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Billet de blog 9 avril 2013

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Gilles Bernheim Grand Rabbin « lacanien » devant l’Eternel et serial plagiaire.

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Toute la presse en bruisse, s’en fait l’écho, internet en est rempli : après Jérôme Cahuzac, le ministre du budget qui fraude le fisc, Gilles Bernheim, Grand Rabbin de France, garant de la loi et de l’éthique juive est pris en flagrant délit de plagiat et d’usurpation de titre. La crise politique se double d’une crise morale.

Rappelons brièvement les faits. L’Express d’abord, relayé par Le Monde, puis par  le Figaro,  exposent l’affaire Bernheim.

Le rabbin Bernheim, serial-plagiaire. Un personnage de Philp Roth.

Nicolas Weill explique dans Le Monde.fr du 3 avril[1] que Gilles Bernheim a pillé le livre d’entretiens[2] entre l’universitaire californienne Elisabeth Weber et Jean-François Lyotard pour écrire ses Quarante méditations juives[3]. Plagiat à peu près intégral des propos tenus par Lyotard de 1924 à 1998.

Avec élégance, Gilles Berheim se défausse en déclarant doublement que c’est pas moi c’est lui. C’est d’abord l’étudiant qu’il employait pour le travail de recherche et de rédaction, son « nègre » quoi, son ghostwriter, alors que ce livre il l’a pourtant signé, et présenté aux journalistes et sur les plateaux de télévision comme le fruit de son travail. C’est ensuite, selon une technique éprouvée du renversement où le plagiaire accuse le plagié d’être le plagiaire, Elisabeth Weber et Jean-François Lyotard les véritables plagiaires, et lui l’innocent rabbin philosophe, la victime plagiée. Il faut imaginer ce scénartio inimagnable : les deux comparses, se mettant d’accord pour utiliser fraudueusement les textes du Rabbin. Depuis, Dolorès Lyotard, la veuve du philosophe et héritière du droit moral de l’oeuvre de son mari, envisage de porter plainte contre le rabbin. Et Gilles Bernheim envisage de lui présenter ses excuses. On trouvera toute l’histoire, passionnante comme un roman, sur un site[4] où Jean-Noël Darde, de Paris-VIII, spécialiste du plagiat, a travaillé sur cette affaire et ses ramifications, mais aussi sur toutes les autres qui précédent.

Les ramifications : Jean Marie Domenach, Elie Wiesel, Charles Dobzynski sont aussi plagiés. Et dans Questions du judaïsme signé en 1996 par le Rabbin, on retrouve des emprunts à l’entretien d’E.Weber et J.F. Lyotard.

Dans Le souci des autres au fondement de la loi juive, publié par Gilles Bernheim en 2002 aux Éditions Calman-Lévy, Jean-Noël Darde[5] trouve les emprunts d’un passage de Marin Cureau de la Chambre (1594 – 1669), médecin ordinaire du roi cité dans un élégant et érudit ouvrage de Jean-Loup Charvet, L’éloquence des larmes, paru en 2000, soit deux ans avant.

C’est encore Jean-Noël Darde qui révèle comment le Pape a été berné par Gilles Bernheim[6]. Au cours du récent débat qui a agité l’actualité à propos du mariage des homosexuels, celui-ci a publié un essai qui lui a valu un grand succès d’estime auprès des conservateurs de tout poil : Mariage homosexuel, homoparentalité et adoption : ce que l’on oublie souvent de dire. Essai de Gilles Bernheim, Grand Rabbin de France[7].

Le 21 décembre dernier, dans son discours annuel à la Curie romaine, Benoît XVI, a longuement cité la plaquette du Grand Rabbin. Cette citation, certainement inspirée par le Saint Esprit, a été l'un des grands titres de gloire de Gilles Bernheim, et un événement salué par la communauté juive et la presse du  monde entier. Mais le texte cité par Benoît XVI n'était pas de la main du Grand Rabbin qui, une nouvelle fois, s'était livré à un "emprunt" en puisant dans  L’Idéologie du Gender : Identité Reçue ou Choisie ?[8] du père Joseph-Marie Verlinde, fondateur de la fraternité monastique de la famille de Saint-Joseph. En somme, avec une intuition aussi sûre qu'apostolique et romaine, le pape a reconnu l'un des siens dans ce texte du rabbin, la patte d'un de ses théologiens-idéologue.

