province du Liaoning, au nord-est de la Chine, affirme avoir découvert un tyrannosauridé revêtu de plumes. Yutyrannus huali, ainsi qu’il a été nommé, vivait pendant le Crétacé inférieur, il y a quelque 125 millions d’années (notons au passage que n’en déplaise à Spielberg, son T-Rex favori n’a jamais vécu au Jurassique, mais bien plus tard). Trois squelettes presque complets de Yutyrannus huali ont été trouvés dans la formation de Yikian, dans le Liaoning. Le plus grand des trois spécimens devait peser 1,4 tonne et mesurer environ 9 mètres de long.

Illustration 2
Un T. Rex dans Jurassic Park © Jurassic_park_wiki

Selon Xing Xu et ses collègues, qui présentent leur découverte dans la revue Nature du 5 avril 2012, la bête était entièrement couverte de plumes filamenteuses d’au moins 15 centimètres de long. Il possédait une main à trois doigts et un pied typique des théropodes, le groupe dont font partie les tyrannosaures et autres dinosaures prédateurs. 

 Y. huali avait un crâne volumineux doté d’une spectaculaire crête médiane évoquant, d’après ses découvreurs, celle d’un autre tyrannosauridé chinois, Guanlong (littéralement « dragon couronné »), découvert également par Xing Xu avec une équipe américaine dans la formation Wucai (bassin de Junggar), dans le Xinjiang (nord-ouest de la Chine). Guanlong est le seul tyrannosauridé à remonter au Jurassique (155 millions d’années). Plus grand que Guanlong, Yutyrannus huali devait avoir fière allure : « “huali” signifie “beau” en chinois mandarin, allusion à la beauté du plumage de cet animal », écrivent Xing Xu et ses collègues.

A quoi pouvaient servir les plumes de Y. huali ? Certainement pas à voler : l’animal était beaucoup trop lourd et la forme des plumes n’était pas adaptée au vol. S’agissait-il d’un ornement richement coloré, pouvant servir à parader devant le sexe opposé, comme la queue du paon ? Les chercheurs n’ont pas encore la réponse à cette question.

Illustration 3
Vue artistique de Guanlong © dinosaurs.wikia.com

Mais une autre hypothèse est que les plumes formaient un manteau destiné à protéger l’animal du froid. Cela peut surprendre, parce que l’on estime habituellement que les tyrannosaures étaient revêtues d’écailles. Plumes et poils sont ont avant tout une fonction d’isolation thermique. Mais un certain nombre de grands mammifères sont devenus presque entièrement glabres parce que leur rapport surface-volume les dispense d’isolation. Ainsi, le rhinocéros ou l’éléphant sont suffisamment massifs pour conserver leur chaleur corporelle sans avoir besoin d’un pelage.

Cependant, d’après Xing Xu et ses collègues, même si la plupart des tyrannosauridés du Crétacé avient des écailles, les plumes de Y. huali pourraient constituer une adaptation à un environnement exceptionnellement froid. Le fossile chinois a en effet vécu dans une période particulièrement plus froide que le reste du Crétacé, avec une température moyenne de l’ordre de 10°C. Or la plupart des tyrannosauridés du Crétacé tardif ont vécu dans des climats nettement plus chaud, avec des températures moyennes de l’ordre de 18 °C ou davantage.

Ce point reste à éclaircir, mais la découverte chinoise remet en cause l’idée admise jusqu’ici que les très grands animaux ne pouvaient pas être couverts de plumes. Elle met aussi en avant la parenté évolutive entre les oiseaux et les dinosaures, hypothèse avancée pour la première fois par Thomas Henry Huxley (1825-1895), l’un des plus ardents défenseurs de Charles Darwin.

Il est aujourd’hui couramment admis que les oiseaux sont issus des théropodes, et sont donc apparentés aux tyrannosaures. En termes d’évolution, il est donc assez logique que certains tyrannosauridés possèdent des plumes. Néanmoins, l’histoire évolutive des oiseaux a été longtemps controversée. Des fossiles d’Archaeopteryx, le premier dinosaure-oiseau connu, ont été découvert en Allemagne à partir de 1855. Hermann von Meyer, qui a décrit la première plume, identifie l’animal comme un ptérosaure, un reptile ailé. Richard Owen, l’homme qui a inventé le terme « dinosaure », y voit un oiseau.

C’est Thomas Huxley qui est le premier à voir l’Archaeopteryx comme une forme transitoire entre dinosaures et oiseaux, et à supposer que les dinosaures aient pu être homéothermes et non des animaux à sang froid comme les reptiles actuels. A la fin des années 1960, le paléontologue américain John Ostrom étudie un fossile appelé Deinonychus, un théropode carnivore ayant vécu au début du Crétacé sur le continent américain, et il démontre la filiation entre théropodes et oiseaux.

Mais la discussion n’est pas close pour autant. Elle s’est renouvelée dans les années 1990, avec la découverte de plusioeurs dinosaures à plumes, principalement en Chine. Un épisode a quelque peu troublé les scientifiques fin 1999 : un fossile appelé Archaeoraptor, et provenant aussi de Chine, fut présenté dans le magazine National Geographic comme un chaînon manquant entre oiseaux et dinosaures. Xing Xu (le même que plus haut) participa à son identification.

Mais Xing Xu apporta ensuite la preuve quel’Archaeoraptor – dont le nom signifie « vieux voleur »… - était en fait un assemblage constitué de deux fossiles différents. Cette fraude a conforté les créationnistes dans leur discours niant la réalité de l’évolution.

Mais même si l’Archaeoraptor était un faux, il reste toute une série de fossiles de dinosaures à plumes dont l’authenticité n’est pas contestée. Les oiseaux sont bien les descendants des dinosaures. Il peut paraître surprenant que le terrifiant T. Rex soit un arrière grand-oncle de la délicate mésange. Mais comme le chante Maxime Leforestier, « On choisit pas ses parents, on choisit pas sa famille… »