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Billet de blog 4 septembre 2014

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Déni de démocratie et autres broutilles de notre permafrost politique

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Dans leur sagesse médiévale les chinois destituaient leur empereur chaque fois que des pluies diluviennes mettaient leurs récoltes à mal y amenant  famine et désolation. Au représentant céleste ils ne demandaient qu’une seule chose, qu’il soit en bonne entente avec les forces de la nature et de l’au-delà.  Avec qui il couchait, de qui il se débarrassait, comment il menait ses guerres et sa politique, ils n’en avaient rien à faire. Ce sont des broutilles, des agissements triviaux, des aléas de la partie humaine de l’empereur.  Tant que le  Yang Tse reste dans son lit…

Les temps ont changé. Les présentateurs et les présentatrices de nos télés, qui, faute d’avoir toutes leurs dents, exhibent cependant des prothèses éclatantes, indiquent en boucle que l’important c’est la broutille et que le futile c’est la condition humaine, la parole donnée, le contrat.  Selon eux, le déni de démocratie et le mépris de la parole donnée ne sont que des petits ennuis, des épiphénomènes dus à l’incompréhension des gouvernés face aux exigences la mondialisation, qui, elle n’est ni discutable, ni discutée.  Comme dit le ministre de l’économie française fraichement installé, pourquoi s’exciter et gesticuler en vain, puisqu’il n’y a pas d’autre solution. Au XIIIe siècle l’église affirmait, avec le même aplomb, que la nature du Christ ne peut pas être duale,  que c’est le fil de Dieu et point barre. Et ceux qui osent penser le contraire, qu’il y avait de l’homme - et de l’humanité - chez Jésus,  ne sont que des vulgaires hérétiques. Au moins, deux siècles plus tard, cette même Eglise a donné son feu vert à Christophe Colomb, même si découvrir l’Amérique portait un coup fatal à la parole sainte qui continuait d’affirmer que la terre était plate.  

La sagesse médiévale chinoise qui exigeait des résultats semble aujourd’hui disparue, au profit du dogme. Car, après tout, si ce dernier avait des résultats sur le chômage, l’exclusion, la prospérité du grand nombre, la qualité de la vie, l’épanouissement de l’homme et de la nature, cela, depuis un demi-siècle, les intéressés l’auraient su.   D’autres diront, et il y du vrai en cela, qu’acheter et produire bon marché dans un coin de l’œcoumène pour les vendre cher dans un autre a permis à des régions et des peuples lointains de trouver la voie de la prospérité, ou plutôt de la consommation. Mais sur cette terre, avec ce système - ce dogme -, le processus qui engendre de la richesse chez les uns, produit de la misère chez les autres.  Et donc de l’égoïsme à deux vitesse : celui, pitoyable, qui veut préserver ce qu’il a eu jadis, et celui, arrogant, qui exige tout et tout de suite en déclarant : c’est mon tour.  Sur cette terre, avec ce système, la seule chose que les gouvernants génèrent c’est de la frustration.

Le permafrost politique, au contraire de celui de la calotte glacière, s’épaissit au jour le jour.  Nos dirigeants ne sont pas indignes parce que des broutilles les déstabilisent. Il le sont parce qu’ils sont incapable d’obtenir des résultats, d’œuvrer pour le bonheur du grand nombre, et d’imaginer un autre système. Ils sont indignes par manque d’imagination. Chantres de la fatalité, ils ne connaîtront jamais la jouissance et le bonheur d’offrir un monde meilleur. 

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