  Gilles Bernheim n’est pas un plagiaire occasionnel mais un récidiviste qui fait du plagiat une technique et un système d’écriture. Il est un sérial plagiaire pour qui le travail intellectuel ne se mesure qu’à l’aune du succès, quel qu’en soit le moyen.

Un moyen s’ajoutant à l’autre, c’est aussi un usurpateur de  titre. Toutes ses biographies, sa notice du Who's who, le Consistoire Central, l’attestent : le grand Rabbin de France est agrégé de philosophie. Ce que Nicolas Sarkozy alors Président de la République, a rappelé par deux fois, la voix vibrante d’admiration, lorsqu'il l’a décoré de la légion d'honneur le 3 mars 2010.[9] Mais après l’enquête menée par l’Express[10]la Société des Agrégés, n’a pas la moindre trace de son nom. Ni non plus les fichiers administratifs du Ministère de l'Education nationale. 

Gilles Bernheim ressemble à un personnage de Philip Roth, qu'on pourrait prendre pour un double de Coleman Silk, héros de La Tâche[11], qui a bâti sa vie sur un mensonge : noir à la peau très claire, il se fait passer pour un blanc, renie sa famille noire, et réussit une brillante carrière universitaire. Jusqu’à ce qu’un jour, tout bascule. Gilles Bernheim, rabbin et intellectuel reconnu, est un plagiaire patenté, archi récidiviste, qui usurpe le titre d’agrégé pour impressionner la galerie. La tromperie marche jusqu’à ce qu’un jour, tout bascule.

Merci Gilles Bernheim pour votre contribution à l’enrichissement des blagues juives dans la catégorie des « Et avant ? » : (M. Finkelsztejn décide, pour devenir enfin un vrai français, de changer de nom. Il explique à l'employée de l'état civil, avec son accent du Shtetl à couper au couteau, qu'il veut s'appeler Dupont. Quelques mois plus tard, il revient dans le même bureau d'état civil pour changer à nouveau de nom. Avec toujours son accent à couper au couteau, il explique à l'employée qu'il veut s'appeler Durand. "Vous comprenez, comme ça, je passerai enfin pour un vrai français quand je dirai que je m'appelle Durand et qu'on me demandera 'Et avant?' ". Et avant, d'être rabbin M. Bernheim, vous étiez juif ?

Etes-vous vraiment juif Monsieur le rabbin Bernheim ? Votre mère était-elle juive ? et votre grand-mère ? On peut se demander jusqu’où va cette irrepressible compulsion à la tromperie…

Quand le patatouèque lacano-cacanien-millerien s'en mêle.

Le patatouèque est dans mon lexique personnel, une sorte de mélange de pataquès lacanien, de sabir millerien, et de cacanien. On voudra bien se souvenir que dans son roman L’Homme sans qualités Robert Musil surnomme Cacanie l’empire d’Autriche-Hongrie moribond, « laboratoire du crépuscule », selon l’expression de Milan Kundera. Le cacanien est la langue qui y est parlée et qui reflète ce que sont les Cacaniens : entre autres caractéristiques, des hommes pleins de certitudes inébranlables et de violence banale qui dérive d’une rationalité fondée sur la science et un appareil étatique impersonnel, impliquant la disparition de la responsabilité personnelle à l’égard de ses actes. L’"homme sans qualités", l’homme cacanien est un homme en retrait, apolitique.

