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retraité de l'ingénierie informatique et aéronautique et de l'enseignement dit supérieur (anglais de spécialité), écrivain et esprit curieux

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Billet de blog 18 juillet 2014

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Quelle idée de survoler l'Ukraine en ce moment...

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

C'est la première réflexion qui m'est venue à l'esprit en apprenant la perte du 777 de Malaysian Airlines.

Je croyais naïvement que les avions occidentaux n'allaient que jusqu'à Kiev et que, vu la situation d'affrontement militaire en cours, tout l'Est était déclaré en NFZ (No Fly Zone).

Vérification faite, les autorités ukrainiennes (seules habilitées à établir une NFZ sur leur territoire, sauf décision de l'ONU ou de belligérants externes dans des situations de guerre ouverte comme en Bosnie ou en Irak) avaient limité la NFZ au FL 320. Or l'avion détruit volait à FL 330 (soit environ 300 m au dessus de la limite).

Tous les plans de vol déposés en Europe sont centralisés à la CFMU (Central Flow Management Unit) d'Eurocontrol (basée à Bruxelles avec un centre en secours à Brétigny) et ceux qui prétendraient traverser les NFZ sont rejetés et n'obtiennent donc pas de créneaux de décollage.

NFZ ou pas NFZ, les compagnies internationales les plus sérieuses du point de vue de la sécurité des vols (Qantas, British Airways, les compagnies américaines) avaient décidé de ne plus survoler du tout l'Est ukrainien.

Les compagnies moins rigoureuses dans leur gestion des risques et/ou davantage gênées financièrement aux entournures (Air France-KLM, Lufthansa, Malaysian et bien d'autres: jusqu'à hier environ 300 vols par jour passaient par là) continuaient donc de voler sur ces routes comme si de rien n'était.

Pourquoi prendre ce risque ?  Le carburant coûte cher (25% du coût d'un vol) et faire un détour coûte de l'argent. Dans une activité très concurrentielle à faible marge bénéficiaire comme le transport aérien, la tentation est grande de minimiser les risques pour rogner sur les dépenses (certaines compagnies dites à faible coût se font d'ailleurs régulièrement épingler sur le thème de l'interprétation créative voire du non-respect pur et simple des normes de sécurité.)

Le même raisonnement vaut pour les autorités ukrainiennes: prendre la décision d'étendre la NFZ à tout l'espace supérieur c'est un peu tuer la poule aux oeufs d'or: les redevances de route assurent un flux continu de devises fortes (euros et dollars), qui sont censées théoriquement ne servir qu'à maintenir et développer les infrastructures et payer les personnels des services de la Navigation Aérienne mais qui en pratique peuvent servir à bien d'autres choses...

Théoriquement, les compagnies aériennes pourraient refuser de payer les redevances quand le service n'est pas assuré. Par exemple, pour le survol de certains pays africains les pilotes "auto-gèrent" l'évitement des abordages en signalant leur position sur une fréquence commune car aucun service de contrôle en route n'est fourni. On pourrait penser que dans ce cas, les compagnies aériennes refuseraient de payer les redevances à l'Etat défaillant (et IATA en agite parfois la menace) mais pour des questions d'assurance des vols (une compagnie qui n'aurait pas payé ses redevances ne serait pas couverte par son assureur en cas d'accident), elles finissent toujours par payer même si aucun contrôleur aérien ne se manifeste sur les fréquences HF ou VHF prévues à cet effet... On ne sait pas trop ce que les administrations concernées font de l'argent perçu, mais il n'est sûrement pas perdu pour tout le monde...

Bref, les avions comme le reste n'échappent pas à naviguer sans trêve dans les eaux glacées du calcul égoïste.

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