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Michel de Pracontal

Journaliste scientifique, j'ai travaillé à Science et Vie, à L'Evénement du Jeudi, et au Nouvel Observateur (de 1990 à 2009). Je suis aussi auteur de plusieurs livres dont le dernier, Kaluchua, vient de paraître au Seuil. Sur twitter: @MicheldePrac.

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Billet de blog 31 août 2013

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Samedi-sciences (99): les bébés apprennent des mots avant leur naissance

Les bébés commencent à apprendre le langage verbal dans le ventre de leur mère, pendant les trois derniers mois qui précèdent leur naissance, d’après une expérience menée par le neurologue Eino Partanen et ses collègues à l’université d’Helsinki.

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Illustration 1
L'EEG montre que les nouveau-nés reconnaissent des mots entendus avant leur naissance © Veikko Somerpuro/Université d'Helsinki

Les bébés commencent à apprendre le langage verbal dans le ventre de leur mère, pendant les trois derniers mois qui précèdent leur naissance, d’après une expérience menée par le neurologue Eino Partanen et ses collègues à l’université d’Helsinki. Les chercheurs finlandais ont démontré que des nouveau-nés sont capables de reconnaître un mot de trois syllabes qu’ils ont régulièrement entendu lorsqu’ils étaient encore dans le milieu utérin, entre la 29ème et la 40ème semaine de grossesse.

L’étude de Partanen vient d’être publiée dans Pnas, la revue de l’académie des sciences américaine. On savait déjà que dans le milieu utérin, l’enfant est capable d’entendre : il possède une oreille fonctionnelle dès la vingt-deuxième semaine de grossesse et elle est connectée à son cortex à partir de la 27ème ou 28ème semaine. De plus, des observations antérieures ont montré que le nouveau-né réagit différemment à la voix de sa mère et aux sons auxquels il s’est familiarisé pendant la grossesse, notamment ceux de sa langue maternelle.

Mais l’expérience de Partanen apporte un élément supplémentaire, car elle prouve que le cerveau de l’enfant peut garder une trace d’un mot fréquemment entendu pendant les derniers mois de la grossesse, et qu’un processus de mémorisation a déjà commencé à se mettre en place à ce stade.

Afin de mettre ce processus en évidence, Partanen compare deux groupes d’enfants, l’un exposé à l’ « apprentissage » et l’autre qui sert de contrôle. Pour le premier groupe, 17 jeunes femmes enceintes ont participé à l’expérience. Chacune a reçu un CD de 4 minutes sur lequel est enregistré un pseudo-mot de trois syllabes (tatata), répété plus de 400 fois ; l’enregistrement comporte aussi des variantes du mot, dans lesquelles le ta du milieu est plus aigu ou plus grave, mais ces variantes sont répétées beaucoup moins souvent ; entre les pseudo-mots est intercalée une musique non vocale.

Les mères ont fait entendre le CD à leur bébé cinq à sept fois par semaine, à partir de la vingt-neuvième semaine de grossesse jusqu’à la naissance. Au moment de l’accouchement, les bébés avaient entendu le mot en moyenne 25 000 fois, et chacune des variantes environ 4 400 fois. Ils ont été testés dans les jours ou les premières semaines après leur naissance : on leur a fait entendre le tatata et ses différentes variantes, en enregistrant par électro-encéphalogramme la réponse de leur cerveau.

Résultat : l’EEG montre clairement que les enfants différencient le pseudo-mot principal des variantes. Comme l’enregistrement est fait en moyenne cinq jours après la dernière fois que le bébé a entendu le CD, l’expérience met en évidence une forme de mémorisation. Enfin, les bébés du groupe contrôle, qui n’ont pas écouté le CD pendant la grossesse, ne présentent pas les mêmes réponses différenciées.

Une expérience antérieure, menée par l’équipe française de Fabrice Wallois, avait montré que des bébés prématurés, nés entre la 28ème et la 32ème semaine de grossesse, étaient capables de différencier des syllabes proches comme ba et ga, ou de distinguer une voix masculine d’une voix féminine (voir notre article ici). Cette expérience mettait en évidence, chez le prématuré, une organisation cérébrale du traitement du langage ressemblant déjà à celle d’un enfant plus âgé ou d’un adulte.

Mais cette expérience n’était pas conçue pour mettre en évidence un processus de mémorisation, qui apparaît dans l’expérience de Partanen, puisque les bébés qui ont écouté le CD avant leur naissance distinguent encore les différents tatata plusieurs jours après la dernière fois qu’ils ont entendu l’enregistrement. En revanche, l’étude de Partanen n’apporte pas d’information précise surles circuits neuronaux impliqués dans le processus.

« L’un des intérêts de cette expérience est de confirmer que le système cérébral qui permet au bébé de réagir au langage commence à se mettre en place avant la naissance, observe Fabrice Wallois. Ce n’est pas le “stress de la naissance” qui met en place les capacités à traiter le langage. Mais la limite de ce travail est qu’il ne donne pas d’indication précise sur le moment où apparaissent ces capacités, puisque l’apprentissage auquel Partanen soumet les enfants s’étale sur plus de dix semaines. »

Suffirait-il de faire entendre le CD aux enfants pendant les deux dernières semaines de grossesse ? Et les sons entendus à 29 semaines ont-ils le même impact que ceux entendu à 40 semaines ? A ces questions, le travail de Partanen ne permet pas de répondre. De son côté, Fabrice Wallois a entrepris une recherche pour tenter de savoir s’il existe des différences entre les prématurés de 28 semaines et ceux qui ont quelques semaines de plus. L’intérêt d’une telle recherche serait de chercher à savoir si un apprentissage commence entre le moment où le système auditif devient tout juste fonctionnel, soit à peu près à 28 semaines, et la naissance.

On n’a pas encore la réponse. L’étude de Partanen ne permet pas de dire si l’apprentissage du langage commence à 28 semaines ou à 35. Si elle confirme qu’il est bénéfique pour le développement du bébé que sa mère lui parle pendant la grossesse, elle ne dit pas à quel moment précis il faut commencer.