Je lis dans la Régle du jeu, un article de Pascal Bacqué Le rabbin n’existe pas. A propos de l’affaire qui touche le Grand Rabbin de France. Je lis et n’en apprends pas plus. Sinon cette ressussée lacano-cacanienne que comme la femme qui n’existe pas, le rabbin n’existe pas car « il n’y a pas d’autre de l’autre ». L’autre étant bien sûr le curé. Le rabbin, c’est le quasi curé juif créé par Napoléon. Passage du rav au rabbin. Un article entier pour dire ça. Mais encore, faut-il parvenir à le lire. Je pense aux lamentations des juifs en captivité à Babylone rejetant leur  responsabilité sur la tête de leurs pères « « Les pères ont mangé du raisin vert et les dents des fils ont été agacées » Ezéchiel, 18-2. Moi, c’est plus que les dents qui sont agacées à cause de ce style impossible, si douloureux à lire. Voilà un bon exemple du patatouèque lacano-millerien tel que les épigones le pratiquent, dans l'enthousiasme de ce qu'il croient être l'imitation du maître.

Miracle des homophonies, quelle ressemblance entre le cacanien et le lacano-millerien ! Avec le nouveau cacanien lacano-millerien (c-l-m), on est face à un véritable langage de secte, où les contorsions et les obscurités de la langue tiennent lieu de pensée. Pauvre Lacan! Où est sa grandeur ?… Le voilà transformé en cette chose ridicule par les épigones de Miller en mal de pensée. Et pour dire quoi ?!…des propos qui planent dans le vide du psittacisme. Le c-l-m comme semblant de la pensée. Si j’écris cela en c-l-m, ça pourrait donner quelque chose comme « Il suffit que comme un hochet s'agite le parlêtre et les signifiants-maîtres, il en satisfait sa pulsion scripturale et advient au plus-jouir ». Miller écrit dans son dernier blog : « L’époché (la suspension du jugement, en grec), l’esprit d’ouverture dont témoignent Denis et Frappat, (Bruno Frappat éditorialiste de la Croix et Jean-Pierre Denis  directeur de La Vie (ex-Vie Catholique) et éditorialiste; ndlr) je m’en sens plus proche que des anathèmes jetés à l’emporte-pièce pour se mettre à couvert d’une opinion versatile. Même si le sujet de l’inconscient n’est pas une âme, un psychanalyste qui n’aurait pas le sens du mystère serait un piètre psychanalyste »[12]. Le message est entendu par les disciples : suspension du jugement et sens du mystère. Comme Pascal Bacqué est proche du Maître !...

Miller : « (…) le signifiant La République a des relents d’ordre moral(…) Ce n’est qu’un cri : « Moralisons la vie publique ! » Oui. Certes. Qui dira le contraire ? Moralisons la vie économique ! Moralisons la vie sociale ! (…) Moralisons la vie financière ! Transformons les paradis fiscaux en purgatoires, et les purgatoires en enfers ! Moralisons la vie littéraire ! Moralisons la vie quotidienne ! Moralisons la vie! (…) J’en prends le pari : c’est en vain que vous déverserez vos tombereaux de moraline. Le Génie ne rentrera pas dans la bouteille. »[13]

Pascal Baqué : « Par pitié : ignorons superbement cette anecdote du jour qui nous aura motivés à la dire ; vous savez, cette fameuse histoire d’un certain rabbin qui, etc. ». Prenons de la hauteur, pas de moraline, suspension du jugement et sens du mystère !...

 Rencontre lacanienne entre le rabbin et le philosophe mondain.

 Quand il jouissait encore de tout son prestige usurpé, le Grand Rabbin Bernheim, porté par la vague de la controverse sur le si mal nommé mariage pour tous s’est produit avec Bernard-Henri Lévy dans le grand amphithéâtre de la Sorbonne[14]. On savait leur différence sur le sujet. Après le débat, on n’en saura pas plus. Amis dans la vie et comparses sur la scène, dans un langage parfaitement audible reconnaissons le, ils ont déployé les lieux communs de leurs doxas respectives, tout en ayant soin de les ponctuer des signifiants maîtres lacano-cacaniens. Un clin d’œil en passant au lacano-archaïque Pierre Legendre à propos de «…l’inestimable objet de la transmission. Nous ne savons pas ce que nous transmettons… » , un autre clin d’œil au triangle lacanien Imaginaire/ Réel/Symbolique, un aveu du philosophe anti-botulien[15], qui se déclare « à l’orée du parlêtre dans l’étude de la Thora », une question du Rabbin qui a encore son grand R majuscule :  « Dites moi comment cette loi au sens lacanien du terme peut être un signe de l’ek-sistence… »,et qui dans la foulée dénonce la rupture de l’ordre symbolique par le mariage gay.

