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Billet de blog 16 octobre 2011

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On nous enfume avec la voiture électrique ...!

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

On pourrait résumer en disant : "To be electric or not to be electric, that is not the question !"

Voir réunis dans la même ovation en l'honneur de l'avènement de la voiture électrique, des gens de bonne volonté et mal informés, des gangsters, des écolos convaincus, sans oublier les ravis de la crêche prêts à se raccrocher à la première idée qui passe si elle est peinte en vert, m'énerve.

Super intro qui permet de se fâcher d'un coup avec tout le monde ! Mais, quand on est très énervé, on ne contrôle pas !

Mais, chers amis lecteurs de MEDIAPART, avouez qu'il y a de quoi s'énerver et ce n'est pas l'arrivée en fanfare de l'Autolib de monsieur BOLORE qui va calmer le jeux.

Prenons un manuel de Physique dans une main et une calculette dans l'autre, et faisons passer un Stress-test (un vrai …!) à cette merveille à roulette.

Ses promoteurs nous rabâchent que la voiture électrique :

  • est 3 fois plus efficace, car un moteur électrique a un rendement qui frise les 95 % et qui ridiculise les meilleurs moteurs à pétrole.

  • est propre, on dit même et on affiche partout qu'elle est ZERO émission, soit le rêve du poumon.

  • ne consomme rien quand elle est scotchée dans les bouchons.

Voici les trois questions qui stressent …

Les voitures électriques permettent-elles d'économiser de l'énergie ?

Sans être Prix Nobel de Physique, nous savons que plus une voiture est lourde plus il faut pousser fort pour la faire rouler, accélérer et monter les côtes. Cela saute moins au yeux mais plus elle est lourde et plus les frottements de ses pneus sur la route et dans ses systèmes mécaniques sont importants. De même, tous ceux qui ont pédalé un jour, ont fait la dure expérience de la résistance que l'air oppose à leur envie d'aller vite sans effort. Si les coureurs baissent la tête, ce n'est pas pour rien !

Plus directement dit, l'énergie dont a besoin une voiture pour faire un parcours donné à une vitesse donnée dépend de sa masse, de sa taille et de sa forme. Si elle est légère, petite et aérodynamique elle aura un besoin d'énergie plus faible que si elle est lourde, volumineuse et mal profilée. Que son moteur soit alimenté à l'essence, à l'électricité ou au jus de betterave ne change rien à l'affaire. Il ne faut pas confondre le besoin en énergie et le moyen de le satisfaire.

Donc, faire le lien entre propulsion électrique et réduction du besoin d'énergie n'a pas de sens. C'est d'autant plus vrai que les véhicules dont nous parlent les grands Constructeurs Automobiles sont aussi gros et lourds (souvent plus lourds !) et aussi encombrants que nos voitures actuelles et ont donc les mêmes besoins énergétiques.

Pas de réduction du besoin, mais peut-être est-il plus efficace de passer par l'électrique pour le servir ?

Ce qui pourrait faire la différence, c'est le très bon rendement du moteur électrique, environ 90%, soit trois fois mieux qu'un moteur thermique. Il n'est pas surprenant qu'il soit mis en avant pour nous convaincre que l'électrique c'est l'avenir.

Hélas, trois fois hélas, la centrale électrique (dont on ne parle jamais) qui produit le « carburant électrique », qu'elle soit nucléaire, à fuel ou à charbon, pour les même raisons que le moteur thermique, a un aussi mauvais rendement que ce dernier, c'est à dire environ 30 %. Ces raisons sont liées aux lois de la physique (principe de Carnot), elles sont en place depuis le Big bang et nous survivront très largement.

Ceci fait que lorsqu'on fait le calcul complet en partant de la mine de charbon ou d'uranium ou du puits de pétrole, jusqu'à la roue de la voiture, on arrive au même résultat. Qu'on ait un réservoir ou une batterie, on ne retrouve « à la roue » qu'environ 20% de l'énergie que contenait le produit source d'énergie qu'on a extrait de la mine ou du puits.

Ceci fait que passer par la voie électrique ne permet pas d'économiser de l'énergie.

