Plus de cent. Plus de cent syndicalistes poursuivis en Guadeloupe depuis le mouvement initié par le LKP en 2009. Ce 20 janvier, Charly Lendo comparaît devant le tribunal de Pointe à Pitre pour homicide involontaire « indirect » : il est accusé d’être « responsable » de la mort accidentelle d’un jeune motard survenue en dans la nuit du 20 au 21 février 2009, en plein mouvement contre la « profitation ». Six ans après. Comme si cela ne s’arrêtait jamais. Que ce mois où la Guadeloupe s’est révoltée ne passe définitivement pas. Comme si s’exerçait à l’encontre de l’UGTG une vengeance d’Etat sans fin. Charly Lendo était secrétaire général adjoint du syndicat en 2009. Au congrès d’avril 2014, il devait succéder à Eli Domota.
Pour mieux comprendre ce dont on l’accuse, il faut revenir sur le contexte de ce mois de février 2009. Dans la nuit du 7 au 8 février, les négociations entre le LKP et Yves Jégo mandaté par le gouvernement de François Fillon, se termineront très tard. Et quand la séance est levée à cinq heures du matin, il est décidé de se revoir l’après-midi pour signer l’accord conclu dans la nuit sur une hausse de 200 euros pour tous les salariés touchant moins de 1,4 Smic.
L'injonction de Matignon
Mais à la reprise, à 16h30, Yves Jégo est absent. Rappelé par Matignon qui refuse d’entériner cet accord, il est rentré à Paris en catimini. Alors que la grève générale dure déjà depuis le 20 janvier, les négociations viennent de tomber à l’eau. Dès le lendemain, des barrages sont érigés dans toute l’île. «L’affront ne passe pas, la population s’est pris ce mépris en pleine poire. Et des manifestations spontanées ont lieu. Ce n’est ni le LKP, ni l’UGTG qui ont appelé à monter des barrages», précise Elie Domota. La tension est telle qu’Yves Jégo sera d’ailleurs contraint de revenir en Guadeloupe dès le 11 février.
Dans la nuit du 20 au 21 février, Steven Fiston, un jeune motard glisse et percute un de ces barrages à Saint François et se tue. Selon les pompiers, « le motard, qui ne portait pas de casque, semble n'avoir pas vu le barrage et l'a heurté ». Le préfet de Guadeloupe, Nicolas Desforges, déclarera à l'AFP qu'il s'agit « d'un accident de la circulation, à l'évidence ». Le rapport de gendarmerie indiquera que le barrage était tenu par des syndicalistes du LKP qui auraient quitté les lieux avant l’arrivée des enquêteurs.
Un premier non lieu
17 personnes, dont Charly Lendo, soupçonnées d’avoir été présentes sur les lieux seront auditionnées dans le cadre de l’enquête diligentée par le parquet de Guadeloupe en 2010. Elles bénéficieront toutes d’un non lieu. Mais le procureur général décide de s’en mêler et demande au juge d’instruction de revenir sur le non lieu général et de poursuivre Charlie Lendo. « C’est clair, ils l’ont choisi, explique Elie Domota A travers lui, il s’agit de criminaliser l’UGTG et de la démanteler.» Car Charlie Lendo n’est pas n’importe quel syndicaliste. Il est le dirigeant de l’Union des travailleurs de l’Hôtellerie, premier syndicat de Guadeloupe. Si l’on ajoute qu’il a été un artisan des accords Bino (1), un combattant pour leur application, que la convention collective de l’hôtellerie en Guadeloupe, plus avantageuse que celle de l’Hexagone, est dans le viseur du patronat du secteur, on comprend les enjeux de l’audience d'aujourd'hui. Pas seulement pour l’UGTG.
Mise à jour : La relaxe a été requise pour Charlie Lendo. Une très importante mobilisation de soutien s'est déployée devant le tribunal de Pointe à Pitre.
(1)L’accord régional interprofessionnel Bino, du nom du syndicaliste de la CGTG assassiné dans la nuit du 17 au 18 février 2009, signé entre le LKP, l’Etat et le patronat prévoit une augmentation de salaires généralisée pour les travailleurs du privé et notamment le versement d’une prime de 200 euros nets mensuels pour les salaires de 1,4 smic ou moins. Six ans après, les entreprises rechignent toujours à appliquer cet accord et à payer la part qui leur revient.