Ce numéro de duettistes, a permis de mettre du Lacan à toutes les sauces, ici pro mariage gay, là anti, mais même délayage.

Il faudrait écrire à la façon de Burnier et Rambaud[16] un "Le lacano-millerien sans peine". Ce petit livre hilarant de Burnier et Rambaud était un facétieux hommage au monument qu'étaient Roland  Barthes et son oeuvre. Mais qui voudrait aujourd'hui se commettre à écrire un tel pastiche !? À l'École Anormale Supérieure Millerienne, cette pathologie du langage est la normalité : vocabulaire  et syntaxe torturés, comme les corps déformés des tableaux de Francis Bacon, propos alambiqués, phrases amphigourisées  et signifiants-maîtres ?

Pauvre Lacan! Heureusement que d'autres lacaniens, dans ce pays et dans le monde entier, sont là pour ne pas laisser cette chose ridicule être le seul héritage de son génie.


[1] http://www.lemonde.fr/culture/article/2013/04/03/le-grand-rabbin-gilles-bernheim-reconnait-avoir-commis-un-plagiat_3152658_3246.html

[2] Questions au judaïsme Desclée de Brouwer, 1996.

[3] Stock, 2011

[4] http://archeologie-copier-coller.com/?p=10148

[5] http://archeologie-copier-coller.com/?p=10312

[6] http://archeologie-copier-coller.com/?p=10472 L’essai de Gilles Bernheim: ce qui a plu au Pape Benoît XVI.

[7] que l’on peut consulter et télécharger sur http://www.grandrabbindefrance.com/mariage-homosexuel-homoparentalit%C3%A9-et-adoption-ce-que-l%E2%80%99-oublie-souvent-de-dire-essai-de-gilles-bern

[8] Editions Le Livre Ouvert, mars 2012. De larges extraits sont consultables sur Internet.

[9] http://www.youtube.com/watch?v=FLnJGHZ3-XQ

[10] http://www.lexpress.fr/culture/livre/l-autre-mensonge-du-grand-rabbin-bernheim_1237622.html

[11]  Gallimard, 2002

[12] http://laregledujeu.org/miller/2013/04/08/la-solution-salazar-le-mystere-cahuzac/

[13] ibidem

[14] http://www.akadem.org/sommaire/themes/philosophie/idees-politiques/modernite/la-spiritualite-face-a-la-violence-11-01-2013-49955_348.php

[15] Dans De la guerre en philosophie, Grasset, 2010, version remaniée d'une conférence prononcée en 2009 à l'ENS de la rue d'Ulm, BHL bataille contre Marx, Hegel, Kant, Bourdieu, Deleuze, Castoriadis, et s’en prend dans sa fougue au philosophe Jean Baptiste Botul. Les conférences que Botul a prononcées sur Kant, dans la pampa devant un public de néokantiens paraguayens sont publiées aux éd. Mille et une nuits, coll. « La Petite Collection », no 251, 1999. Sous le titre La vie sexuelle d’Emmanuel Kant.

BHL, s’est couvert de ridicule : il ne s’était pas rendu compte que Botul est une fiction, un gros canulard inventé par Frédéric Pagès, journaliste au Canard enchaîné. « C'est sans le moindre état d'âme que j'ai, depuis 30 ans et plus, choisi le rôle du renégat, endossé l'habit du disciple indocile, et déserté ce mouroir de toute pensée qu'est devenue l'Université », écrit BHL. Un peu trop…

[16] Le Roland Barthes sans peine , Michel Burnier et Patrick Rambaud. Balland, 1978.

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