Dans un Stress test sèrieux, quand on ne passe pas le premier filtre, on sort ! En effet le problème de notre présent est de trouver des moyens de continuer à bien vivre (on développera la notion de bien vivreune autre fois !) en CONSOMMANT MOINS D'ENERGIE. Personne n'ose affirmer que l'ère de l'énergie à gogo va continuer.

Donc, la voiture électrique qu'on veut nous faire adopter, qui est une copie conforme mais électrifiée de la voiture à pétrole et que, nous promet-on, nous pourrons utiliser de la même façon, n'est pas la réponse au problème posé. Ses promoteurs pensent certainement qu'il y a de l'argent à se faire sur ce qui restera une niche et, par construction, pas une voie d'avenir.

Mais soyons bons princes et continuons le Stress test.

Les voitures électriques sont-elles respectueuses de l'environnement ?

Sachant que les 2/3 de l'électricité mondiale sont produits avec du charbon ou du fuel, on peut répondre facilement. Si on ne réduit pas le besoin d'énergie et qu'on ne le satisfait pas plus efficacement, il n'y a pas de raison d'obtenir une réduction des émissions de CO2 !

Bien sûr, en France, nous avons de l'électricité nucléaire et donc, nous dit-on, pas de CO2 pour les voitures électriques Bleu blanc rouge. Chacun est libre de penser qu'il est mieux de laisser des déchets nucléaires aux bons soins des 20 à 30 générations qui viennent que de larguer du CO2 dans l'atmosphère. En y regardant de plus près, il n'est même pas besoin de trancher entre la peste et le choléra !

Les centrales nucléaires ne sont pas très souples, il n'est pas facile de moduler leur puissance. Il arrive donc souvent que la France revende son courant excédentaire à nos voisins européens qui peuvent alors ralentir leurs centrales à fuel ou à charbon et les émissions de CO2 qui vont avec. Mais, si nous consommons plus d'électricité du fait que nous rechargeons les batteries de nos voitures, nous vendrons moins de courant à nos voisins qui devront forcer l'allure de leur centrales qui crachent du CO2 ! Le raisonnement vaut aussi pour les périodes où nous importons du courant (d'ailleurs très sale !) quand nos besoins dépassent les capacités de production de nos 58 réacteurs. C'est le principe des vases communicants qui en la matière devient le principe de réalité...

Nos voitures, à l'origine d'une nouvelle et supplémentaire consommation électrique, seront bien à l'origine de ce supplément de CO2. On aura simplement déplacé l'endroit où le CO2 est émis et il faut se souvenir qu'il ne connait pas les frontières …

L'accroissement actuel des capacités de production d'électricité est essentiellement obtenue avec des centrales à charbon, particulièrement en Chine qui en regorge et qui en a fait un pilier de son indépendance énergétique.

Les prochaines voitures électriques fonctionneront donc au charbon. Les chiffres sont connus, 1 Kwh électrique produit dans une centrale à charbon provoque le dégagement de (au moins) 800 g de CO2. Les voitures électriques qui arrivent sur le marché consomment entre 15 et 20 Kwh au 100 km, soit en gros 150 g de CO2 au km.

Il ne faut pas espérer de réduction des émissions de CO2 liées à l'adoption de la voiture électrique.

Pas très vert tout ça ! On nous enfume avec la voiture électrique !

Ceux qui seraient tentés de se raccrocher à l'idée que ces voitures seront branchées aux éoliennes ou à des panneaux solaires, doivent d'urgence utiliser la calculette et s'intéresser aux ordres de grandeur. Si la chose est parfaitement possible pour un quidam militant et prêt à payer cher, dès qu'on envisage une mutation du parc automobile on fait fondre la calculette …... Pour alimenter le parc actuel de voitures particulières il faudrait un parc éolien environ 5 fois plus important que celui qui est actuellement en service.

Les voitures électriques sont-elles irréprochables dans les bouchons

Oui, mais pour vraiment profiter de cette vertu, il reste à démontrer qu'il est efficace, sinon intelligent, d'aller s'agglutiner et faire du sur place et perdre des millions d'heures de temps humain …

Plus généralement, une réflexion un peu plus globale sur nos besoins de mobilité et les moyens de la satisfaire montre très vite que la voiture « spécial-bouchons » n'est pas une priorité !

De la triple promesse des publicitaires il ne reste pas grand chose ! To be electric or not to be electric, that is not the question !

En dehors du fait que les promesses de la propulsion électrique n'engagent que ceux qui les croient, le fait que le moteur électrique fasse partie de notre quotidien depuis plus d'un ½ siècle, a permis de faire croire aussi à sa simplicité.

On ne peut pas développer ici, mais le passage à la voiture électrique pose de redoutables problèmes technologiques qui restent à régler. D'aussi redoutables problèmes d'infrastructures se poseront si on veut que cette voiture devienne la voiture de tout un chacun.

Ceci a pour conséquence que cette voiture sera durablement chère, donc peu diffusée. Même dans le cas où elle aurait des avantages, cela ne règlerait strictement rien sur le plan global.

D'autre part, et ce n'est pas le moindre aspect, la promesse de faire 100 km avec 2€ d'électricité passe sous silence que le prix d'une batterie correspond à environ 100.000 km de carburant à la pompe ! Il suffit de prendre les tarifs de location de batterie qui commencent à être annoncés dans une main et de garder la calculette dans l'autre, pour se rendre compte qu'on est loin de l'affaire en or !

Ces chiffres évolueront probablement, mais seuls les distraits n'ont pas compris que la taxation du carburant électricité est déjà prévue dans les systèmes de recharge, y compris ceux qui seront installés chez les particuliers ...

Faut-il se désespérer ? Fort heureusement non, car des solutions existent, simples et à portée de main car faisant appel au bon sens.

Le bon sens consiste à répondre vraiment au besoin de mobilité, à l'impératif besoin de faire des économies d'énergie et de réduire massivement les émissions de CO2.

Rien de plus facile quand on connait les raisons pour lesquelles les voitures consomment. Il suffit de proposer un véhicule léger, peu puissant, petit et aérodynamique. Il n'y a rien à inventer pour construire une voiture qui pèserait 400 kg (trois fois moins que la moyenne actuelle), elle serait parfaite pour se déplacer à 2 voire 3 personnes, à la ville comme à la campagne à des vitesses parfaitement compatibles avec la circulation routière.

Une voiture bien conçue et fabriquée industriellement, consommerait 2 l/100 (trois fois moins que la moyenne actuelle) et ne serait pas chère car nécessitant peu de matières premières. Pour tous ceux qui ont simplement besoin d'une voiture pour les transporter confortablement et en sécurité, elle serait parfaite. Et si elle est en auto-partage, c'est le bingo ! Il faut voir que cette réduction immédiate de consommation de pétrole est aussi l'indispensable préliminaire à la relève par de véritables carburants renouvelables qui sont … dans les tuyaux !

Cette option de bon sens pourrait être rapidement généralisée, car elle ne nécessite pas la maîtrise de nouvelles technologies et, conduisant à une solution pas chère elle serait accessible au plus grand nombre. Le parc actuel pourrait être renouvelé rapidement, c'est un point très important pour infléchir notre course vers l'abime.

On peut donc, rapidement et à coup sûr, diviser par 3 l'empreinte environnementale de la voiture sans passer à l'électrique, 3 fois moins de consommation (3 fois moins d'éoliennes !), 3 fois moins de matières premières. A cela doivent s'ajouter des économies liées à l'usage que nous ferons des voitures.

Et ensuite, après être passé par l'incontournable case minceur, pourquoi pas l'électrique ? Il est d'ailleurs probable qu'il ne s'agira pas d'un véhicule urbain, mais plutôt du "chainon manquant" qui sera bien utile quand les transports en commun, le vélo ou la marche ne seront pas envisageables …..

Il faut bien sûr espérer que la sagesse l'emportera, car une des conséquences graves des mauvais choix stratégiques que feraient nos constructeurs automobiles occidentaux et des politiques qui devraient ne pas laisser faire, serait qu'ils soient balayés par les industriels Indiens et Chinois qui n'ont pas d'autre choix que cette petite voiture de bon sens esquissée plus haut, pour répondre aux rêves de voitures de 2 milliards d'individus ….. en répondant par la même occasion à notre besoin.

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